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25/06/1986 | FRANCE | N°43592

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 25 juin 1986, 43592


Vu le recours enregistré le 1er juillet 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° à titre principal :
a annule le jugement en date du 23 janvier 1982 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a accordé à la société antillaise d'études et de gérance la décharge des impositions supplémentaires résultant des réintégrations opérées sur les bénéfices réalisés au titre de l'année 1974,
b décide que la société antillaise d'étu

des et de gérance sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés dans la commune de...

Vu le recours enregistré le 1er juillet 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° à titre principal :
a annule le jugement en date du 23 janvier 1982 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a accordé à la société antillaise d'études et de gérance la décharge des impositions supplémentaires résultant des réintégrations opérées sur les bénéfices réalisés au titre de l'année 1974,
b décide que la société antillaise d'études et de gérance sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés dans la commune de Fort-de-France, pour les années 1974, 1975 et 1976, et de la contribution exceptionnelle des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés pour l'année 1976, à raison des droits qui lui avaient été assignés ;
2° à titre subsidiaire :
a décide que la société antillaise d'études et de gérance sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés dans la commune de Fort-de-France pour l'année 1976 à raison des droits correspondant à une réduction du déficit reportable de l'exercice clos le 30 juin 1974 de 430 855 F,
b réforme en ce sens le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des procédures fiscales du nouveau code des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de la Société antillaise d'études et de gérance,
- les conclusions de M. Y.... Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le tribunal administratif de Fort-de-France, en n'indiquant pas, dans le dispositif du jugement attaqué, la ou les années d'imposition au titre desquelles il prononçait décharge de certaines impositions, n'a pas exercé pleinement sa compétence ; qu'il y a lieu, par suite, ainsi que le demande le ministre, d'annuler ledit jugement ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la S.A.R.L. "Société Antillaise d'Etudes et de Gérance" SAEG devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sur la perte réalisée par la Société à l'occasion de la cession des actions acquises le 28 août 1972 auprès de M. X... de Saint-Aurin :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de la prescription opposée par la Société SAEG :
Considérant que la S.A.R.L. "Société Antillaise d'Etudes et de Gérance", qui exerce à la Martinique l'activité de marchand de biens et d'agent d'affaires, a fait l'objet d'une vérificatio de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos du 30 juin 1973 au 30 juin 1977 ; que le vérificateur a considéré que constituait un acte anormal de gestion l'acquisition d'actions de la S.A. "Société Touristique de la Pointe du Diamant", le 28 août 1972, au prix de 500 F l'action, alors que la revente de ces titres le 28 septembre 1973, au prix unitaire de 156 F, reflétait selon le service la valeur réelle de l'action ; que, par suite, l'administration a refusé la déduction au titre de l'exercice clos le 30 juin 1974 de la perte sur cession ainsi réalisée, ainsi que la déduction, au titre de chacun des exercices vérifiés, des frais financiers entraînés par le financement de cette opération ;

Considérant que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient cependant à l'administration, dans le cas particulier où l'acte auquel l'administration attribue un caractère anormal affecte l'évaluation des éléments de l'actif immobilisé, d'établir les faits qui donnent selon elle à l'acte dont s'agit un caractère anormal, alors même que, à raison de la procédure suivie, le contribuable devrait démontrer l'exagération de l'imposition contestée ;
Considérant que pour affirmer que serait anormal le prix de cession de 500 F l'action auquel a été réalisé l'achat des titres acquis de M. X... de Saint-Aurin l'administration fait état de la situation nette comptable déficitaire de la Société Touristique de la Pointe du Diamant au 31 décembre 1971, antérieurement à la cession du 28 août 1972 ;
Considérant que l'estimation qui pouvait être faite à cette dernière date de la valeur des terrains et d'un immeuble à usage d'hôtel constituant le patrimoine de la société, les projets de promotion immobilière auxquels s'intéressait à l'époque un groupe financier avec lequel la S.A.R.L. Antillaise d'Etudes et de Gérance était en pourparlers, et l'intérêt que pouvait trouver la S.A.R.L. à obtenir la maîtrise de la S.T.P.D. pour négocier simultanément la vente des terrains de cette société et celle des terrains limitrophes qu'elle possédait elle-même, étaient de nature à conférer aux actions de la S.T.P.D. une valeur supérieure à celle correspondant à l'estimation comptable faite par le service ; que dans ces conditions le ministre n'établit pas que l'acquisition le 28 août 1972 au prix susindiqué ait constitué, de la part de la contribuable, un acte anormal de gestion ; que c'est, par suite, à tort que le service a, d'une part, refusé d'admettre en déduction la perte constatée en 1974 pour un montant de 2 408 100 F, lors de la cession des mêmes actions à un prix inférieur à leur valeur d'achat, et d'autre part, réintégré aux résultats des exercices 1974, 1975, 1976 et 1977 le montant des frais financiers s'élevant respectivement à 278 611 F, 344 800 F, 339 696 F, et 128 325 F, correspondant aux frais et intérêts de l'emprunt qu'avait dû souscrire ladite société pour l'acquisition des actions dont s'agit ;
Sur les autres redressements :

Considérant que les conclusions concernant la reprise d'une somme de 8 334 F au titre de l'exercice 1974 ne sont assorties d'aucun moyen ; qu'elles ne peuvent dès lors être accueillies ;
Sur les conclusions subsidiaires du ministre :
Considérant que le ministre est recevable et fondé, sur le fondement de l'article L. 204 du livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts, à demander que les impositions éventuellement dégrevées soient rétablies à concurrence de la réintégration dans les résultats de l'année 1974 d'une somme de 143 900 F correspondant à une moins-value à long terme sur une cession de titres, que la société avait à tort portée dans les charges déductibles de cet exercice ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Antillaise est par l'effet du report des déficits constatés dans ses résultats de 1973 et 1974 fondée à demander la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre des années 1974, 1975 et 1976 et la réduction de l'imposition au titre de l'année 1977 ; que pour le calcul de cette réduction le déficit reportable de l'exercice 1974 doit être réduit de la somme 143 900 F susrappelée ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 23 janvier 1982 est annulé.

Article 2 : Les bases d'imposition de la S.A.R.L. Société Antillaise d'Etudes et de Gérance sont réduites au titre de l'année 1974 des sommes de 2 408 100 F et 278 611 F. Le déficit reportable enrésultant est toutefois diminué d'une somme de 143 900 F.

Article 3 : Les bases d'imposition des années 1975, 1976 et 1977sont réduites respectivement des sommes de 344 800 F, 339 696 F et 128 325 F.

Article 4 : Il est accordé à la S.A.R.L. Société Antillaise d'Echanges et de participation décharge en droits et pénalités des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettieau titre des années 1974, 1975 et 1976, et au titre de l'année 1977 la réduction qui résulte de l'application des articles 2 et 3 ci-dessus.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de la S.A.R.L. Société Antillaise d'Etudes et de Gérance et des conclusionsde sa requête est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. Société Antillaise d'Etudes et de Gérance et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 43592
Date de la décision : 25/06/1986
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 1986, n° 43592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Teissier du Cros
Rapporteur public ?: Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:43592.19860625
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