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23/03/1984 | FRANCE | N°35599

France | France, Conseil d'État, 7/8/9 ssr, 23 mars 1984, 35599


Requête de M. X... tendant à :
1° l'annulation d'un jugement, du 13 mai 1981, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a maintenu son assujettissement à des droits complémentaires de taxes sur la valeur ajoutée et aux pénalités y afférentes au titre de la période du 1er janvier 1969 au 30 septembre 1972 ;
2° la décharge de l'imposition et des pénalités contestées ;
Vu le code général des impôts ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant qu'

à la suite d'une vérification portant sur la période du 1er janvier 1969 au 30 s...

Requête de M. X... tendant à :
1° l'annulation d'un jugement, du 13 mai 1981, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a maintenu son assujettissement à des droits complémentaires de taxes sur la valeur ajoutée et aux pénalités y afférentes au titre de la période du 1er janvier 1969 au 30 septembre 1972 ;
2° la décharge de l'imposition et des pénalités contestées ;
Vu le code général des impôts ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification portant sur la période du 1er janvier 1969 au 30 septembre 1972, le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise individuelle de constructions et de travaux publics de M. X... a, en l'absence de tout document comptable relatif à cette période, été reconstitué par voie de rectification d'office, et que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été assignés, au titre de ladite période, au redevable, qui en a demandé décharge à concurrence de 675 039 F en droits, et de 13 500 F en pénalités ; que, par décision du 6 juin 1978, le directeur des services fiscaux du département de la Charente-Maritime a admis qu'une somme de 848 689 F, correspondant à un montant de taxe de 126 963 F, avait été incluse à tort dans les bases de l'imposition, mais a opposé le droit de compensation que l'administration tient de l'article 1955-1 du code général des impôts, en faisant valoir que l'imposition litigieuse devait être maintenue, dès lors qu'une somme de 1 299 105 F, correspondant à une taxe de 183 874 F, avait été omise de la base imposable ; que, par la même décision, le directeur a rejeté la demande de M. X... tendant à déduire également, par compensation, du montant de l'imposition en litige, un excédent de taxe de 548 076 F qu'il aurait versé spontanément, du 1er octobre 1972 au 28 février 1973, pour la régularisation d'opérations effectuées antérieurement au 1er octobre 1972 ; que M. X... fait appel du jugement, en date du 13 mai 1981, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge de l'imposition contestée ;
Sur la compensation opposée par l'administration : Cons. qu'aux termes de l'article 1955 du code général des impôts : " 1. Lorsqu'un redevable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et nonobstant l'expiration des délais de répétition, opposer toutes compensations entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées au cours de l'instruction dans l'assiette ou le calcul de l'imposition contestée ... " ;
Cons. que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise de M. Pailler au cours de la période concernée, l'administration a retenu, d'une part, l'ensemble des crédits portés sur les relevés des comptes bancaires de l'entreprise, à l'exclusion des revenus inscrits sur les comptes bancaires personnels de l'entrepreneur, et, d'autre part, les encaissements en numéraire figurant, parmi les entrées, dans un cahier dit " caisse personnelle " saisi chez le contribuable, et présentant le caractère d'une comptabilité occulte ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise de M. Pailler a exécuté, en 1970, des travaux, s'élevant à 1 186 500 F, pour le compte de la société civile immobilière " La Pastourelle " dont M. X... était le principal associé ; que le règlement de ces travaux a été effectué, à concurrence de 736 500 F, par la remise de 12 chèques dont le montant a été inscrit au compte personnel de l'entrepreneur sans transiter par le compte de l'entreprise, et sans être régulièrement comptabilisé dans ses écritures, et, à concurrence de 450 000 F, par des prélèvements sur les fonds de la société civile immobilière faits par d'autres associés, agissant comme prête-noms de M. X..., dont le montant a été reversé au compte bancaire personnel de celui-ci ; que, si ce dernier a effectué, le 22 septembre 1970, un virement de même montant au compte de l'entreprise, la somme de 450 000 F, ainsi portée au crédit dudit compte, a été regardée par le vérificateur comme étant un complément d'apport de l'entrepreneur, et non comme l'encaissement d'une recette taxable ; qu'ainsi, eu égard à la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires suivie par le vérificateur, laquelle, comme il a été dit ci-dessus, n'a pas retenu les opérations retracées par les comptes bancaires personnels de M. X..., une somme de 1 186 500 F, correspondant au règlement des travaux susmentionnés, lesquels ne figuraient pas davantage au nombre des entrées retracées dans le cahier dit " caisse personnelle ", n'a pas été prise en compte pour la détermination des bases d'imposition ; que la reconstitution du chiffre d'affaires taxable ayant, en outre, comporté, par suite d'erreurs, une minoration totale non contestée de 42 605 F, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que les redressements de taxe sur la valeur ajoutée notifiée à M. X... comportaient l'omission dans les bases d'imposition d'une somme globale de 1 229 105 F ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 1955-1 du code général des impôts que l'administration était, dès lors, fondée à opposer la compensation à la demande de M. X... tendant, à concurrence d'une somme de 848 689 F, à l'exclusion des bases d'imposition d'opérations qui ne devaient pas être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la compensation opposée par le redevable : Cons., d'une part, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles 247-2 et 1946-2 du code général des impôts et des articles 1649 quinquies C et 1955 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable durant la période d'imposition, que la compensation en matière de taxes sur le chiffre d'affaires doit s'effectuer entre impositions dues et payées au cours de la période en litige, et non pas au cours de la même année civile ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont limité au 30 septembre 1972, terme de la période vérifiée, l'exercice éventuel du droit du contribuable à la compensation ; que, si le requérant se prévaut de la circonstance qu'il aurait acquitté, durant la période du 1er octobre 1972 au 28 février 1973, un excédent de taxe d'un montant de 548 076,17 F, il est constant que cet excédent de taxe trouve son origine dans des opérations taxables effectuées postérieurement au 30 septembre 1972 ; que, dans ces conditions, et alors même que le vérificateur a, dans les notifications de redressement des 2 juillet 1974, 27 janvier et 7 février 1975, admis la compensation, M. X... ne saurait opposer de manière pertinente, à son bénéfice, cette compensation à raison dudit excédent de taxe ;
Sur la demande de restitution de l'excédent de taxe : Cons. qu'aux termes de l'article 1930 du code général des impôts : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de la direction générale des impôts, ressortissent à la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir, soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire " ;
Cons. que les conclusions à fin de restitution de l'excédent de taxe de 548 076,17 F susmentionné, dont M. X... a saisi le tribunal administratif, avaient le caractère d'une réclamation tendant à obtenir la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul d'une taxe, au sens des dispositions précitées de l'article 1930 du code ; qu'ainsi, ces conclusions ressortissaient à la juridiction contentieuse ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a assimilé lesdites conclusions à une demande de dégrevement ou de restitution gracieuse, ressortissant à la compétence de l'administration en vertu des dispositions de l'article 1951-1 du code général des impôts, et s'est déclaré incompétent pour en connaître ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler sur ce point, le jugement attaqué du tribunal administratif de Poitiers ;
Cons. qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'évoquer, pour être statué immédiatement sur ce chef de conclusions ;
Cons. que, si l'article 1932-1 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable durant la période d'imposition, prescrit que les réclamations ne sont recevables que " jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle, soit de la mise en recouvrement du rôle, de la notification d'un avis de mise en recouvrement ou du versement de l'impôt contesté si cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement, soit de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ", l'inobservation du délai de réclamation édicté par cette disposition ne saurait être utilement opposée au contribuable lorsque le vérificateur, ou tout autre représentant qualifié du service, a, dans ce délai de réclamation, donné audit contribuable des assurances expresses, formulées par écrit, dont l'effet était de rendre sans objet sa réclamation ;
Cons. qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des notifications de redressement adressées à M. X... les 2 juillet 1974, 27 janvier et 7 février 1975, que le vérificateur a formellement indiqué au redevable que le montant de la taxe à laquelle il était assujetti au titre de la période du 1er octobre 1972 au 28 février 1973, postérieure à celle de la vérification, serait, par voie de compensation, diminuée de l'excédent de taxe de 548 076,17 F que l'intéressé affirmait avoir versé, pendant cette dernière période, en tant que " régularisation " des insuffisances constatées du montant de la taxe acquittée au titre de la période vérifiée ;
Cons. que le premier des redressements susmentionnés a été notifié le 2 juillet 1974, soit postérieurement à l'expiration du délai, fixé par les dispositions précitées de l'article 1932-1 du code général des impôts au 31 décembre 1973, en ce qui concerne l'excédent de taxe qu'aurait versé M. X... au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 1972, mais avant l'expiration du délai, fixé par les mêmes dispositions au 31 décembre 1974, en ce qui concerne l'excédent de taxe qu'il aurait versé au titre de la période du 1er janvier au 28 février 1973 ; que, si M. X..., l'administration s'étant ultérieurement ravisée, n'a demandé à celle-ci la restitution de cet excédent de taxe que dans une réclamation du 29 juillet 1977, soit postérieurement à l'expiration du délai susmentionné, l'inobservation de ce délai doit être regardée comme imputable, en ce qui concerne l'excédent de taxe qu'aurait versé le redevable, au titre de la période du 1er janvier au 28 février 1973, aux assurances formelles que lui avait données, dans le délai de la réclamation, le représentant qualifié de l'administration, dans les conditions ci-dessus précisées, lesquelles assurances avaient eues pour effet d'inciter ce redevable à estimer qu'une réclamation serait sans objet ; qu'il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article 1932-1 du code pour opposer la forclusion à cette partie des conclusions de la requête ;
Cons., toutefois, que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur le point de savoir si M. X... a effectivement versé, au titre de la période du 1er janvier au 28 février 1973, un excédent de taxe sur la valeur ajoutée, ni, le cas échéant, sur le montant de cet excédent ; qu'il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction sur ces points ;
annulation du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête de M. X... tendant à la restitution d'un excédent de droits de T.V.A. comme portées devant une juridiction incompétente, supplément d'instruction .


