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27/01/1988 | FRANCE | N°49753

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 27 janvier 1988, 49753


Vu la requête enregistrée le 1er avril 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean X..., demeurant ..., La Chaize Z... à Coex (85220), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 18 novembre 1982 en tant que par ce jugement le tribunal a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti respectivement au titre des années 1973 à 1976 et au titre des années 1973 et 1975 ;
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2) lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu les autres pi...

Vu la requête enregistrée le 1er avril 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean X..., demeurant ..., La Chaize Z... à Coex (85220), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 18 novembre 1982 en tant que par ce jugement le tribunal a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti respectivement au titre des années 1973 à 1976 et au titre des années 1973 et 1975 ;
°2) lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Tabuteau, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête de M. X... :
En ce qui concerne l'imposition au titre des années 1973 et 1974, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, du solde débiteur du compte courant ouvert au nom de M. X... dans les écritures de la société anonyme Jean X... et Cie et sur l'imposition, au titre des années 1973, 1974, 1975 et 1976, des intérêts que ladite société aurait renoncé à percevoir sur ce solde :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "Sont considérés comme revenus distribués : °1 Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; °2 Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices" et qu'aux termes de l'article 111 du même code : "Sont notamment considérés comme revenus distribués : a) sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés, directement ou par personnes ou sociétés interposées, à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes" ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article 111 du code général des impôts, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts ;
Considérant que l'administration a réintégré dans les revenus imposables de M. X..., au titre des années 1973 et 1974, une somme, respectivement, de 331 457 F, égale au montant, à la date du 31 décembre 1973, du solde débiteur du compte courant ouvert au nom de M. X... dans les écritures de la Société Jean X... et Cie, et une somme de 262 312 F, égale à la différence entre le montant de ce solde au 31 décembre 1974, soit 593 769 F, et le montant du même solde au 1er janvier 1974, soit 331 457 F ; que M. X..., s'il soutient que le solde de son compte courant, loin d'être nul au 1er janvier 1973, aurait été, en réalité, débiteur, à cette date, de 269 025 F, n'apporte sur ce point aucun élément d'appréciation propre à mettre en cause les indications chiffrées que l'administration a tirées des écritures de la société ; qu'il ne fait état d'aucun contrat d'où il résulterait qu'il avait prêté les sommes ci-dessus indiquées à la société Jean X... et Cie ; qu'il ne justifie pas que cette dernière aurait inscrit les créances correspondantes à l'actif de son bilan ; qu'ainsi, M. X... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe en vertu des dispositions de l'article 111 du code, que les sommes dont s'agit n'ont pas eu le caractère de revenus distribués ; que le fait que l'administration se soit crue fondée à imposer, en outre, au nom de M. X..., le montant des intérêts que la société Jean X... et Cie aurait renoncé à percevoir sur les sommes inscrites au débit du compte courant de l'intéressé ne suffit pas à démontrer qu'elle aurait regardé ces sommes comme ayant eu pour origine un véritable prêt consenti à M. X... par la société dont il était actionnaire ;

