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18/02/1987 | FRANCE | N°42273

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 18 février 1987, 42273


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 mai 1982 et 10 septembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Louis X..., demeurant à Roques-sur-Garonne 31120 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement en date du 3 février 1982 en ce que le tribunal administratif de Toulouse, a rejeté en tant qu'elle n'était pas devenue sans objet sa demande en décharge de suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle du même impôt auxquels il est assujetti dans les rôles de la commune

de Roques-sur-Garonne au titre, respectivement des années 1972 et 1973...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 mai 1982 et 10 septembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Louis X..., demeurant à Roques-sur-Garonne 31120 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement en date du 3 février 1982 en ce que le tribunal administratif de Toulouse, a rejeté en tant qu'elle n'était pas devenue sans objet sa demande en décharge de suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle du même impôt auxquels il est assujetti dans les rôles de la commune de Roques-sur-Garonne au titre, respectivement des années 1972 et 1973 ;
2° lui accorde la décharge des impositions contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Quandalle, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Waquet, avocat de M. Louis X...,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., le tribunal administratif de Toulouse n'a omis d'examiner aucun des moyens qu'il avait invoqués à l'appui de sa demande ;
Sur l'application de l'article 168 :
En ce qui concerne le principe de cette application :
Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts dans la rédaction applicable aux années 1972 et 1973 : "1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après ... 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et des majorations prévus aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition et l'année précédente, le montant du revenu net global déclaré. 3. Les contribuables ne pourront faire échec à l'imposition résultant des dispositions qui précèdent en faisant valoir que leurs revenus imposables à l'impôt sur le revenu seraient inférieurs aux bases d'imposition résultant du barème ci-dessus" ;
Considérant, en premier lieu, qu'avant d'appliquer les dispositions ci-dessus au calcul de l'impôt sur le revenu mis à la charge de M. X... au titre de l'année 1972, l'administration comme elle y était tenue, a comparé le revenu que celui-ci avait déclaré au titre de l'année 1971 et la somme forfaitairecorrespondant aux éléments dont il avait disposé la même année ; que la circonstance que l'impôt sur le revenu de 1971 était prescrit ne mettait pas obstacle à cette comparaison ;

Considérant, en deuxième lieu, que le revenu net global, duquel, en vue de l'application éventuelle des dispositions de l'article 168, doit être rapprochée la somme forfaitaire qu'elles déterminent, s'entend après imputation des charges qui en sont déductibles en vertu du II de l'article 156 du code général des impôts ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration, pour apprécier la "disproportion marquée" mentionnée par l'article 168, n'a pas intégré les pensions alimentaires payées par M. X... dans ses revenus nets globaux ; que ces revenus se sont ainsi trouvés ramenés à 29 862 F pour 1971, 17 775 F pour 1972 et 18 293 F pour 1973 ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X... ne conteste pas que, dans le calcul de la somme forfaitaire, sa voiture doit entrer pour 21 213 F pour 1971, 16 970 F pour 1972 et 14 849 F pour 1973 ; qu'en outre, s'il conteste la valeur locative que l'administration a attribuée à sa résidence principale, il l'estime lui-même à 10 000 F, ce qui, selon le barème de l'article 168, conduirait à la prendre en compte pour 30 000 F ; qu'ainsi, en ne tenant compte que des éléments et des valeurs reconnus par le contribuable, la somme forfaitaire s'élève à 51 213 F pour 1971, 46 970 F pour 1972 et 44 849 F pour 1973 ; que chacun de ces chiffres dépasse de plus du tiers le revenu net global de la même année ;
Considérant que la condition définie au 2 bis de l'article 168 étant remplie, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a retenu les revenus forfaitaires comme base des impositions en litige ; qu'il ne saurait utilement invoquer la circonstance qu'il n'a fait que continuer à user de biens acquis pendant des années antérieures, au cours desquelles ses revenus réels étaient plus importants ;

