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26/01/2018 | FRANCE | N°399865

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 26 janvier 2018, 399865


Vu la procédure suivante :

Le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la résiliation des lots n°s 3 à 11 du marché relatif à l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, passés par la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, notifiés le 19 juillet 2013. Par un jugement n° 1313156/7-3 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. >
Par un arrêt n° 14PA03348 du 14 mars 2016, la cour administrative d'app...

Vu la procédure suivante :

Le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la résiliation des lots n°s 3 à 11 du marché relatif à l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, passés par la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, notifiés le 19 juillet 2013. Par un jugement n° 1313156/7-3 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA03348 du 14 mars 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;

- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

- le décret n° 56-222 du 29 février 1956 ;

- le décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 ;

- le décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat du GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice ".

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a informé, le 23 mai 2013, le groupement d'intérêt économique (GIE) " Groupement périphérique des huissiers de justice " du rejet de son offre pour l'attribution de neuf lots (n°s 3 à 11) d'un marché ayant pour objet l'intervention d'huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, en application de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ; que le directeur régional a notifié, le 19 juillet 2013, l'attribution des lots n°s 3 et 6 à 11 au GIE " Groupement des poursuites extérieures ", et des lots n°s 4 et 5 à un groupement solidaire spontané associant une SELARL et des huissiers exerçant à titre individuel ; que, par un jugement du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande du GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " tendant à la contestation de la validité des marchés correspondant aux lots n°s 3 à 11 et à leur résiliation ; que, par un arrêt du 14 mars 2016 contre lequel le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par ce groupement contre le jugement du tribunal administratif ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 du règlement de la consultation : " l'offre sera retenue pour chacun des lots, à partir de l'examen de la note méthodologique jointe à l'offre et en fonction des critères énoncés ci-dessous : 1. La présentation de l'organisation interne, du nombre et de la fonction des huissiers [...] notée sur 25 points ; 2. La présentation des types de relance ou d'actions employées à l'encontre des débiteurs [...] notées sur 35 points ; 3. La présentation de la stratégie de relance des redevables [...] notées sur 20 points ; 4. La présentation des fichiers d'adresses ou d'autres listings détenus par les études permettant d'optimiser les relances des débiteurs, [...] notée sur 5 points ; 5. La présentation des modalités d'accueil des redevables et des modalités d'encaissement proposé [...] notée sur 15 points [...] " ; qu'en jugeant que la " note méthodologique jointe à l'offre " ne constituait pas un critère supplémentaire d'appréciation dont les modalités d'évaluation n'auraient pas été portées à la connaissance des candidats, mais uniquement un support de présentation du contenu des offres, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant qu'eu égard à son rôle consultatif, la circonstance que le règlement de la consultation ne précisait pas le fonctionnement et la composition de la commission chargée de procéder à l'ouverture des plis n'a pas constitué une atteinte aux principes de transparence et d'égalité entre les candidats, la cour n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 : " Lorsque le comptable du Trésor public est autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires à procéder au recouvrement forcé d'une créance ou d'une condamnation pécuniaire, il peut, préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive, demander à un huissier de justice d'obtenir du débiteur ou du condamné qu'il s'acquitte entre ses mains du montant de sa dette ou de sa condamnation pécuniaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers : " Les huissiers de justice peuvent (...) procéder au recouvrement amiable (...) de toutes créances " ; qu'aux termes de l'article L. 251-2 du code de commerce : " Les personnes exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé peuvent constituer un groupement d'intérêt économique ou y participer " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 46 du décret du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles : " Tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle d'huissier de justice et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel ni en qualité de membre d'une société d'exercice libéral " ; qu'en vertu de l'article 38 du décret du 30 décembre 1992 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : " Un huissier de justice associé, exerçant au sein d'une société d'exercice libéral, ne peut exercer la profession d'huissier de justice à titre individuel ou en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 4 que si les GIE, constitués entre plusieurs personnes physiques ou morales titulaires d'offices d'huissier de justice, ne peuvent eux-mêmes procéder au recouvrement amiable de créances ou de condamnations pécuniaires préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive, ils peuvent se porter candidat à l'obtention d'une commande publique pour le compte de leurs membres, dans le cadre de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, dès lors que seuls ces derniers exécutent les prestations objet du contrat et à la condition de préciser dans l'acte de candidature quels sont les huissiers membres du groupement qui s'engagent ainsi à exécuter les prestations dans les conditions prévues par l'ordonnance du 2 novembre 1945 et les autres textes applicables aux huissiers de justice ;

7. Considérant, toutefois, que si les membres d'un GIE qui se porte candidat à l'obtention d'une commande publique telle que définie au point précédent peuvent être des personnes physiques ou morales dès lors qu'elles sont titulaires d'offices d'huissier de justice, il résulte des dispositions citées au point 5 qu'un huissier associé dans une société civile professionnelle ou une société d'exercice libéral ne peut pas être membre d'un GIE en vue d'exercer une activité de recouvrement à titre individuel ; qu'ainsi, en jugeant que les membres du GIE " Groupement des poursuites extérieures " pouvaient, bien que membres de sociétés professionnelles, légalement effectuer à titre individuel les prestations faisant l'objet des lots n°s 3 et 6 à 11, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen dirigé contre la même partie de l'arrêt, celui-ci doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives aux lots n°s 3 et 6 à 11 du marché en litige ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le groupement requérant est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives aux lots n°s 3 et 6 à 11 du marché en litige ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser au GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 14 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives aux lots n°s 3 et 6 à 11 du marché en litige.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure devant la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera au GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice ".

