La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/1988 | FRANCE | N°54461

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 04 mai 1988, 54461


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 29 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
A titre principal :
°1) annule le jugement en date du 17 mai 1983 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a accordé à la société d'exploitations forestières Barillet la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution excetionnelle auxquelles cette société a été assujettie respectivement au titre des années 1973 et 1974 et au titre de l'a

nnée 1974 ;
°2) rétablisse ladite société au rôle de l'impôt sur les soc...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 29 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
A titre principal :
°1) annule le jugement en date du 17 mai 1983 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a accordé à la société d'exploitations forestières Barillet la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution excetionnelle auxquelles cette société a été assujettie respectivement au titre des années 1973 et 1974 et au titre de l'année 1974 ;
°2) rétablisse ladite société au rôle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution exceptionnelle au titre des années susmentionnées à raison de l'intégralité des droits et pénalités laissés à sa charge à la suite de la décision prise sur sa réclamation, soit 285 653 F pour l'impôt sur les sociétés et 47 776 F pour la contribution exceptionnelle ;
A titre subsidiaire :
°1) rétablisse ladite société au rôle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution exceptionnelle au titre des années susmentionnées à raison de la fraction non contestée des droits et pénalités correspondant ;
a) au redressement en base de 12 700 F sur charges non déductibles ;
b) au redressment en base de 51 269 F consécutif à la modification du stock ayant permis le calcul de la provision litigieuse ;
°2) réforme en ce sens le jugement en date du 17 mai 1983 du tribunal administratif d'Orléans ;

Vu les autres pièces du dossier ;
code général des impôts
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Tabuteau, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions du recours du ministre qui tendent au rétablissement de la fraction du supplément d'impôt sur les sociétés et de la fraction du supplément de contribution exceptionnelle qui ont été mises à la charge de la société d'exploitations forestières Barillet en conséquence du rejet par l'administration d'un montant de charges déductibles de 12 700 F :

Considérant qu'il ressort des termes de la demande introductive d'instance de la société d'exploitations forestières Barillet devant le tribunal administratif d'Orléans que ladite société, en ce qui concerne le supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1973, ne prétendait qu'à la décharge d'un montant de droits de 261 240 F sur le total de 267 590 F laissé à sa charge après la décision de dégrèvement partiel prise par le directeur des services fiscaux le 30 janvier 1978 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est fondé à soutenir que le tribunal administratif, en accordant, pa le jugement attaqué, la décharge de l'intégralité du supplément d'impôt sur les sociétés restant dû, a statué au-delà des conclusions dont il a été saisi et à demander, pour ce motif, que la société d'exploitations forestières Barillet soit rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés à concurrence d'un montant de droits de 6 350 F assorti des intérêts de retard correspondants ;
Considérant que les droits et pénalités qui doivent ainsi être remis à la charge de la société découlent du refus par l'administration d'accepter, pour la détermination des résultats de l'exercice clos en 1973, la déduction de charges d'un montant de 12 700 F ; qu'en conséquence du même redressement et de celui, portant sur une somme, de 522 486 F sur le bien-fondé duquel il sera plus loin statué, la société a été assujettie à un supplément de contribution exceptionnelle au titre de l'année 1974, pour un montant fixé, en principal, à 47 523 F après la décision susmentionnée de dégrèvement partiel du 30 janvier 1978 ; que, devant le tribunal administratif, la société d'exploitations forestières Barillet a demandé la décharge totale de ces droits ; que cette demande n'a, toutefois, été appuyée d'aucun moyen concernant la fraction des mêmes droits, s'élevant à 1 143 F, qui correspond au redressement déjà mentionné, et non contesté, de 12 700 F ; que, dans cette mesure, ladite demande n'était pas recevable ; que, par suite, le ministre est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif y a fait intégralement droit et à demander que la société soit rétablie au rôle de la contribution exceptionnelle à concurrence de 1 143 F et des intérêts de retard correspondants ;
Sur les conclusions du recours du ministre qui tendent au rétablissement de la fraction du supplément d'impôt sur les sociétés et de la fraction du supplément de contribution exceptionnelle qui ont été mises à la charge de la société d'exploitations forestières Barillet en conséquence du rejet par l'administration, à concurrence de 522 486 F, de la provision pour fluctuation des cours déduite par la société de ses résultats de l'exercice clos en 1973 :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "°5 ... Un décret fixe les règles d'après lesquelles des provisions pour fluctuation des cours peuvent être retranchées des bénéfices des entreprises dont l'activité consiste essentiellement à transformer directement des matières premières acquises sur les marchés internationaux ou des matières premières acquises sur le territoire national et dont les prix sont étroitement liés aux variations des cours internationaux" ; que le décret prévu par ces dispositions est codifié aux articles 3 à 10 septies de l'annexe III au code général des impôts ; qu'aux termes de l'article 4 de cette annexe : "Les matières susceptibles de donner lieu à la constitution des provisions visées à l'article 3 sont : ... b) ... grumes et sciages bruts ..." ; que, selon l'article 5 de la même annexe" : "La provision pour fluctuation des cours est déterminée d'après les quantités des matières énumérées à l'article 4 qui existent normalement dans l'entreprise à l'état de matières premières ou de produits demi-finis ou finis" ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 6 : "Pour celles des entreprises ... qui n'entraient pas déjà dans le champ d'application des provisions pour fluctuation des cours à la clôture du dernier exercice arrêté avant le 29 décembre 1959, le stock de base est forfaitairement exprimé, pour l'ensemble des matières premières donnant droit à provision, par la moyenne des quantités de matières inventoriées à la clôture des exercices 1956 à 1959. Le montant total de la provision pour fluctuation des cours susceptible d'être constituée par ces mêmes entreprises est limité, à la clôture de chaque exercice, à la différence entre, d'une part, le chiffre obtenu en multipliant les quantités constituant le stock de base par la valeur unitaire d'inventaire de chacune de ces matières à la clôture dudit exercice et, d'autre part, le produit obtenu en appliquant à la valeur de ce même stock de base, calculée au prix de revient unitaire à la date du 30 juin 1959, le rapport existant entre le cours moyen du dollar pendant les six derniers mois de l'exercice considéré et son cours à la date susvisée" ; que, par dérogation à l'article 6, le premier alinéa de l'article 10 dispose que, "si, pour une catégorie quelconque des matières faisant partie du stock de base, la moyenne des quantités existant réellement en stock, à la clôture de trois exercices consécutifs, est inférieure ou supérieure de plus de 20 % aux quantités comprises dans ledit stock de base, ce stock est, dès la clôture du troisième exercice, fixé, pour la matière considérée, à la moyenne ainsi déterminée. Toutefois, cette règle n'est applicable que si les quantités existant en stock à la clôture de chacun des exercices considérés ont été inférieures ou supérieures de plus de 10 % à celles qui étaient comprises dans le stock de base" ;

