La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2008 | FRANCE | N°301472

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27 juin 2008, 301472


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 11 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean A, demeurant 16, avenue de la Nonette à Senlis (60300) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2006 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 16 juin 2005 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a

té assujetti au titre des années 1993 et 1994 , ainsi que des pénalités...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 11 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean A, demeurant 16, avenue de la Nonette à Senlis (60300) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2006 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 16 juin 2005 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 , ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions et pénalités mises à sa charge au titre des années 1993 et 1994 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi du 30 décembre 1978 portant loi de finances pour 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Caroline Martin, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui exerce la profession d'urologue, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des redressements portant sur ses bénéfices non commerciaux ainsi que sur la remise en cause de l'abattement pour adhésion à une association agréée ; qu'il demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 6 décembre 2006 en tant qu'il confirme le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 16 juin 2005 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 et des pénalités correspondantes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 97 du livre des procédures fiscales, les caisses de sécurité sociale doivent adresser chaque année à l'administration des impôts un relevé récapitulatif par médecin des feuilles de maladie et notes de frais remises par les assurés mentionnant notamment le montant des honoraires versés par les assurés aux praticiens ;

Considérant qu'alors que M. A soutenait que les relevés adressés à l'administration par la caisse primaire d'assurance maladie de Creil sur le fondement du droit de communication régi par les dispositions de l'article L. 97 du livre des procédures fiscales n'avaient pas été soumis à un débat contradictoire au cours de la vérification de comptabilité, la cour, s'agissant de l'année 1993, a omis de répondre à ce moyen et, s'agissant de l'année 1994, a insuffisamment motivé son arrêt, en se bornant à juger que la vérification était régulière aux motifs qu'elle s'était déroulée au cabinet du praticien et que celui-ci n'apportait pas la preuve que le vérificateur s'était refusé à un débat oral et contradictoire ; que M. A est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qui concerne les années 1993 et 1994 ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que la notification de redressements du 23 décembre 1996 adressée à M. A, qui l'a reçue le 28 décembre 1996, comportait les éléments de fait et de droit motivant les redressements effectués au titre des bénéfices non commerciaux de l'année 1993 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la notification de redressements du 23 décembre 1996 adressée à M. et Mme A les informant des conséquences sur le revenu global de l'année 1993 des redressements notifiés à M. A récapitulait ces redressements et se référait à la notification de redressements du même jour adressée à M. A ; que, par suite, elle était régulièrement motivée ;

Considérant, en troisième lieu, que si la notification de redressements relative aux bénéfices non commerciaux de l'année 1994 en date du 10 avril 1997 mentionne à tort l'année 1993 en ce qui concerne les recettes, cette erreur matérielle n'a pas privé le contribuable de la possibilité de faire valoir ses observations ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en tout état de cause, le vérificateur n'était ni tenu de mentionner dans la notification de redressements l'origine et la teneur des relevés obtenus auprès de la caisse primaire d'assurance maladie afin de mettre à même le requérant d'en demander une copie aux services fiscaux, dès lors que cet organisme devait envoyer à M. A un exemplaire de ces documents en application de l'article R. 97-1 du livre des procédures fiscales, ni obligé d'annexer à la notification une copie de ces relevés ;

Considérant, en cinquième lieu, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque faisant usage de son droit de communication, elle consulte, au cours d'une vérification, tout ou partie de la comptabilité tenue par le contribuable vérifié mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués que ce soit à sa demande ou sans demande préalable des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables du contribuable vérifié ; que, par suite, l'administration n'était pas tenue de soumettre à un débat oral et contradictoire les relevés de sécurité sociale qu'elle avait reçus de la caisse primaire d'assurance maladie, lesquels ne constituaient pas des éléments de la comptabilité de M. A ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'année 1993 :

Considérant qu'aux termes de l'article 158 du code général des impôts alors applicable : ... 4 bis. Les adhérents des centres de gestion et associations agréées définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, ainsi que les membres d'un groupement ou d'une société visée aux articles 8 à 8 quinquies et chacun des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d'une même société ou groupement adhérant à l'un de ces organismes bénéficient d'un abattement de 20 % sur leurs bénéfices déclarés soumis à un régime réel d'imposition ou au régime prévu à l'article 68 F ... et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 371 W de l'annexe II au même code alors applicable : ... Les déclarations de résultats des membres adhérents d'une association agréée susceptibles de bénéficier de l'abattement doivent être accompagnées d'une attestation fournie par l'association indiquant la date d'adhésion et, le cas échéant, la date à laquelle est intervenue la perte de la qualité d'adhérent. ;

