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28/11/1968 | FRANCE | N°68-537/538

France | France, Conseil constitutionnel, 28 novembre 1968, 68-537/538


Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le Code électoral ;
Vu 1° la requête présentée par M. Henri Savornin, demeurant à Seyne-les-Alpes (Basses-Alpes), quartier Saint-Pierre et par M. Albert Chabot, ladite requête enregistrée le 11 juillet 1968 à la préfecture des Basses-Alpes et au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 23

et 30 juin 1968 dans la première circonscription des Basses-Alpes pour la désigna...

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le Code électoral ;
Vu 1° la requête présentée par M. Henri Savornin, demeurant à Seyne-les-Alpes (Basses-Alpes), quartier Saint-Pierre et par M. Albert Chabot, ladite requête enregistrée le 11 juillet 1968 à la préfecture des Basses-Alpes et au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 23 et 30 juin 1968 dans la première circonscription des Basses-Alpes pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu 2° la requête présentée par MM. Joseph Ramero et autres, ladite requête enregistrée le 11 juillet 1968 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les mêmes opérations électorales ;
Vu les observations en défense présentées par M. Marcel Massot, député, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 23 août 1968 ;
Vu les observations en réplique, présentées par M. Ramero, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 21 septembre 1968 ;
Vu les observations en réplique présentées par MM. Savornin et Chabot, lesdites observations enregistrées-comme ci-dessus le 23 septembre 1968 ;
Vu les observations en duplique présentées par M. Massot, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 9 octobre 1968 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que les requêtes susvisées sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
En ce qui concerne la propagande :
2. Considérant que, si des affiches en faveur de M. Massot ont été apposées en dehors des panneaux affectés à ce candidat et si des affiches de M. Savornin ont été lacérées ou recouvertes, ces irrégularités ne peuvent être regardées comme ayant faussé les conditions de la consultation, alors qu'il résulte de l'instruction que de nombreuses irrégularités de propagande, notamment par voie d'affichage et de diffusion de tracts ont été commises au soutien de la candidature de M. Savornin ;
3. Considérant que les requérants font état de la diffusion par M. Massot de photocopies d'une lettre, rédigée sur papier à en-tête du Centre démocrate, par laquelle M. Pierre Abelin, secrétaire général de cette formation politique, adressait entre les deux tours de scrutin des encouragements à M. Massot ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que les termes de cette lettre, dont l'authenticité n'est pas contestée, ni que les conditions dans lesquelles celle-ci a été diffusée aient été de nature à tromper certains électeurs en leur donnant, à tort, à penser que M. Massot aurait reçu l'investiture du Centre démocrate ;
En ce qui concerne le déroulement du scrutin :
Sur le grief tiré, de la clôture tardive du scrutin dans la commune d'Espinousse :
4. Considérant que les requérants soutiennent que le scrutin aurait été clos dans la commune d'Espinousse à 18 h 30 ; qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des opérations électorales dans cette commune, qui ne comporte aucune observation, que le scrutin y a été clos à 18 heures ; que, dès lors, la réalité du grief invoqué, qui n'est assorti d'aucun commencement de preuve, ne saurait être regardée comme établie ;
Sur les griefs relatifs aux isoloirs :
5. Considérant que l'absence d'isoloir dans certaines communes, notamment à Astoin, n'est pas davantage établie ;
6. Considérant que, si dans le bureau de vote de la commune de La Javie, l'isoloir se trouvait placé, non dans la salle de scrutin, trop exiguë pour le recevoir, mais dans une salle séparée de celle-ci par un hall auquel le public avait accès, cette disposition, bien que contraire aux prescriptions de l'article L. 314 du Code électoral, n'a pas eu pour effet, dans les circonstances de l'affaire, d'entacher de fraude les opérations électorales dudit bureau ;
7. Considérant que les requérants soutiennent que, dans le bureau de vote de la commune de Curbans, six électeurs ne seraient pas passés par l'isoloir et auraient introduit leur bulletin dans l'enveloppe en présence du maire ; que l'exactitude matérielle de cette allégation, formellement contestée par les membres du bureau et qui n'a donné lieu à aucune observation portée au procès-verbal, ne peut être regardée comme établie ;
Sur les griefs tirés des pressions et des fraudes qui auraient entaché les opérations électorales dans plusieurs communes :
8. Considérant que les requérants, pour contester la sincérité des résultats dans dix-neuf communes, font état dans leurs requêtes de ce que, d'après des tableaux desdits résultats dressés par eux, la totalité des électeurs inscrits dans ces communes auraient été mentionnés aux procès-verbaux comme ayant voté alors qu'en fait de nombreux électeurs ne résidant pas dans lesdites communes n'auraient pu matériellement prendre part au scrutin ;
9. Considérant qu'il ressort du procès-verbal de recensement général des votes que, dans toutes les communes dont s'agit, sauf une, le nombre des votants a été inférieur à celui des électeurs inscrits ; que, dès lors, les indications chiffrées, qui avaient été présentées dans les requêtes comme conformes aux énonciations du procès-verbal sont inexactes ;
