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15/02/2016 | FRANCE | N°380400

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème ssr, 15 février 2016, 380400


Vu la procédure suivante :

La société LG Services a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005 et, d'autre part, l'annulation de la réduction du montant du déficit de son exercice clos le 31 mars 2006. Par un jugement n° 1111827 du 7 janvier 2013, le tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA00961 du 13 mars 2014, la cour administrative

d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société LG Services contre ce...

Vu la procédure suivante :

La société LG Services a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005 et, d'autre part, l'annulation de la réduction du montant du déficit de son exercice clos le 31 mars 2006. Par un jugement n° 1111827 du 7 janvier 2013, le tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA00961 du 13 mars 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société LG Services contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mai et 18 août 2014 ainsi que le 15 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société LG Services demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société LG Services ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause la répartition, entre le terrain, non amortissable, et la construction, de la valeur d'un appartement, situé avenue de l'Opéra, à Paris, acquis en 1994 par la société LG Services ; qu'elle a réduit en conséquence les dotations aux amortissements correspondant à la valeur de la construction ; que, par un jugement du 7 janvier 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de cette société tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et en 2005 et, d'autre part, à l'annulation de la réduction du montant de son déficit reportable au titre de l'exercice clos en 2006 ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 mars 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre ce jugement ;

Sur les règles applicables :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escompte de règlement obtenus et majorés des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies " ; qu'aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la valeur d'origine servant de référence à l'inscription en immobilisation d'un bien acquis à titre onéreux est constituée du prix d'achat, le cas échéant majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et, d'autre part, que les immobilisations qui ne se déprécient pas avec le temps, comme les terrains, ne donnent pas lieu à amortissement ; qu'il en est ainsi des terrains d'assiette des immeubles bâtis, même si ces derniers occupent toute la superficie de ces terrains ;

3. Considérant que, lorsque l'administration remet en cause la répartition, au sein du bilan d'un contribuable, entre les valeurs retenues respectivement pour un terrain et pour une construction édifiée sur ce terrain, en invoquant l'insuffisance de la valeur retenue pour le terrain, il lui appartient d'établir l'insuffisance de cette valeur ; qu'elle doit, pour déterminer la valeur du terrain, se fonder prioritairement sur des comparaisons reposant sur des transactions réalisées sur des terrains nus et à des dates proches de celle de l'entrée du bien au bilan du contribuable ; que ces terrains doivent être situés dans la même zone géographique que ce bien et présenter des droits à construire similaires ; qu'à défaut, l'administration peut évaluer la valeur de la construction à partir de son coût de reconstruction à la date de son entrée au bilan, en lui appliquant, le cas échéant, les abattements nécessaires pour prendre en compte sa vétusté et son état d'entretien ;

4. Considérant que, lorsqu'elle ne peut appliquer aucune des deux méthodes précédentes, notamment pour les immeubles les plus anciens, l'administration peut s'appuyer sur des données comptables issues du bilan d'autres contribuables pour déterminer des taux moyens relatifs aux parts respectives du terrain et de la construction et les appliquer ensuite à la valeur globale de l'immeuble en litige à sa date d'entrée au bilan ; qu'elle doit, en ce dernier cas, se fonder sur un échantillon pertinent reposant sur un nombre de données significatif, portant sur des immeubles présentant des caractéristiques comparables s'agissant de la localisation, du type de construction, de l'état d'entretien et des possibilités éventuelles d'agrandissement ; que seuls peuvent être retenus des immeubles entrés au bilan des entreprises servant de termes de comparaison à des dates proches de celle de l'entrée au bilan de l'immeuble en litige ;

5. Considérant, enfin, qu'il est loisible au contribuable de démontrer soit que le choix de la méthode retenue par l'administration ou sa mise en oeuvre sont erronés au regard des principes ainsi définis, soit de justifier l'évaluation qu'il a retenue en se référant à d'autres données que celles qui lui sont opposées par l'administration ;

Sur les moyens du pourvoi :

6. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, pour valider l'évaluation retenue par l'administration pour la part correspondant au terrain dans la valeur de bilan de l'appartement en litige, s'est bornée, sans rechercher si les deux méthodes décrites au point 3 pouvaient être utilisées, à relever que l'administration, pour l'application de la méthode subsidiaire décrite au point 4, s'était référée aux évaluations retenues pour dix-neuf autres biens immobiliers, situés dans différents quartiers de Paris comparables à celui de l'Opéra ; que ce faisant, la cour omis de rechercher si les biens en cause étaient entrés au bilan des entreprises servant de termes de comparaison à des dates proches de celle de l'acquisition de l'appartement en cause ; qu'elle n'a pas non plus recherché si ces biens présentaient des caractéristiques comparables à celles de ce dernier s'agissant du type de construction, de l'état d'entretien et des possibilités éventuelles d'agrandissement ; qu'elle s'est, enfin, abstenue de vérifier la pertinence de l'échantillon utilisé ; qu'elle a, ainsi, entaché son arrêt d'erreurs de droit et d'insuffisance de motivation ; que la société LG Services est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondée à en demander l'annulation ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la société LG Services au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 mars 2014 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société LG Services une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société LG Services et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 380400
Date de la décision : 15/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. ÉVALUATION DE L'ACTIF. - RÉPARTITION DE LA VALEUR D'UN IMMEUBLE ENTRE LA VALEUR DU TERRAIN ET CELLE DE LA CONSTRUCTION ÉDIFIÉE SUR CE TERRAIN - 1) REMISE EN CAUSE PAR L'ADMINISTRATION DE LA RÉPARTITION RETENUE PAR LE CONTRIBUABLE - MÉTHODES, PAR ORDRE DE PRIORITÉ - A) COMPARAISON AVEC DES TRANSACTIONS RÉALISÉES SUR DES TERRAINS NUS - B) EVALUATION À PARTIR DU COÛT DE RECONSTRUCTION DE LA CONSTRUCTION - C) COMPARAISON AVEC LES BILANS D'AUTRES CONTRIBUABLES - 2) POSSIBILITÉ POUR LE CONTRIBUABLE DE REMETTRE EN CAUSE LE CHOIX DE LA MÉTHODE OU SA MISE EN OEUVRE AINSI QUE DE JUSTIFIER DE L'ÉVALUATION QU'IL A RETENUE EN SE RÉFÉRANT À D'AUTRES DONNÉES QUE CELLES DE L'ADMINISTRATION - EXISTENCE.

19-04-02-01-03 Il résulte de l'article 39 du code général des impôts (CGI), et des articles 38 quinquies et 38 sexies de l'annexe III à ce code, d'une part, que la valeur d'origine servant de référence à l'inscription en immobilisation d'un bien acquis à titre onéreux est constituée du prix d'achat, le cas échéant majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et, d'autre part, que les immobilisations qui ne se déprécient pas avec le temps, comme les terrains, ne donnent pas lieu à amortissement. Il en est ainsi des terrains d'assiette des immeubles bâtis, même si ces derniers occupent toute la superficie de ces terrains.,,,1) Lorsque l'administration remet en cause la répartition, au sein du bilan d'un contribuable, entre les valeurs retenues respectivement pour un terrain et pour une construction édifiée sur ce terrain, en invoquant l'insuffisance de la valeur retenue pour le terrain, il lui appartient d'établir l'insuffisance de cette valeur.,,,a) Elle doit, pour déterminer la valeur du terrain, se fonder prioritairement sur des comparaisons reposant sur des transactions réalisées sur des terrains nus et à des dates proches de celle de l'entrée du bien au bilan du contribuable. Ces terrains doivent être situés dans la même zone géographique que ce bien et présenter des droits à construire similaires.,,,b) A défaut, l'administration peut évaluer la valeur de la construction à partir de son coût de reconstruction à la date de son entrée au bilan, en lui appliquant, le cas échéant, les abattements nécessaires pour prendre en compte sa vétusté et son état d'entretien.,,,c) Lorsqu'elle ne peut appliquer aucune des deux méthodes précédentes, notamment pour les immeubles les plus anciens, l'administration peut s'appuyer sur des données comptables issues du bilan d'autres contribuables pour déterminer des taux moyens relatifs aux parts respectives du terrain et de la construction et les appliquer ensuite à la valeur globale de l'immeuble en litige à sa date d'entrée au bilan. Elle doit, en ce dernier cas, se fonder sur un échantillon pertinent reposant sur un nombre de données significatif, portant sur des immeubles présentant des caractéristiques comparables s'agissant de la localisation, du type de construction, de l'état d'entretien et des possibilités éventuelles d'agrandissement. Seuls peuvent être retenus des immeubles entrés au bilan des entreprises servant de termes de comparaison à des dates proches de celle de l'entrée au bilan de l'immeuble en litige.,,,Commet une erreur de droit le juge qui valide une évaluation retenue par l'administration sur le fondement de la méthode subsidiaire décrite en c) sans rechercher si les deux méthodes décrites en a) et b) pouvaient être utilisées.,,,2) Il est loisible au contribuable, soit de démontrer que le choix de la méthode retenue par l'administration ou sa mise en oeuvre sont erronés au regard des principes ainsi définis, soit de justifier l'évaluation qu'il a retenue en se référant à d'autres données que celles qui lui sont opposées par l'administration.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2016, n° 380400
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:380400.20160215
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