Considérant que l'article 371 W précité, en prévoyant que le contribuable doit fournir l'attestation de l'association agréée en même temps que sa déclaration, n'a pu avoir pour objet ni ne peut avoir pour effet de faire obstacle à ce que la preuve de cette adhésion soit établie par la présentation de cette attestation après l'expiration du délai de déclaration, que ce soit par voie de réclamation au service des impôts ou même, eu égard à l'objet de cette attestation, dans le cours de la procédure contentieuse ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'attestation en date du 3 août 2001 fournie par le requérant en cours de procédure contentieuse mentionne que M. A a été adhérent en 1993 et 1994, sans indiquer la date de son adhésion, le requérant a également produit devant la cour une attestation de l'association de gestion agréée des personnels de santé en date du 2 janvier 1995 relative à la déclaration de résultats de l'année 1993 précisant qu'il est adhérent depuis le 20 février 1989 et indiquant le montant des recettes déclarées ; que, par suite, M. A est en droit de bénéficier de l'abattement prévu au 4 bis de l'article 158 du code général des impôts ; qu'il y a lieu de le décharger de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1993 et des pénalités correspondantes à concurrence du montant de l'abattement et de réformer le jugement du tribunal administratif d'Amiens en ce qu'il a de contraire à la présente décision ;

En ce qui concerne l'année 1994 :

Considérant qu'au cours de la vérification de comptabilité, M. A n'a pu produire, comme il ressort du procès-verbal du 12 février 1997, ni livre-journal de dépenses et de recettes ni aucun document donnant le détail de ses recettes ni registre des immobilisations, en méconnaissance des articles 99 et 102 ter du code général des impôts ; que, dans ces conditions, en l'absence de comptabilité, il incombe à M. A, en vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, de prouver l'exagération de l'imposition mise à sa charge, ce qu'il ne fait pas en se bornant à faire valoir que l'évaluation de ses recettes ne peut être supérieure à celle de l'année 1993 au motif qu'il a fait l'objet d'une mesure de suspension de la part de son ordre le 12 août 1994 et que les relevés obtenus auprès de la caisse primaire d'assurance maladie sont peu fiables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de M. A relatives à l'imposition de l'année 1994 ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la demande de remboursement des frais exposés :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 6 décembre 2006 est annulé en tant qu'il statue sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A a été assujetti au titre des années 1993 et 1994.

Article 2 : M. A est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1993 et des pénalités correspondantes à concurrence du montant de l'abattement pour adhésion à une association de gestion agréée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A relatives aux impositions supplémentaires des années 1993 et 1994 est rejeté.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 16 juin 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 301472
Date de la décision : 27/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE. - BÉNÉFICE DE L'ABATTEMENT ACCORDÉ AUX ADHÉRENTS DES ASSOCIATIONS ET CENTRES DE GESTION AGRÉÉS (ART. 158, 4 BIS DU CGI, DANS SA RÉDACTION ANTÉRIEURE À LA LOI DE FINANCES POUR 2006) - CONDITION - FOURNITURE, DANS LA DÉCLARATION DE RÉSULTATS, D'UNE ATTESTATION D'ADHÉSION ÉMANANT DE L'ASSOCIATION AGRÉÉE (ART. 371 W DE L'ANNEXE II AU CGI) - DISPOSITION FAISANT OBSTACLE À LA FOURNITURE DE CETTE ATTESTATION APRÈS L'EXPIRATION DU DÉLAI DE DÉCLARATION - ABSENCE [RJ1].

19-04-01-02-03 Le 4 bis de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006, prévoit que les adhérents des associations et centres de gestion agréés bénéficient d'un abattement de 20% sur le montant de leurs bénéfices déclarés. Alors que la loi dont est issue cette disposition ne renvoie pas à un décret pour fixer les conditions que doivent remplir les contribuables pour bénéficier de l'abattement, l'article 371 W de l'annexe II au CGI, selon lequel une attestation de l'association agréée doit être jointe à la déclaration de résultats, n'a pu avoir pour objet ni ne peut avoir pour effet de faire obstacle à ce que la preuve de cette adhésion soit établie par la présentation de l'attestation après l'expiration du délai de déclaration, que ce soit par voie de réclamation au service des impôts ou même, eu égard à l'objet de cette attestation, dans le cours de la procédure contentieuse.


Références :

[RJ1]

Rappr. 6 novembre 2006, Dufoin, n° 279831, inédite au Recueil, RJF 1/07 n° 24 ;

16 juillet 2008, Berland, n° 300839, à paraître au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2008, n° 301472
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Caroline Martin
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:301472.20080627
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award