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27/02/1987 | FRANCE | N°71714

France | France, Conseil d'État, 2 ss, 27 février 1987, 71714


Vu le recours du ministre de l'intérieur et de la décentralisation, enregistré le 23 août 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 11 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 15 mai 1984 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation enjoignant à M. Urrate X... de quitter le territoire français, ensemble les arrêtés, du 15 mai 1984 et du 1er juin 1984 du même ministre, astreignant l'intéressé à résider dans le département de l'Aveyron puis dans

celui de la Moselle, et l'arrêté en date du 14 juin 1984 du commissaire...

Vu le recours du ministre de l'intérieur et de la décentralisation, enregistré le 23 août 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 11 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 15 mai 1984 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation enjoignant à M. Urrate X... de quitter le territoire français, ensemble les arrêtés, du 15 mai 1984 et du 1er juin 1984 du même ministre, astreignant l'intéressé à résider dans le département de l'Aveyron puis dans celui de la Moselle, et l'arrêté en date du 14 juin 1984 du commissaire de la République de la Moselle l'astreignant à résider dans la commune de Delme,
2° rejette la demande présentée par M. Urrate X... devant le tribunal administratif de Pau ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par la loi du 29 octobre 1981 ;
Vu le décret du 18 mars 1946 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Leroy, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin , avocat de M. Urrate X...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France : "... l'expulsion peut être prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public" ; que d'après l'article 24 de la même ordonnance l'expulsion ne peut être prononcée que si l'étranger en a été préalablement avisé, et s'il a été convoqué pour être entendu par une commission siégeant sur convocation du préfet ; que toutefois, l'article 26 prévoit qu'en cas d'urgence absolue, et par dérogation aux articles 23 à 25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité publique ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à l'aggravation sensible, à partir de la fin 1983, des troubles à l'ordre public provoqués sur le territoire français par les activités de groupements armés et organisés opérant des deux côtés de la frontière franco-espagnole, ainsi qu'aux éléments dont disposait alors le ministre de l'intérieur et de la décentralisation établissant la participation active de M. Urrate X... à l'un de ces groupements, l'expulsion de l'interessé présentait, à la date du 15 mai 1984, un caractère d'urgence absolue ; que dès lors c'est à tort que le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur l'absence d'urgence absolue pour annuler l'arrêté d'expulsion pris à cette date par le ministre de l'intérieur et de la décentralisation et par voie de conséquence les arrêtés d'assignation à résidence des 15 mai 1984 et 1er juin 1984 ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. Urrate X... devant le tribunal administratif de Pau ;
Considérant que l'arrêté du 15 mai 1984 dont M. Urrate X... demande l'annulation comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui ont fondé la décision du ministre de l'intérieur et de la décentralisation ; qu'ainsi ledit arrêté répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant que M. Urrate X... soutient que la décision d'expulsion qui le vise est intervenue en violation des articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 2 du protocole n° 4 à ladite convention ; qu'en ce qui concerne l'article 5 qui prévoit, pour toute personne relevant de la juridiction des parties contractantes, des garanties relatives aux conditions d'arrestation ou de détention, le moyen est inopérant à l'égard d'un arrêté d'expulsion ; qu'il en va de même de l'article 6, relatif aux garanties qui doivent entourer les procédures judiciaires ;
Considérant qu'il résulte clairement de l'article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne susvisée que l'exercice des droits de libre circulation et de libre choix de la résidence, énoncés au paragraphe 1, peut faire l'objet aux termes du paragraphe 3 du même article de restrictions résultant des nécessités de la sûreté publique et du maintien de l'ordre public ; qu'ainsi les mesures prises à l'encontre de M. Urrate X... par le ministre de l'intérieur et de la décentralisation et le préfet de la Moselle ne sont pas contraires aux dispositions de ce texte ;

Considérant qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que l'arrêté attaqué repose sur des faits matériellement inexacts ou soit entaché d'erreur de droit, ni qu'en estimant que l'expulsion de M. Urrate X... constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique le ministre de l'intérieur et de la décentralisation ait fait des circonstances de l'espèce une appréciation erronée ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et de la décentralisation est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé sa décision en date du 15 mai 1984 et par voie de conséquence les arrêtés d'assignation à résidence précités ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 11 juin 1985 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Urrate X... devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Urrate X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 ss
Numéro d'arrêt : 71714
Date de la décision : 27/02/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

49-05-04-03 POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES ETRANGERS - EXPULSION - [1] Urgence absolue - Existence. [2] Inapplicabilité en matière d'expulsion des stipulations des art. 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


Références :

Arrêté ministériel du 15 mai 1984 Intérieur décision attaquée confirmation
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme du 04 novembre 1950 art. 5, art. 6, Protocole n/ 4 art. 2
Loi 79-587 du 19 juillet 1979
Loi 81-973 du 29 octobre 1981
Ordonnance du 02 novembre 1945 art. 23, art. 24, art. 25, art. 26

Décision semblable du même jour 71715


Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 1987, n° 71714
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leroy
Rapporteur public ?: Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:71714.19870227
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