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie et des finances, au ministre de l'action et des comptes publics et au GIE " Groupement des poursuites extérieures ".


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399865
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - HUISSIERS DE JUSTICE - GIE COMPOSÉ DE TITULAIRES D'OFFICES D'HUISSIER DE JUSTICE - 1) POSSIBILITÉ DE SE PORTER CANDIDAT À L'OBTENTION D'UNE COMMANDE PUBLIQUE AYANT POUR OBJET LE RECOUVREMENT AMIABLE DE CRÉANCES POUR LE COMPTE DE LEURS MEMBRES - EXISTENCE - CONDITIONS [RJ1] - 2) COMPOSITION DE CE GIE - PERSONNES PHYSIQUES OU MORALES TITULAIRES D'OFFICE - INCLUSION - HUISSIER ASSOCIÉ DANS UNE SCI OU UNE SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL EN VUE D'EXERCER UNE ACTIVITÉ DE RECOUVREMENT À TITRE INDIVIDUEL - EXCLUSION.

37-04-03 1) Si les groupements d'intérêt d'économique (GIE), constitués entre plusieurs personnes physiques ou morales titulaires d'offices d'huissier de justice, ne peuvent eux-mêmes procéder au recouvrement amiable de créances ou de condamnations pécuniaires préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive, ils peuvent se porter candidat à l'obtention d'une commande publique pour le compte de leurs membres, dans le cadre de l'article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, dès lors que seuls ces derniers exécutent les prestations objet du contrat et à la condition de préciser dans l'acte de candidature quels sont les huissiers membres du groupement qui s'engagent ainsi à exécuter les prestations dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 et les autres textes applicables aux huissiers de justice.... ,,2) Toutefois, si les membres d'un GIE qui se porte candidat à l'obtention d'une commande publique peuvent être des personnes physiques ou morales dès lors qu'elles sont titulaires d'offices d'huissier de justice, un huissier associé dans une société civile professionnelle (SCI) ou une société d'exercice libéral ne peut pas être membre d'un GIE en vue d'exercer une activité de recouvrement à titre individuel.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - QUALITÉ POUR CONTRACTER - GIE COMPOSÉ DE TITULAIRES D'OFFICES D'HUISSIER DE JUSTICE - 1) POSSIBILITÉ DE SE PORTER CANDIDAT À L'OBTENTION D'UNE COMMANDE PUBLIQUE AYANT POUR OBJET LE RECOUVREMENT AMIABLE DE CRÉANCES POUR LE COMPTE DE LEURS MEMBRES - EXISTENCE - CONDITIONS [RJ1] - 2) COMPOSITION DE CE GIE - PERSONNES PHYSIQUES OU MORALES TITULAIRES D'OFFICE - INCLUSION - HUISSIER ASSOCIÉ DANS UNE SCI OU UNE SOCIÉTÉ D'EXERCICE LIBÉRAL EN VUE D'EXERCER UNE ACTIVITÉ DE RECOUVREMENT À TITRE INDIVIDUEL - EXCLUSION.

39-02-01 1) Si les groupements d'intérêt d'économique (GIE), constitués entre plusieurs personnes physiques ou morales titulaires d'offices d'huissier de justice, ne peuvent eux-mêmes procéder au recouvrement amiable de créances ou de condamnations pécuniaires préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive, ils peuvent se porter candidat à l'obtention d'une commande publique pour le compte de leurs membres, dans le cadre de l'article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, dès lors que seuls ces derniers exécutent les prestations objet du contrat et à la condition de préciser dans l'acte de candidature quels sont les huissiers membres du groupement qui s'engagent ainsi à exécuter les prestations dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 et les autres textes applicables aux huissiers de justice.... ,,2) Toutefois, si les membres d'un GIE qui se porte candidat à l'obtention d'une commande publique peuvent être des personnes physiques ou morales dès lors qu'elles sont titulaires d'offices d'huissier de justice, un huissier associé dans une société civile professionnelle (SCI) ou une société d'exercice libéral ne peut pas être membre d'un GIE en vue d'exercer une activité de recouvrement à titre individuel.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 3 décembre 2012, GIE Groupement des poursuites extérieures, n° 361887, T. pp. 829-858.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2018, n° 399865
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:399865.20180126
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