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06/12/1967 | FRANCE | N°67645;67918

France | France, Conseil d'État, 06 décembre 1967, 67645 et 67918


1° REQUETE des sieurs R... et autres, tendant à l'annulation d'un jugement du 4 juin 1965 par lequel le Tribunal administratif Bordeaux, statuant sur la protestation formée par les sieurs Y..., B..., D..., G..., N..., C... et P... contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 mars 1965 pour le renouvellement du Conseil municipal de Bergerac, a annulé l'ensemble desdites opérations ;
2° REQUETE des sieurs Q... et autres, tendant à la réformation d'un jugement du 4 juin 1965 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur la protestation for

mée par les sieurs Y..., B..., D..., G..., N..., C... et P... co...

1° REQUETE des sieurs R... et autres, tendant à l'annulation d'un jugement du 4 juin 1965 par lequel le Tribunal administratif Bordeaux, statuant sur la protestation formée par les sieurs Y..., B..., D..., G..., N..., C... et P... contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 mars 1965 pour le renouvellement du Conseil municipal de Bergerac, a annulé l'ensemble desdites opérations ;
2° REQUETE des sieurs Q... et autres, tendant à la réformation d'un jugement du 4 juin 1965 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur la protestation formée par les sieurs Y..., B..., D..., G..., N..., C... et P... contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 mars 1965 pour le renouvellement du Conseil municipal de Bergerac, a annulé l'ensemble desdites opérations ;
Vu le Code électoral; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;

CONSIDERANT que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement et ont trait aux mêmes opérations électorales; qu'il y a lieu de les joindre, pour y être statué par une seule décision ;
En ce qui concerne la requête n° 67.645 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant d'une part, que pour annuler les opérations électorales 2e tour de scrutin qui ont eu lieu le 21 mars 1965 pour le renouvellement du Conseil municipal de Bergerac, le Tribunal administratif s'est fondé sur des irrégularités commises dans le vote par correspondance; que, dans leur protestation enregistrée à la sous-préfecture de Bergerac le 26 mars 1965, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux, les sieurs Y..., B..., D..., G..., N..., C... et P... alléguaient expressément "que le vote par correspondance a donné lieu à des irrégularités et à des fraudes qui ont modifié le résultat final" ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait retenu un grief exprimé après l'expiration du délai de recours contentieux manque en fait ;
Considérant, d'autre part, que les premiers juges ayant accueilli le grief susmentionné, ils n'avaient pas à répondre aux autres griefs formulés par les protestataires ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il appartenait au Tribunal administratif d'examiner toutes les pièces de nature à éclairer son jugement; qu'ainsi c'est à bon droit qu'il a fait état des éléments d'information résultant de l'enquête ordonnée par le procureur de la République de Bergerac ; que les premiers juges n'étaient pas tenus d'ordonner eux-mêmes une mesure d'instruction analogue ;

Cons. enfin qu'il résulte de l'instruction que les parties ont reçu communication des documents relatifs à cette enquête ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la procédure n'aurait pas été contradictoire manque en fait ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que les sieurs S... et autres ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en la forme ou serait intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ;
Au fond :
Considérant que l'irrégularité des votes par correspondance ne constitue pas à elle seule une manoeuvre de nature à vicier l'ensemble des opérations électorales ; qu'elle doit seulement conduire à la rectification des résultats du scrutin, compte tenu des votes irréguliers et ne peut justifier une annulation totale des opérations électorales que lorsque lesdites rectifications privent tous les élus des majorités requises ;
Considérant qu'en admettant même que tous les votes émis par correspondance aient été irréguliers, les rectifications du décompte des suffrages qui s'ensuivraient ne priveraient pas tous les élus d'un nombre de voix suffisant pour justifier l'annulation de leur élection ; que c'est, dès lors, à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'ensemble des opérations électorales ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs contenus dans les protestations du sieur Y... et autres et du sieur N... devant le Tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur les griefs relatifs à la propagande électorale, au secret du vote et aux inscriptions sur la liste électorale entre les deux tours :
Considérant, d'une part, que les requérants soutiennent que la municipalité sortante aurait tenté, au moyen de dons et de libéralités, de faire pression sur certains électeurs, que des violences morales ont été exercées sur d'autres et que le secret du vote aurait été méconnu dans quelques cas; que ces allégations ne sont accompagnées d'aucun commencement de preuve et ne sauraient être tenues pour établies ;
Considérant, d'autre part, que les griefs relatifs à l'envoi irrégulier de circulaires et aux inscriptions sur les listes électorales entre les deux tours n'ont été invoqués pour la première fois que dans un mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Bordeaux le 21 avril 1965 alors que le délai de recours contre l'élection du 21 mars était expiré; que, dès lors, ils ne sont pas recevables ;
Sur le grief tiré de l'admission tardive de certains électeurs au vote par correspondance :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que des électeurs qui n'ont pas demandé à voter par correspondance au premier tour de scrutin sollicitent le bénéfice de ce mode de suffrage et y soient admis pour le second tour ; que si les protestataires soutiennent qu'un grand nombre d'électeurs ont demandé à être admis à voter par correspondance trop tardivement pour que la procédure d'admission au vote et d'émission des suffrages ait pu se dérouler régulièrement, ils n'apportent à l'appui de leur moyen aucune précision, notamment quant au nombre des électeurs qui auraient de ce fait irrégulièrement voté et quant à la date à laquelle ils auraient demandé à voter par correspondance, de nature à permettre d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;

