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27/04/1987 | FRANCE | N°50792

France | France, Conseil d'État, 10/ 3 ssr, 27 avril 1987, 50792


Vu 1° sous le numéro 50 792, la requête enregistrée le 20 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Yves-Marie X..., demeurant Y... Alann à Carantec 29226 , et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 mars 1983 fixant le régime de l'autorisation des exploitations de cultures marines ; subsidiairement à l'annulation de ses articles 2, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 21, 22, 23, 24 et 25 ;

Vu, 2° sous le n° 50 865, la requête enregistrée le 24 mai 1983 et le mémoire complémentaire, enregistré le 26 septembre 1983,

présentés pour la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE S.A.T.M.A.R , dont le...

Vu 1° sous le numéro 50 792, la requête enregistrée le 20 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Yves-Marie X..., demeurant Y... Alann à Carantec 29226 , et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 mars 1983 fixant le régime de l'autorisation des exploitations de cultures marines ; subsidiairement à l'annulation de ses articles 2, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 21, 22, 23, 24 et 25 ;

Vu, 2° sous le n° 50 865, la requête enregistrée le 24 mai 1983 et le mémoire complémentaire, enregistré le 26 septembre 1983, présentés pour la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE S.A.T.M.A.R , dont le siège est à Barfleur Manche , à Satteville-Phare, "La Saline", représentée par son président-directeur général en exercice tendant à l'annulation du décret n° 83-228 du 22 mars 1983 fixant le régime de l'autorisation des exploitations de cultures marines ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le décret du 9 janvier 1852 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Terquem, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Bret, de Lanouvelle, avocat de M. X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE S.A.T.M.A.R et de Me Roger, avocat du secrétaire d'Etat à la mer,
- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. X... et de la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE S.A.T.M.A.R tendent toutes deux à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 83-228 du 22 mars 1983 fixant le régime de l'autorisation des exploitations de cultures marines ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
Sur le moyen tiré de l'incompétence du Gouvernement pour prendre certaines dispositions du décret attaqué qui reléveraient du domaine de la loi :
Considérant qu'en vertu des dipositions de l'article L. 28, premier alinéa, du code du domaine de l'Etat : "Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l'autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l'utiliser dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous" ; que, selon les dispositions de l'article 2 du décret du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime, "aucun établissement de pêcherie, de quelque nature qu'il soit, aucun parc, soit à huîtres, soit à moules, aucun dépôt de coquillages ne peuvent être formés sur le rivage de la mer, le long des côtes, ni dans les parties des fleuves, rivières, étangs et canaux où les eaux sont salées, sans une autorisation spéciale délivrée par le ministre de la marine" ; qu'en application de ces dispositions le Gouvernement, chargé de la gestion du domaine public maritime, peut fixer par décret les conditions dans lesquelles sont autorisées les exploitations de cultures marines sur ce domaine ;

Considérant qu'en déterminant par le décret attaqué les conditions dans lesquelles la concession peut être transférée du vivant du concessionnaire ou à son décès, celles dans lesquelles elle peut être codétenue par les membres d'un même groupe familial, en réservant le bénéfice de l'autorisation d'exploitation aux seules personnes physiques remplissant certaines conditions de capacité professionnelle et en prévoyant les conditions, notamment quant à la répartition de leur capital et à la qualité de leurs dirigeants, que doivent remplir au même effet les personnes morales demanderesses, le Gouvernement n'a nullement entendu modifier, ni n'a effectivement modifié les règles relatives aux régimes matrimoniaux ou aux droits des successions ni celles qui ont trait au régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales mais s'est borné à préciser à quelles conditions seraient délivrées les autorisations d'occupation du domaine public maritime en vue de l'exploitation des cultures marines et n'est, par suite, nullement intervenu, dans le domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution ; qu'il ne saurait dès lors, être utilement soutenu que lesdites dispositions ont été prises par une autorité incompétente ;
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à l'intervention du décret :
Considérant que si la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE soutient que le décret attaqué ne pouvait être légalement pris sans qu'aient été consultés au préalable un certain nombre d'organismes ainsi que les organisations professionnelles intéressées, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au Gouvernement de recueillir l'avis du centre national d'exploitation des océans ou de tout autre organisme ni celui des organisations professionnelles intéressées qui, en ce qui les concerne et contrairement aux affirmations de la requérante, ont d'ailleurs effectivement été consultées ;
Sur le moyen tiré du défaut de contreseing du ministre chargé de l'urbanisme et du ministre chargé de l'environnement :

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que l'exécution du décret dont s'agit ne comporte nécessairement l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle que le ministre chargé de l'urbanisme ou le ministre chargé de l'environnement serait compétent pour signer ou contresigner ; que, dès lors, la circonstance que lesdits ministres n'aient pas revêtu de leur contreseing le décret attaqué n'est pas de nature à entacher celui-ci d'illégalité ;
En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :
Sur le moyen tiré de la violation du traité de Rome :
Considérant que la circonstance que l'octroi d'une autorisation aux personnes physiques est subordonné à certaines conditions de capacité professionnelle, et notamment la détention d'un titre de formation professionnelle, ne fait pas obstacle à ce que les ressortissants des pays membres de la communauté économique européenne puissent bénéficier d'une telle autorisation ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la disposition attaquée serait contraire aux dispositions du traité de Rome relatives à la liberté d'établissement ne saurait être retenu ;
Sur le moyen tiré de la violation des conventions d'établissement conclues avec certains Etats étrangers :

