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28/11/1986 | FRANCE | N°41177

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 28 novembre 1986, 41177


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 31 mars 1982 et 30 juillet 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant à Saint Bauzille de Montmel à Castries 34160 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement en date du 21 janvier 1982 par lequel, le tribunal administratif de Montpellier ne lui a accordé qu'une indemnité de 3 000 F pour la remise en état du chemin privé d'exploitation utilisé par Electricité de France pour l'installation de pylônes électriques sur sa propriété, et s'e

st déclaré incompétent pour le surplus,
2° condamne Electricité de Fran...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 31 mars 1982 et 30 juillet 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant à Saint Bauzille de Montmel à Castries 34160 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement en date du 21 janvier 1982 par lequel, le tribunal administratif de Montpellier ne lui a accordé qu'une indemnité de 3 000 F pour la remise en état du chemin privé d'exploitation utilisé par Electricité de France pour l'installation de pylônes électriques sur sa propriété, et s'est déclaré incompétent pour le surplus,
2° condamne Electricité de France à lui verser une indemnité de 47 726,88 F avec les intérêts au jour de la requête introductive et capitalisation desdits intérêts ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 juin 1906 ;
Vu le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de M. X..., de Me Coutard, avocat de Electricité de France et de Me Boulloche, avocat de la société SPIE-Batignolles,
- les conclusions de M. Marimbert, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un accord est intervenu entre M. X... et Electricité de France par lequel, en contrepartie de l'autorisation donnée par M. X... à Electricité de France d'utiliser un chemin d'exploitation de sa propriété pour la construction de sa ligne, Electricité de France s'engageait, d'une part à faire des aménagements pour améliorer ledit chemin et d'autre part à transporter jusqu'à la ferme de M. X... des quantités de bois correspondant à ceux qui devaient être abattus en exécution de la servitude de déboisement ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que des servitudes d'appui, de passage et d'ébranchage ont été instituées au profit des concessionnaires de distribution d'énergie par l'article 12, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1906, et que le second alinéa du même article donne compétence aux tribunaux de l'ordre judiciaire pour régler "les indemnités qui pourraient être dues à raison" desdites servitudes ;
Considérant que les dommages causés par l'existence et la construction des lignes de distribution d'énergie électrique comprises dans une concession ont le caractère de dommages de travaux publics et que, par suite, les litiges nés desdits dommages ressortissent à la compétence de la juridiction administrative ; que la dérogation apportée à ce principe par l'article 12 précité de la loi du 15 juin 1906, par son caractère exceptionnel, doit être interprétée strictement ;
Considérant qu'il ressort tant des termes que de l'esprit desdites dispositions que clles-ci ne concernent que les dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des charges imposées par la loi aux propriétés privées, tels que la dépréciation de l'immeuble, la diminution de jouissance, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien, à l'exclusion des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction ou de réparation des ouvrages ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les livraisons de bois auxquelles Electricité de France s'était engagée étaient la contrepartie de l'autorisation accordée par M. X... à cet établissement public d'utiliser un chemin lui appartenant ; que cette utilisation n'était pas au nombre des servitudes imposées par la loi précitée du 15 juin 1906 ; que, par suite, la demande d'indemnité présentée par M. X... en raison de l'inexécution par Electricité de France de cet engagement ne relève pas de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; que M. X... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier s'est déclaré incompétent pour connaître de ce chef de dommages ;
Considérant en revanche que si M. X... réclame, d'ailleurs pour la première fois en appel, une indemnité destinée à réparer le préjudice "esthétique, pastoral et cynégétique" que lui a causé le déboisement, ce préjudice est la conséquence directe et certaine de la servitude de déboisement prévue par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 ; que les conclusions tendant à la réparation de ce préjudice doivent être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise établi en exécution du compromis intervenu entre les parties le 12 juillet 1979 et déposé au cours de l'instance d'appel, que les frais de remise en état du chemin d'exploitation qu'Electricité de France s'était engagé à faire, se montent à 25 600 F et que la valeur des stères de bois manquants se monte à 34 170 F ; que si le montant de ces deux chefs de préjudices s'élève ainsi à 59 770 F, il résulte de l'instruction que le requérant s'était borné, dans ses conclusions de première instance, à demander la condamnation d'Electricité de France au paiement d'une somme de 47 726 F ; qu'il est irrecevable à présenter en appel des conclusions tendant à ce que Electricité de France soit condamnée à lui verser une somme supérieure à 47 726 F ; qu'il y a donc lieu de limiter à cette somme la condamnation d'Electricité de France ;

Considérant que si M. X... demande également que le coût de l'expertise soit supporté non par lui mais par Electricité de France, il résulte de l'instruction que cette expertise n'a pas été ordonnée par les premiers juges ; que son coût figure donc parmi les éléments du préjudice dont Electricité de France lui doit réparation ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. X... est irrecevable à obtenir en appel une réparation d'un montant supérieur à celui qu'il avait demandé en première instance ; qu'il ne saurait donc obtenir que lui soit alloué, en sus de la somme de 47 726 F une somme destinée à couvrir les frais de cette expertise ;
Sur les conclusions en garantie présentées par Electricité de France contre la société SPIE Batignolles :
Considérant d'une part que les sommes dont la société SPIE Batignolles a été condamnée à garantir Electricité de France, par le jugement attaqué, doivent être portées à 20 241 F, qui représentent la part qui, dans la condamnation susmentionnée d'Electricité de France, se rapporte aux frais de remise en état du chemin ; qu'ainsi les conclusions de la société tendant à ce que cette somme soit ramenée à 1 150 F doivent être rejetées ;
Mais considérant que l'autre partie de l'indemnité qu'Electricité de France doit payer à M. X... correspond à la valeur du bois qui n'a pas été livré et non à l'opération matérielle de transport que la société s'était engagée à effectuer ; qu'Electricité de France n'est dès lors pas fondée à demander, pour cette partie de l'indemnité, la garantie de la société SPIE-Batignolles ;
Sur les demandes de capitalisation des intérêts :

Considérant que M. X... a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 30 juillet 1980, date à laquelle il a saisi le tribunal ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts le 31 mars 1982 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande ; qu'en revanche, si M. X... a demandé également la capitalisation des intérêts le 11 février 1983, il n'était pas dû à cette date au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de rejeter cette deuxième demande ;
Article ler : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 21 janvier 1982 est annulé.

Article 2 : L'indemnité qu'Electricité de France a été condamnéeà payer à M. X... par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 janvier 1982 est portée à 47 726 Favec les intérêts de droit à compter du 30 juillet 1980 et capitalisation desdits intérêts au 31 mars 1982.

Article 3 : La société SPIE-Batignolles garantira Electricité deFrance à concurrence d'une somme de 20 241 F ainsi que des intérêts et des intérêts des intérêts afférents à cette somme.

Article 4 : Les articles 2 et 3 du jugement en date du 21 janvier 1982 du tribunal administratif de Montpellier sont réformés en ce qu'ils ont de contraires à la présente décision.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. X... et des conclusions d'Electricité de France, et le recours incident de la société SPIE-Batignolles sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à Electricité de France, à la société SPIE-Batignolles et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 41177
Date de la décision : 28/11/1986
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03 TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES


Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 1986, n° 41177
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aberkane
Rapporteur public ?: . Marimbert

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:41177.19861128
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