Sur les griefs tirés de l'irrégularité des attestations au vu desquelles certains électeurs ont été admis à voter par correspondance :
Considérant, d'une part, que pour quinze électeurs, le sieur X..., adjoint au maire de Bergerac, a établi lui-même, sans qualité, les attestations prévues à l'article R. 81 du Code électoral et au vu desquelles lesdits électeurs ont été admis à voter par correspondance ; qu'ainsi ces électeurs ne sauraient être regardés comme ayant établi régulièrement qu'ils appartenaient à l'une des catégories prévues aux articles L. 80 et L. 81 du code et qu'ils se trouvaient, pour l'un des motifs prévus par ces articles, dans l'impossibilité, de se rendre au bureau de vote le jour du scrutin ; que, toutefois, l'un des électeurs dont s'agit, la dame A..., épouse L..., a voté personnellement ; qu'il n'y a lieu par suite de retenir à ce titre que la nullité de quatorze suffrages ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que dans onze cas, les certificats médicaux présentés à l'appui des demandes de vote par correspondance étaient signés par des médecins qui n'avaient pas examiné les électeurs ayant présenté ces demandes ; qu'il ressort des pièces du dossier que sur ces onze électeurs, deux ont voté personnellement, un n'a pas voté et un n'a pas émis personnellement le suffrage qui a été reçu par le bureau de vote; qu'il n'y a lieu, par suite, de retenir à ce titre, que la nullité de sept suffrages ;

Sur le grief tiré de la violation de l'article R. 83 du Code électoral ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que sur les 393 électeurs admis à voter par correspondance, 157 seulement ont reçu les documents de vote décrits à l'article R. 83 du Code électoral dans les formes prescrites par ledit article, qui dispose que ces documents doivent être adressés par le maire à l'électeur par pli recommandé ; que sur les 236 séries de documents de vote qui n'ont pas été adressés aux électeurs par pli recommandé, une centaine ont été remis par les services de la mairie à la demoiselle de Saint-Cyr qui les a distribués aux pensionnaires de la maison de retraite de La Madeleine admis à voter par correspondance; que d'autres séries de documents ont été remises de la main à la main à certains électeurs soit par des personnes appartenant au personnel de l'officine de pharmacie du sieur X..., adjoint au maire, soit par le sieur Honoré, conseiller municipal ; qu'en raison du caractère substantiel des formalités légales qui ont été ainsi méconnues, il y a lieu de tenir pour nuls les suffrages, au nombre de 199, qui ont été effectivement émis par correspondance par les électeurs dont s'agit et qui ne figurent pas parmi les suffrages déjà annulés au titre des irrégularités ci-dessus relevées ;
Sur les votes qui ont été reçus sans que leurs auteurs présumés les aient effectivement émis :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au moins trois votes par correspondance ont été émis sans que leurs auteurs présumés les aient effectivement émis ; que ces trois votes sont entachés de nullité;