Considérant, en revanche, que, dès lors que lesdites sommes avaient été regardées par elle comme distribuées à M. X..., l'administration ne pouvait estimer que la société Jean X... et Cie avait renoncé à percevoir des intérêts sur les mêmes sommes et soumettre à imposition les intérêts dont s'agit, évalués à 19 301 F en 1973 et à 54 383 F en 1974 ;qu'elle ne pouvait pas davantage imposer M. X... à raison des intérêts, évalués à 62 591 F en 1975 et à 58 114 F en 1976, que la société se serait abstenue de percevoir sur les sommes restées inscrites, pendant ces deux années, au débit du compte courant de M. Y..., à un niveau inférieur à la situation constatée au 31 décembre 1974 ; que celui-ci est, par suite, fondé à demander la décharge de la fraction des suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle qui lui ont été assignés, au titre, respectivement, des années 1973, 1974, 1975 et 1976 et des années 1973 et 1975, du fait de l'incorporation dans ses bases d'imposition de l'ensemble des intérêts dont le montant est indiqué ci-dessus, et à solliciter la réformation en ce sens du jugement attaqué du tribunal administratif de Lille ;
En ce qui concerne l'imposition, au titre de l'année 1975, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, d'une fraction des "primes" perçues par M. X... en sus de son salaire de dirigeant de la Société Jean X... et Cie :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "I- Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... : °1 Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre ... Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu ..." et qu'aux termes de l'article 111 du même code : "Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... d) La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu de l'article 39-1-°1" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les salaires perçus par M. X... se sont élevés à 223 240 F en 1974, à 253 705 F en 1975 et à 264 020 F en 1976 ; qu'en plus de ces sommes, M. X... a reçu des "primes", d'un montant de 65 085 F en 1974, de 305 000 F en 1975 et de 65 820 F en 1976 ; que l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, le redressement litigieux n'ayant pas été accepté par M. X..., relève, d'une part, que les primes payées au requérant en 1974 et en 1976 ont représenté, en moyenne, l'équivalent d'environ trois mois et demi de salaire, d'autre part que le chiffre d'affaires de la société Jean X... et Cie n'a pas augmenté entre 1974 et 1976, enfin que la société a enregistré des pertes à partir de 1974 ; que l'administration soutient que le montant des primes versées à M. X... en 1975 devait être limitée, comme en 1974 et 1976, à l'équivalent d'environ trois mois et demi de salaire, soit 75 000 F et que, le surplus, soit 230 000 F, devait être imposé au nom de M. X..., non dans la catégorie des traitements et salaires, mais dans celle des revenus de capitaux mobiliers ; que, pour contester le bien-fondé de ce redressement, M. X... se réfère aux termes de son contrat de travail établi en 1953, selon lequel il devait recevoir 10 % des bénéfices distribués par la société Jean X... et Cie, et soutient que les primes qui lui ont été payées en 1975 sont des arriérés de sommes dues au titre d'années antérieures ; que la société ayant déclaré des pertes à partir de 1974, M. X... n'est pas fondé à invoquer les stipulations de son contrat de travail pour soutenir que le versement de la somme de 230 000 F y trouverait sa justification ; que la société n'ayant pas constaté dans ses écritures comptables des exercices antérieurs à l'exercice clos en 1975 l'existence de dettes à l'égard de M. X..., celui-ci n'est pas fondé à prétendre que la même somme de 230 000 F aurait la nature de salaires dûs au titre d'années précédant l'année 1975 ; qu'ainsi l'administration établit que le montant des primes versées à M. X... en 1975, qui ont représenté l'équivalent d'environ 14 mois et demi de salaire, était excessif par rapport aux services rendus, que la fraction de ces primes dont la déduction, au titre des dépenses de personnel de la société Jean X... et Cie devait être limitée à l'équivalent d'environ trois mois et demi de salaire, soit 75 000 F, et que, par application des dispositions précitées du d) de l'article 111 du code, le surplus, soit 230 000 F, devait être imposé au nom de M. X... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
En ce qui concerne l'imposition, au titre de l'année 1976, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de recettes de la société Jean X... et Cie qui auraient été appréhendées par M. X... :