Synthèse
Formation : 7/8/9 ssr
Numéro d'arrêt : 35599
Date de la décision : 23/03/1984
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - PROCEDURE CONTENTIEUSE - RECLAMATIONS AU DIRECTEUR - DELAI - Article 1932-1 - Interruption du délai de forclusion.

19-02-02-02, 19-06-01-07 Vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1969 au 30 septembre 1972 [période 1]. Rectification du chiffre d'affaires et droits supplémentaires assignés au redevable. Celui-ci "régularise" une partie des sommes dues en même temps qu'il s'acquitte de la taxe due au titre de la période du 1er octobre 1972 au 28 février 1973, postérieure donc à la vérification [période 2]. Le vérificateur lui indique formellement que le montant dû au titre de la période 2 sera diminué "par voie de compensation" de la "régularisation" ainsi effectuée. Ultérieurement, le 6 juin 1978, le directeur des services fiscaux rejette la demande tendant à déduire du montant de l'imposition en litige, le montant de la "régularisation spontanée". L'intéressé n'a demandé à l'administration la restitution de cet excédent de taxe que par une réclamation du 29 juillet 1977. Compte tenu des assurances formelles données, dans le délai de réclamation, par un représentant qualifié de l'administration au redevable, lesquelles assurances ont eu pour effet d'inciter celui-ci à estimer qu'une réclamation serait sans objet, le ministre n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1932-1 du C.G.I. pour opposer la forclusion à cette partie de la requête. L'état du dossier ne permettant pas toutefois au Conseil d'Etat de se prononcer sur le point de savoir si le requérant a effectivement versé, au titre de la période du 1er janvier au 28 février 1973, un excédent de taxe sur la valeur ajoutée, ni, le cas échéant, sur le montant de cet excédent, supplément d'instruction.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILES - QUESTIONS COMMUNES - REGLES PROPRES AU CONTENTIEUX DES T - C - A - Délai de l'action en restitution - Interruption du délai de forclusion en raison d'assurances formelles données par le vérificateur.


Références :

CGI 1649 quinquies C
CGI 1930
CGI 1932 1 CGI 1951 1
CGI 1946 2
CGI 1955 1
CGI 247 2


Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 1984, n° 35599
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Bresson
Rapporteur ?: M. Teissier du Cros
Rapporteur public ?: M. Bissara

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1984:35599.19840323
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