Sur le grief tiré de la violation de l'article L. 83 du Code électoral :
Considérant que l'article L. 83 du Code électoral dispose que "le président ouvre chaque pli, donne publiquement connaissance au bureau de la carte électorale qu'il contient et, après émargement, met aussitôt dans l'urne, pour être dépouillée avec les autres, l'enveloppe renfermant le bulletin" ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'au 5e bureau de vote, quinze enveloppes contenant les suffrages d'électeurs admis à voter par correspondance ont été ouvertes en même temps et sont restées en dépôt sur le bureau sans que les formalités prescrites par l'article L. 83 aient été immédiatement remplies ; que, dans les circonstances de l'affaire, cette irrégularité doit être regardée comme ayant entaché de nullité les quinze suffrages dont s'agit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il v a lieu d'admettre qu'au total 238 votes par correspondance ont été irrégulièrement émis ; que le respect du secret du vote s'oppose à ce que ces irrégularités puissent être regardées comme ayant profité à l'une plutôt qu'à l'autre des deux listes en présence ; qu'il suit de là qu'il y a lieu de retirer 238 voix du nombre des suffrages obtenus par chacun des candidats proclamés élus ; que si, compte tenu de cette défalcation, les sieurs R..., Q..., Z..., H... Robert , Laroumanie, X..., Gassié, Bonamy, Kerveillant, Senné et Favereau conservent une majorité relative telle qu'ils figurent parmi les vingt-sept candidats les plus favorisés et si, par voie de conséquence, leur élection doit être maintenue, en revanche, l'élection des sieurs J..., E..., O..., T..., K..., F..., H... Marcel , Manet, Lamoureux, Garrigue, Mayonnade, de Gaston, Eyquard, Farjanel, I... et Jaume, qui ne conservent pas une telle majorité, doit être annulée;

En ce qui concerne le recours incident des sieurs Y..., B..., C..., D..., G..., M... et P... :
Considérant que, dans leur mémoire en défense, les sieurs Y..., B..., C..., D..., G..., N... et P... concluent, d'une part, au maintien de l'élection de ceux des candidats de la liste dirigée par le sieur Q... qui ont été proclamés par le bureau électoral, et demandent en outre, la proclamation des sieurs D..., Geraud, N..., Privat, Metifet, B..., Cousteille, Grenier, Pauillac, Coilaud, Boyer et Nouvial, ainsi que des dames Berggren et Chateau ; que ces dernières conclusions présentent le caractère d'un recours incident qui n'est pas recevable en matière électorale.
En ce qui concerne la requête n° 67.918 :
Sur les conclusions tendant à la proclamation des candidats non proclamés élus par le bureau :
Considérant que les requérants n'ont pas présenté de telles conclusions devant le Tribunal administratif et qu'ils ne sont pas recevables à les présenter directement devant le Conseil d'Etat ;
Sur les conclusions tendant au maintien de l'élection des sieurs Q..., E..., F..., H... Marcel , Jaume, Manet et Mayonnade :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui a été dit ci-dessus que, si l'élection du sieur Q... doit être maintenue, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le Tribunal a annulé l'élection des sieurs E..., F..., H... Marcel , Jaume, Manet et Mayonnade ; ... Annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'élection des sieurs R..., Q..., Z..., H... Robert , Laroumanie, X..., Gassié, Bonamy, Kerveillant, Senné et Favereau ; validation de l'élection des sieurs R..., Q..., Z..., H... Robert , Laroumanie, X..., Gassié, Bonamy, Kerveillant, Senné et Favereau ; rejet du surplus des conclusions des requêtes des sieurs R..., et autres et du sieur Q... et autres, ainsi que du recours incident du sieur Y... et autres .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 67645;67918
Date de la décision : 06/12/1967
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-04-05-02,RJ1 ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS ELECTORALES - VOTE PAR CORRESPONDANCE -Attestations et certificats médicaux - Documents non envoyés par plis recommandés - Enveloppes non introduites dans l'urne immédiatement après l'ouverture des plis - Conséquences des irrégularités constatées.

28-04-05-02 Annulation de votes par correspondance émis par des électeurs ayant produit des attestations établies par des personnes sans qualité et des certificats médicaux établis par des médecins qui ne les ont pas examinés. Les irrégularités commises dans le vote par correspondance ne peuvent entraîner l'annulation totale des opérations électorales que lorsque les rectifications qui doivent être faites privent tous les élus de la majorité requise.


Références :

Code électoral R81, L80, L81, R83, L83

1.

Cf. CE 1966-05-20, Elections municipales de Tox

[Corse]

p. 351


Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 1967, n° 67645;67918
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. de Margerie
Rapporteur public ?: M. Rigaud

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1967:67645.19671206
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