Considérant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts, les sommes mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts sont présumées distribuées à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si la société, l'associé, l'actionnaire ou le porteur de parts, ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, postérieure ou antérieure à cette date ;
Considérant que la somme de 675 822,26 F correspondant aux "avoirs fictifs" sur clients qui auraient permis à M. X... de s'approprier des recettes de la société Jean X... et Cie, a été inscrite dans la comptabilité de cette société au cours de l'année 1976 et regardée par l'administration comme un revenu distribué la même année à M. X... ;
Considérant, d'une part, que l'administration démontre que M. X... s'est approprié, en 1976, une somme de 38 069,75 F correspondant à un "avoir fictif" sur un client de la société Jean X... et Cie ; qu'en revanche elle reconnaît ne pouvoir prouver l'encaissement par M. X... d'une somme de 322 945,49 F et se borne à faire état, à ce sujet, de présomptions qu'aucune des pièces versées au dossier, y compris le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 29 mars 1978 qui a condamné M. X... pour abus de biens sociaux, ne vient corroborer ; que, dans ces conditions, M. X... est fondé à demander qu'une somme de 322 945,49 F soit retranchée des bases de l'imposition qui lui a été assignée au titre de l'année 1976 et que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille, qui a refusé de lui accorder la réduction correspondante, soit, dans cette mesure aussi, réformé ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des tableaux produits par l'administration que l'appréhension d'une fraction du reliquat de la somme de 675 822,26 F, égale à 222 135,54 F, qui est imputée à M. X..., a eu lieu au cours des années 1971 et 1972 couvertes par la prescription et que celle du reste de la somme, soit 92 671,58 F, a eu lieu au cours de l'année 1973 ; que, par suite, M. X... est également fondé à soutenir que ces deux sommes n'ont pas été légalement imposées à son nom au titre de l'année 1976, à demander la décharge des suppléments d'impôt correspondants et à solliciter la réformation en ce sens du jugement attaqué du tribunal administratif de Lille ;
Sur les conclusions du recours incident du ministre de l'économie, des finances et du budget :
Considérant, en premier lieu, que l'administration n'établit pas que l'expertise effectuée en 1975 à la demande des deux actionnaires majoritaires de la société Jean X... et Cie en vue de déterminer la valeur d'une propriété appartenant à M. X... l'a été dans le seul intérêt de celui-ci ; que cette expertise ayant été faite aussi bien dans l'intérêt de la société Jean X... et Cie, qui en a supporté les frais, soit 7 222 F, dans la mesure où elle pouvait permettre la constitution d'une garantie en sa faveur, que dans l'intérêt de M. X..., la moitié seulement de la somme de 7 222 F doit être regardée comme ayant constitué un revenu distribué à M. X... ; qu'il y a lieu, dès lors, de remettre à la charge de celui-ci une imposition calculée sur une base limitée à 3 611 F et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'administration apporte, devant le Conseil d'Etat, la preuve que les dépenses, s'élevant à 4 219 F en 1974 et à 11 870 F en 1975, qui ont été exposées par la société Jean X... et Cie pour l'achat de bouteilles de champagne, livrées au domicile de M. X..., l'ont été dans l'intérêt exclusif de ce dernier ; que, par suite, les deux sommes ci-dessus doivent être regardées comme ayant eu le caractère de revenus distribués à M. X... et imposées, à bon droit, à son nom ; que le ministre de l'économie, des finances et du budget est, en conséquence, fondé à demander que M. X... soit rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu au titre des années 1974 et 1975 et au rôle de la majoration exceptionnelle au titre de l'année 1975, à concurrence des deux sommes dont s'agit et que, sur ce point encore, le jugement du tribunal administratif de Lille soit réformé ;

Considérant, enfin, que l'administration démontre, devant le Conseil d'Etat, que les travaux exécutés au domicile de M. X..., au cours des années 1974 à 1976 par trois employés de la société Jean X... et Cie, ont été faits au seul bénéfice de M. X... et que l'évaluation qu'elle a faite du coût de ces travaux, en les estimant à 60 000 F en 1973, à 70 000 F en 1974, à 80 000 F en 1975 et à 70 000 F en 1976, n'est pas exagérée ; que le ministre est, dès lors, fondé à demander que M. X... soit rétabli à raison de l'intégralité de ces sommes aux rôles de l'impôt sur le revenu au titre des quatres années au cours desquelles elles lui ont été distribuées ainsi qu'aux rôles de la majoration exceptionnelle au titre des années 1973 et 1975, et à solliciter la réformation, en ce sens, du jugement attaqué du tribunal administratif de Lille ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les bases d'imposition de M. X..., fixées, après redressement par l'administration à 603 400 F au titre de l'année 1973, à 612 200 F au titre de l'année 1974, à 610 000 F au titre de l'année 1975 et à 1 035 200 F au titre de l'année 1976 et réduites par le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille de respectivement 30 000 F, 41 259 F, 63 092 F et 30 000 F, doivent être fixées à 584 099 F au titre de 1973, 557 817 F au titre de 1974, 543 798 F au titre de 1975 et 339 333,39 F au titre de 1976 ;
Article 1er : Les bases d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu sont fixées à 584 099 F au titre de l'année 1973, à 557 817 F au titre de l'année 1974, à 543 798 F au titre de l'année 1975 et à 339 333,39 F au titre de l'année 1979.
Article 2 : M. X... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle, au titre de l'année 1973, à raison de la différence entre le montant des droits et pénalités déterminés conformément à l'article 1er ci-dessus et le montant des droits et pénalités maintenus à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 novembre 1982.
Article 3 : M. X... est chargé de la différence entre le montant des droits et pénalités maintenus à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 novembre 1982 au titre des années 1974, 1975 et 1976 et le montant des droits et pénalités déterminés conformément à l'article 1er ci-dessus.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 novembre 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et le surplus des conclusions de l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et du budget sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 49753
Date de la décision : 27/01/1988
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 109, 111, 39


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 1988, n° 49753
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Tabuteau
Rapporteur public ?: Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:49753.19880127
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