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11/05/1987 | FRANCE | N°60462

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 11 mai 1987, 60462


Vu la requête enregistrée le 4 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU, dont le siège est ... à Maison-Alfort 94700 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 mai 1984 en tant qu'il la condamne solidairement avec l'entreprise Coignet à verser à la ville de Champigny-sur-Marne Val-de-Marne la somme de 290 924,28 F en réparation des désordres affectant les bâtiments du collège Elsa Triolet ;
2° rejette la demande de la

ville tendant à ce qu'elle soit condamnée à réparer lesdits dommages,...

Vu la requête enregistrée le 4 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU, dont le siège est ... à Maison-Alfort 94700 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 mai 1984 en tant qu'il la condamne solidairement avec l'entreprise Coignet à verser à la ville de Champigny-sur-Marne Val-de-Marne la somme de 290 924,28 F en réparation des désordres affectant les bâtiments du collège Elsa Triolet ;
2° rejette la demande de la ville tendant à ce qu'elle soit condamnée à réparer lesdits dommages, la condamne aux dépens y compris les frais d'expertise et les intérêts moratoires, subsidiairement condamne l'entreprise Coignet à la garantir de toutes les condamnations dont elle ferait l'objet,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Barbeau, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la S.C.A. GENUYS ET LEKEU, de Me Odent, avocat de la S.A. Coignet en règlement judiciaire et son syndic Me X... et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la commune de Champigny-sur-Marne,
- les conclusions de M. Schrameck, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en indiquant dans les motifs de son jugement que la commune de Champigny-sur-Marne était "valablement représentée par son maire ... suivant délibération du conseil municipal en date du 17 décembre 1970", le tribunal administratif s'est prononcé sur la fin de non recevoir invoquée par la requérante et tirée de l'absence de délibération du conseil municipal habilitant le maire de cette commune à introduire l'instance ; que la SOCIETE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis d'y statuer ;
Au fond :
Considérant d'une part que l'autorité qui s'attache à la décision rendue par le Conseil d'Etat le 1er mars 1985 sur le recours de la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU, aux termes de laquelle le délai de la garantie décennale n'était pas expiré à la date de l'introduction de la demande la commune de Champigny-sur-Marne, s'oppose à ce que ladite société invoque à nouveau, dans le même litige entre les mêmes parties, le moyen tiré de l'expiration de ce délai ;
Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, que les désordres affectant l'étanchéïté des bâtiments du collège de Champigny-sur-Marne sont dûs pour l'essentiel à une incompatibilité entre les matériaux des panneaux isolants et le complexe d'étanchéïté utilisé pour la couverture du bâtiment externat, et, pour les deux autres bâtiments, à une mauvaise exécution des travaux ; qu'ils sont ainsi principalement imputables à la société Coignet, qui avait conçu le procédé litigieux et l'avait proposé aux services du ministère de l'éducation nationale, et qui l'avait mis en oeuvre ; que, toutefois, le contrat d'architectes passé entre l'Etat, agissant pour le compte de la commune de Champigny-sur-Marne, et la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU confiait à celle-ci la mise au point du projet et l'adaptation du procédé de construction aux bâtiments à construire ainsi que la rédaction des documents contractuels et la surveillance des travaux ; que, dans ces conditions, les dommages litigieux sont partiellement imputables à ladite société d'architectes ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a retenu sa responsabilité solidairement avec celle de la société Coignet ;

Mais considérant, en ce qui concerne le bâtiment d'externat, que le choix du procédé de construction qui s'est révélé défectueux est également imputable aux services du ministère de l'éducation nationale, qui ont agréé ce procédé et l'ont imposé aux architectes ; que, dans ces conditions, la société civile requérante, et, par voie d'appel provoqué, la société Coignet sont fondées à soutenir qu'une part du préjudice correspondant au bâtiment d'externat doit être supportée par la ville de Champigny-sur-Marne pour le compte de laquelle agissaient lesdits services ; que dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation en fixant cette part à 15 % ; que la charge définitive de l'indemnisation des 85 % restant doit être répartie à raison de 70 % pour l'entrepreneur et 15 % pour les architectes ;
Considérant, en ce qui concerne les deux autres bâtiments, qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation des responsabilités encourues en répartissant la charge définitive de l'indemnité à raison de 80 % pour l'entrepreneur et de 20 % pour l'architecte ;
Considérant enfin que si la requérante soutient que le tribunal administratif aurait dû affecter l'évaluation du coût des réparations nécessaires d'un coefficient de vétusté de 50 %, il résulte de l'examen du jugement attaqué que cet abattement a été appliqué dans l'évaluation du tribunal administratif ; qu'ainsi le moyen invoqué manque en fait ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la somme de 290 924,68 F que la société Coignet et la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU à laquelle elles ont été condamnées solidairement par l'article 1er du jugement attaqué doit être ramenée à 256 060,97 F la charge définitive de cette somme étant supportée à raison de 209 497,27 F par la société Coignet et de 46 563,70 F par la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que devant les premiers juges, la commune de Champigny-sur-Marne avait demandé que les sommes qu'elle réclamait portent intérêt à compter du 1er septembre 1981, date de sa demande ; que si les premiers juges ont reconnu le bien fondé de ces conclusions dans les motifs de leur jugement, ils ont omis de prononcer cette condamnation aux intérêts dans le dispositif ; que la commune est dès lors fondée à demander l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué en tant qu'il rejette la demande d'intérêts de la commune et l'octroi des intérêts à compter du 1er septembre 1981 ;
Considérant que la capitalisation de ces intérêts a été demandée le 7 mars 1985 ; qu'à cette date il était dû plus d'une année d'intérêts au cas où la condamnation principale n'aurait pas été exécutée ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, il y a lieu, sous cette réserve, de faire droit à ladite demande ;
Article 1er : La somme de 290 924,68 F que la société Coignet et la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU ont été condamnées solidairement par l'article 1er du jugement attaqué à verser à la ville de Champigny-sur-Marne est ramenée à 256 060,97 F.

Article 2 : La charge définitive de cette somme sera supportée àraison de 209 497,27 F par la société Coignet et de 46 563,70 F par la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU.

Article 3 : Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 3 mai 1984 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'article 3 du jugement attaqué est annulé en tant qu'il rejette la demande d'intérêts de la commune de Champigny-sur-Marne.

Article 5 : La somme déterminée à l'article 1er portera intérêtsau taux légal à compter du 1er septembre 1981. Au cas où elle n'aurait pas été versée le 7 mars 1985, les intérêts échus à cette date seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU et de l'appel provoqué de la société Coignet, ainsi que les conclusions d'appel provoqué de la ville de Champigny-sur-Marne sont rejetés.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE D'ARCHITECTES GENUYS ET LEKEU, à la société anonyme Coignet, àla commune de Champigny-sur-Marne et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 60462
Date de la décision : 11/05/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - ARCHITECTES ET ENTREPRENEURS - REPARATION - RESPONSABILITE SOLIDAIRE - Responsabilité solidaire de l'architecte et de l'entrepreneur - Défaut de conception et d'exécution d'un procédé d'étanchéité.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - ARCHITECTES ET ENTREPRENEURS - REPARATION - PARTAGE DES RESPONSABILITES - Faits de nature à atténuer la responsabilité de l'entrepreneur et de l'architecte - Procédé de construction imposé par le maître de l'ouvrage.


Références :

Code civil 1153


Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 1987, n° 60462
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Barbeau
Rapporteur public ?: Schrameck

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:60462.19870511
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