10. Considérant que la circonstance que, dans quatorze des commune dont il s'agit, M. Massot a recueilli la totalité ou la majorité des suffrages exprimés et qu'aucun bulletin n'y a été déclaré nul - ainsi qu'il en a été, d'ailleurs, dans d'autres communes où M. Savornin a obtenu le plus grand nombre de voix - ne constitue pas par elle-même une présomption suffisante pour faire douter de la sincérité des résultats ;
11. Considérant que, si les requérants font état de ce que la liste électorale de la commune de Trevans n'a pas été révisée, il n'est établi ni même allégué que des électeurs n'aient pu voter dans cette commune faute d'avoir été inscrits sur la liste électorale ;
12. Considérant enfin qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose l'obligation d'annexer au procès-verbal les enveloppes ayant contenu les votes par correspondance ainsi que les bordereaux y afférents ; que, dès lors, le grief tiré de ce que lesdites pièces n'ont pas été annexées aux procès-verbaux des communes de Nibles, Thèze et Valavoire ne saurait être accueilli ;
En ce qui concerne les opérations de dépouillement :
Sur le grief tiré des conditions du dépouillement dans les communes de Nibles et d'Esparron-la-Bâtie :
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les feuilles de pointage ont été signées par deux scrutateurs dans la commune de Nibles et par un scrutateur dans la commune d'Esparron-la-Bâtie ; que cette manière de faire n'a pas été de nature à fausser les opérations électorales dans lesdites communes, dès lors qu'il n'est pas allégué que les membres du bureau n'aient pas, conformément aux dispositions de l'article R. 64 du Code électoral, participé aux opérations de dépouillement ; qu'à supposer même que, ainsi que le soutiennent les requérants, les noms de deux électeurs résidant à l'étranger auraient été émargés à tort comme ayant voté dans le bureau de vote de la commune d'Esparron-la-Bâtie, les rectifications qu'il y aurait lieu d'apporter aux résultats seraient sans influence sur le résultat d'ensemble de l'élection ;
Sur le grief tiré de ce que des bulletins et enveloppes auraient été annulés à tort dans certaines communes :
14. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, dans la commune de Valernes, un bulletin de vote portant le nom de M, Savornin a été à tort déclaré nul au motif qu'il présentait une très légère marque rose qui ne pouvait être regardée comme un signe de reconnaissance ; que, dans la commune de Bras-d'Asse, deux bulletins de ce candidat, imprimés pour le premier tour, ont été également annulés à tort, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisant d'utiliser pour le second tour des bulletins imprimés pour le premier tour ; qu'en revanche c'est à bon droit qu'a été annulé dans le bureau de vole de Salignac un bulletin au nom de M. Savornin dont l'échancrure qu'il comportait pouvait apparaître comme un signe de reconnaissance ;
15. Considérant, d'autre part, que M. Massot est fondé à soutenir que c'est à tort que, dans la commune de Beaujeu, un suffrage émis sous la forme de quatre bulletins portant son nom et contenus dans une même enveloppe a été regardé comme non exprimé et que c'est également à tort que le bureau de vote de la commune de Seyne-les-Alpes, qui a retenu comme nombre des votants celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne, supérieur d'une unité à celui des émargements, n'a pas retiré une voix à M. Savornin, qui avait obtenu la majorité des suffrages dans ledit bureau ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ajouter deux voix au nombre des suffrages recueillis par M. Savornin et une voix à celui des suffrages recueillis par M. Massot ;
Sur le grief tiré de ce que cinquante-trois enveloppes et bulletins déclarés nuls n'ont pas été annexés au procès-verbal dans plusieurs communes :
17. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose l'obligation d'annexer au procès-verbal des opérations électorales les enveloppes vides trouvées dans l'urne ;
18. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, en méconnaissance des prescriptions de l'article L.66 du code électoral, un certain nombre de bulletins annulés n'ont pas été joints au procès-verbal ; qu'en vertu du dernier alinéa dudit article, le défaut d'annexion n'entraîne l'annulation des opérations électorales qu'autant qu'il est établi qu'il a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'omission dont font état les requérants ait eu pour but et pour conséquence d'altérer la sincérité du scrutin ; que, dès lors, le grief sus énoncé ne saurait être accueilli ;
19. Considérant que de tout ce qui précède et compte tenu des rectifications ci-dessus mentionnées qui sont sans influence sur le résultat d'ensemble de l'élection contestée, il résulte que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de ladite élection ;

Décide :
Article premier :
La requête susvisée de MM. Savornin et Chabot ainsi que celle de MM. Ramero et autres sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 1968, où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, Cassin, Bonnet, Waline, Antonini, Sainteny, Dubois, Chatenet et Luchaire.


Synthèse
Numéro de décision : 68-537/538
Date de la décision : 28/11/1968
A.N., Basses-Alpes (1ère circ.)
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Élections à l'Assemblée nationale

Références :

AN du 28 novembre 1968 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Élection à l'Assemblée nationale (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°68-537/538 AN du 28 novembre 1968
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1968:68.537.538.AN
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