Considérant que la circonstance que le décret attaqué n'a pas réservé expressément le cas des sociétés commerciales étrangères qui pourraient, le cas échéant, invoquer le bénéfice de conventions d'établissement passées entre la France et d'autres Etats ne saurait être regardée comme constituant une violation desdites conventions d'établissement qui, en vertu de la Constitution, s'imposent de plein droit au pouvoir réglementaire à partir du moment où elles ont été ratifiées et publiées ; que la circonstance que le décret attaqué ne fixe pas les conditions permettant de déterminer la nationalité des sociétés commerciales pour l'application de ses dispositions ne saurait être non plus regardée comme constituant une violation desdites conventions de d'établissement ;
Sur le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'erreur de droit et violerait le principe de la liberté du commerce et de l'industrie :
Considérant, que, ainsi qu'il a été dit, le Gouvernement, chargé de la gestion du domaine public maritime, peut réglementer les modalités d'autorisation d'exploitation des cultures marines sur ce domaine et, par conséquent, tant dans l'intérêt de la conservation et de l'affectation du domaine que dans l'intérêt général, fixer les conditions auxquelles il entend subordonner la délivrance des autorisations dont s'agit ; qu'ainsi, le Gouvernement a pu, sans méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et sans commettre d'erreur de droit, subordonner, par l'article 5 du décret attaqué, l'octroi d'une autorisation à une personne morale de droit privé à ce que la majorité de son capital social soit détenue par des personnes physiques remplissant les conditions exigées pour pouvoir elles-mêmes être titulaires d'une autorisation et à ce qu'un nombre minimal de dirigeants soient obligatoirement des personnes remplissant les mêmes conditions ; que cette exigence n'est pas contraire aux principes qui régissent la personnalité morale ; que, de même, le Gouvernement à pu régulièrement, par une autre disposition du même article 5, réserver exclusivement à certaines personnes morales limitativement énumérées la poursuite d'actions d'intérêt collectif pour le développement des cultures marines ; que le moyen susanlysé doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de ce que certaines dispositions du décret attaqué auraient un caractère rétroactif et porteraient atteinte aux droits acquis de certains titulaires d'autorisation :

Considérant que, si certaines des dispositions du décret attaqué s'appliquent dès son entrée en vigueur aux autorisations délivrées en application des décrets des 21 décembre 1915 et 18 mars 1919, lesdites dispositions ne sauraient être regardées comme comportant de ce fait un effet rétroactif ni comme portant atteinte aux droits acquis par les intéressés dès lors que les titulaires de ces autorisations ne se trouvent pas dans une situation contractuelle vis-à-vis de l'Etat mais disposent seulement d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime et ne sauraient de ce fait prétendre au maintien de la réglementation qui leur était antérieurement applicable ;
Sur le moyen tiré de ce que le décret attaqué comporterait des subdélégations illégales :
Considérant que si l'alinéa 2 de l'article 2 du décret du 9 janvier 1852 prévoit qu'un règlement d'administration publique détermine les formes suivant lesquelles les autorisations sont accordées, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le Gouvernement, en vertu du pouvoir qu'il détient pour la gestion du domaine public maritime, désigne les autorités compétentes pour prendre les mesures d'exécution du décret attaqué ; que, les conditions de délivrance des autorisations d'exploitation de cultures marines étant fixées avec une précision suffisante par le décret attaqué, le Gouvernement a pu légalement confier à un ou plusieurs ministres le soin d'arrêter la liste des titres de formation professionnelle exigés des demandeurs d'autorisation, de fixer le nombre minimal des dirigeants de personnes morales de droit privé devant posséder une qualification professionnelle pour que ces personnes morales puissent bénéficier d'une autorisation, de prendre les dispositions relatives à la modification, à la suspension et au retrait des autorisations, de fixer la forme des demandes de substitution d'un tiers au titulaire de l'autorisation et de définir dans cette limite les mesures nécessaires à l'application du décret attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué comporterait des subdélégations illégales ne saurait être retenu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... et la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE ne sont pas fondés à soutenir que le décret du 22 mars 1983 fixant le régime des autorisations des exploitations de cultures marines doit être annulé pour excès de pouvoir ;
Article 1er : Les requêtes de M. Yves-Marie X... et de la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE S.A.T.M.A.R sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Yves-Marie X..., à la SOCIETE ATLANTIQUE DE MARICULTURE S.A.T.M.A.R , au ministre de l'économie, des finances et du budget et au ministre de l'urbanisme, du logement et des transports secrétariat d'Etat à la mer .


Synthèse
Formation : 10/ 3 ssr
Numéro d'arrêt : 50792
Date de la décision : 27/04/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE - BIENS FAISANT PARTIE DU DOMAINE PUBLIC - Domaine public maritime - Autorisation d'occupation - Conditions - Etablissements de pêche.

47 PECHE MARITIME - Autorisation d'exploitation de cultures marines - Cession - Conditions [Décret du 22 mars 1983].


Références :

. Décret du 21 décembre 1915
. Décret du 18 mars 1919
. Décret 83-228 du 22 mars 1983 décision attaquée confirmation
Code du domaine de l'Etat L28
Constitution du 10 avril 1958 art. 22 et art. 34
Décret du 09 janvier 1852 art. 2 al. 2
Traité de Rome du 25 mars 1957


Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 1987, n° 50792
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Terquem
Rapporteur public ?: Van Ruymbeke

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:50792.19870427
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