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07/06/1978 | FRANCE | N°06766

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 07 juin 1978, 06766


Vu la requête présentée par la Société X... société à responsabilité limitée, représentée par son gérant en exercice ladite requête enregistrée le 28 mars 1977 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 2 février 1977 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été soumise au titre des années 1971 et 1972 dans les rôles de la commune d'E.... Vu le Code général des impôts ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 194

5 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
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Vu la requête présentée par la Société X... société à responsabilité limitée, représentée par son gérant en exercice ladite requête enregistrée le 28 mars 1977 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 2 février 1977 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été soumise au titre des années 1971 et 1972 dans les rôles de la commune d'E.... Vu le Code général des impôts ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que la Société X..., société à responsabilité limitée qui exploite un commerce de poissons en gros et au détail, demande la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de 1971 et 1972 sur les résultats d'exercices clos le 28 février de chacune de ces deux années.
Sur la fixation des bénéfices imposés par voie de taxation d'office : Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité tenue par la société requérante pendant les exercices litigieux ne comportait ni livre d'inventaire, ni livre de caisse ; qu'elle ne gardait trace d'aucune des ventes au détail et qu'une partie seulement des achats et des ventes en gros s'y trouvait enregistrée ; qu'ainsi cette comptabilité n'était ni régulière ni probante ; que, par suite, et quelle qu'ait été, d'ailleurs, l'importance réelle des différences constatées par le vérificateur entre les achats et les ventes d'une catégorie particulière de poisson, l'administration était en droit d'arrêter d'office les bénéfices soumis à l'impôt.
Sur les bases d'imposition : Considérant qu'il appartient à la Société X... de démontrer que les bases d'imposition arrêtées d'office sont exagérées. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir constaté que le gérant de la société, le sieur V... avait, entre le 1er mars 1970 et le 28 février 1972, dépensé ou épargné 168000 F de plus que les ressources que ses disponibilités au début de cette période, ses revenus connus et l'aliénation de divers biens lui avaient fournis durant celle-ci, l'administration a estimé qu'a concurrence de 60000 F, par exercice, cet excédent correspondait à des recettes de la société que le sieur V... s'était abstenu de constater dans les comptes de celle-ci ; qu'en conséquence, elle a compris cette somme dans le bénéfice imposé au titre de chaque année. Que la société conteste la méthode d'évaluation ainsi adoptée et l'application qui lui en a été faite.
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que détenant avec son épouse et ses beaux-parents, toutes les parts de la Société X..., le sieur V... s'est comporté en maître de l'affaire et, d'autre part, que la société a procédé à des ventes sans factures. Que compte tenu de ces circonstances précises caractéristiques du fonctionnement même de la société, et en l'absence, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de toute comptabilité régulière, l'administration était en droit de se fonder, en dépit de la séparation existant, en principe, entre le patrimoine de la société et celui de son gérant, sur l'augmentation du patrimoine du sieur V... durant les exercices clos au cours des années d'imposition pour évaluer le montant des ressources dissimulées par la société et pour fixer la somme dont les bénéfices déclarés devaient être augmentés.
Considérant, en second lieu, que la Société X... soutient qu'à supposer que la méthode d'évaluation adoptée par l'administration doive être admise, le résultat auquel elle a conduit doit être corrigé par l'addition de ressources dont a bénéficié le sieur V... et que l'administration a omises et par la réduction des dépenses que l'intéressé est censé avoir effectuées.
Considérant, sur le premier point, qu'il résulte de l'instruction que, pendant la période d'imposition, contrairement à ce que soutient la requérante, le sieur V... n'a exploité aucun élevage de moules ; que la société ne saurait, dès lors, utilement soutenir que le revenu de cette activité aurait contribué à accroître les ressources du sieur V... et que l'administration aurait dû en tenir compte ;
Considérant, sur le second point, que, si l'administration s'est abstenue de compter dans les ressources du sieur V... la somme qu'a procurée à ce dernier la vente en juin et juillet 1970 de bon émis par la Caisse nationale de crédit agricole, il résulte de l'instruction que ces bons avaient été délivrés au sieur V... en avril 1970 et que cette opération n'a pas été prise en compte dans les dépenses de l'intéressé ; qu'ainsi en s'abstenant de faire état de la vente des bons dont s'agit dans la situation de trésorerie du sieur V..., l'administration n'a pas faussé cette dernière.
Considérant, en revanche, que la requérante conteste formellement que le sieur V... ait souscrit le 30 avril 1970 des bons du Crédit agricole pour une somme de 50999 F ; que l'administration n'a pas été en mesure de produire un document démontrant l'existence de cette souscription ; que celle-ci ne saurait donc être tenue pour établie. Qu'en conséquence l'excédent des sommes dépensées ou épargnées par le sieur V... pour la période du 1er mars 1970 au 28 février 1972 sur ses disponibilités et sur ses revenus connus doit être ramené de 168000 F à 118001 F ; que calculée par application de la proportion retenue par l'administration et qui n'est pas contestée, la part de cette somme, qui correspond à des recettes occultes de la société et qui peut être intégrée aux bénéfices de celle-ci doit être fixée, par exercice, à 42000 F au lieu de 60000 F ; que, par suite, la société apporte la preuve que les bénéfices imposés sont exagérés et doivent être réduits de 18000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société X... est fondée à demander la réformation du jugement attaqué par lequel le Tribunal administratif de Rennes lui a refusé toute réduction des impositions contestées.
DECIDE : Article 1er - Les bénéfices de la Société X... imposés au titre de 1971 et 1972 sont réduits de 18000 F pour chacun de ces exercices.
Article 2 - Il est donné décharge à la Société X... de la différence entre le montant des droits auxquels elle a été soumise dans les rôles de la commune d'... au titre de l'impôt sur les sociétés et le montant de ceux qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 - Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Rennes en date du 2 février 1977 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de la société X... est rejeté.


Synthèse
Formation : 8 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 06766
Date de la décision : 07/06/1978
Sens de l'arrêt : Réformation réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - DIVERS - Indépendance du patrimoine commercial d'une entreprise et du patrimoine civil de son gérant - Société dont le gérant s'est inexplicablement enrichi - Limites de la portée du principe d'indépendance.

19-01-06, 19-04-01-04-03, 19-04-02-01-06-01-04 SARL dont la comptabilité n'est ni régulière ni probante et dont les bénéfices ont dès lors été à bon droit arrêtés d'office par l'administration. Le gérant de cette société détient avec son épouse et ses beaux-parents la totalié des parts de la soiété et se comporte en maître de l'affaire. Dans ces conditions précises, caractéristiques du fonctionnement même de la société, et en dépit de la séparation existant, en principe, entre le patrimoine de la société et celui de son gérant, l'administration est en droit de se fonder sur l'augmentation inexpliquée du patrimoine du gérant pour évaluer le montant des ressources dissimulées par la société [RJ1].

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE - Indépendance du patrimoine de la société et de celui de son gérant - Société dont le gérant s'est inexplicablement enrichi - Limites de la portée du principe d'indépendance.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B - I - C - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - QUESTIONS CONCERNANT LA PREUVE - Entreprise dont le gérant s'est inexplicablement enrichi.


Références :

1. RAPPR. 92874, Finances c/ Société X., 1975-04-23, p. 258


Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 1978, n° 06766
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rain
Rapporteur ?: M. Quandalle
Rapporteur public ?: M. Lobry

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1978:06766.19780607
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