Considérant, enfin, que la circulaire en date du 25 mai 1965, l'instruction en date du 8 novembre 1974 et la réponse à la question écrite d'un parlementaire, en date du 21 novembre 1976 ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale, mais ne font que donner ou rappeler des recommandations adressées aux services d'assiette ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à les opposer à l'application de la loi sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne les revenus imposés :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du 1 de l'article 168 : "... la valeur locative est déterminée par comparaison avec d'autres locaux dont le loyer a été régulièrement constaté ou est notoirement connu et, à défaut de ces éléments, par voie d'appréciation." ; qu'il résulte de l'instruction que pour fixer à, respectivement, 16 180 F et 17 300 F, la valeur locative de la résidence principale, l'administration s'est référée à sa valeur locative cadastrale ; que la valeur locative ainsi retenue ne saurait être regardée comme exagérée, dès lors que le requérant ne propose aucun élement de comparaison, qu'il ne conteste pas les affirmations de l'administration qui soutient qu'il n'existe pas d'éléments de comparaison répondant aux conditions exigées par les dispositions précitées et qu'il n'apporte aucun commencement de justification à l'appui de ses allégations selon lesquelles la valeur locative devrait être fixée à 10 000 F seulement ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X... a disposé d'un bateau de plaisance en 1972 ; que, par suite, en dépit du mauvais état de ce bateau, celui-ci a été à bon droit compris dans le calcul du revenu forfaitaire au titre de cette année et selon la rubrique correspondante du barème de l'article 168 ; qu'en admettant même qu'en 1973, ce même bateau soit constamment resté au port et ait été relié au réseau du téléphone et de la distribution d'électricité, c'est à tort, eu égard à la nature forfaitaire du régime d'imposition qu'institue l'article 168, que l'administration, au titre de 1973, a appliqué les règles prévues à la rubrique du barème qui concerne les résidences secondaires ; qu'elle a ainsi fait une évaluation exagérée du revenu imposable, à concurrence de l'excédent du résultat auquel elle est ainsi parvenue sur celui qu'elle aurait dû retenir si elle avait appliqué les règles prévues à la rubrique "bateau de plaisance", qui étaient les seules applicables ; que cet excédent, qui est de 73 750 F, doit être retranché du revenu imposé ;
Sur le quotient familial :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : "... 3. La femme mariée fait l'objet d'une imposition distincte : a lorsqu'elle est séparée de biens et ne vit pas avec son mari ..." ; que selon l'article 311 du code civil, "la séparation de corps emporte toujours la séparation de biens" ; que l'article 193, 1er alinéa du code général des impôts, dispose que, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, "le revenu imposable... est divisé en un nombre de parts fixé, conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable" ; qu'en vertu de l'article 194, 2e alinéa du même code, en cas d'imposition séparée des époux par application de l'article 6-3, chaque époux est considéré comme un célibataire ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les époux séparés de corps sont imposés séparément et que leur quotient familial est déterminé comme celui des célibataires ; que, dès lors, M. X... n'est fondé à se prévaloir de la persistance de son mariage en dépit de sa séparation de corps d'avec son épouse, pour prétendre que, pour le calcul des impôts en litige, ses revenus imposés auraient dû être diviés en plusieurs parts ;

Considérant, d'autre part, que si M. X..., au cours des années en litige, a versé une pension à une fille naturelle mineure qu'il avait reconnue, il n'établit pas que ce subside suffisait à assurer l'entretien complet de celle-ci qui vivait au domicile de sa mère ; qu'elle ne peut, dès lors, être regardée comme ayant été à sa charge et ne lui ouvre, par suite, pas droit au bénéfice d'une part supplémentaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander la réduction du revenu à raison duquel il demeure imposé au titre de 1973, celle de l'impôt correspondant et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Article 1er : Le revenu à raison duquel M. X... demeureimposé au titre de l'année 1973 dans les rôles de la commune de Roques-sur-Garonne Haute-Garonne est réduit de 73 750 F.

Article 2 : Il est donné décharge de la différence entre les suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels M. X... demeure imposé au titre de l'année 1973 et ceux qui résultent de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse endate du 3 février 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances etde la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 42273
Date de la décision : 18/02/1987
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 1649 QUINQUIES
CGI 168 1 al. 2, 168 2 BIS, 6 3, 193 al. 1, 194 al. 2
CGI Livre des procédures fiscales L80A
Circulaire du 25 mai 1975 Instruction 1974-11-08
Code civil 311


Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 1987, n° 42273
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Quandalle
Rapporteur public ?: de Guillenchmidt

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:42273.19870218
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