Considérant que le ministre soutient que la provision pour fluctuation des cours, d'un montant de 2 519 459 F, qui a été comptabilisée, à la clôture de l'exercice 1973, par la société d'exploitations forestières Barillet, qui exerce les activités d'exploitant forestier, d'exploitant de scierie et de fabricant de palettes, excède, à concurrence de 522 486 F, le maximum légalement autorisé par application des dispositions réglementaires susmentionnées ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les conditions d'application de la règle posée par l'article 10 précité de l'annexe III au code général des impôts pour la détermination du stock de base de chaque matière première ouvrant légalement droit à provision étaient, à la clôture de l'exercice 1973, remplies, non seulement, comme le fait valoir le ministre, en ce qui concerne les grumes de chênes, les grumes de peupliers et les grumes diverses, mais aussi, comme le fait valoir la société, en ce qui concerne les grumes de pins, d'une part, et les billons de pins, d'autre part ; que contrairement à ce que soutient le ministre, les grumes de pins et les billons de pins ne pouvant, eu égard à leurs caractéristiques propres et notamment aux usages auxquels ils sont respectivement destinés, être regardés comme constituant une même catégorie de matières premières ouvrant légalement droit à provision, doivent donner lieu au calcul de deux provisions distinctes et, par voie de conséquence, à la détermination, pour ce calcul, de deux stocks de base distincts ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, la société d'exploitations forestières Barillet a pu, à bon droit, ainsi qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration, inclure dans ses stocks les arbres sur pied dont elle était propriétaire et qui étaient destinés à être abattus au cours de la campagne suivante ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions susrappelées de l'article 6 de l'annexe III au code général des impôts que, pour le calcul des provisions pour fluctuations des cours, la valeur des stocks doit être calculé en appliquant au "stock de base" de chaque matière première la valeur unitaire d'inventaire de celle-ci ; que la note de la direction générale des impôts du 21 mars 1961, publiée au bulletin officiel des contributions directes et du cadastre, ne prévoit aucun autre mode de calcul de la valeur des stocks ; qu'ainsi la société d'exploitations forestières Barillet ne peut utilement se prévaloir de ladite note sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, pour établir qu'elle était en droit d'appliquer à l'ensemble du "stock de base" et, par conséquent, au bois en stock qui n'avait pas encore été abattu, débardé ou transporté la valeur unitaire de la matière première "rendue scierie" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société d'exploitations forestières Barillet devait, pour calculer le montant de la provision pour fluctuations des cours qu'elle était en droit de constituer à la clôture de l'exercice 1973, d'une part, distinguer comme des catégories distinctes de matières premières les grumes de pins et les billons de pins et, d'autre part, fixer la valeur du "stock de base" de chaque matière première en distinguant les états successifs de ladite matière première : "sur pied", "abattu", "débardé", "transporté" et en appliquant la valeur unitaire d'inventaire correspondant à chaque état ; que, toutefois, l'état du dossier ne permettant pas au Conseil d'Etat d'évaluer, sur la base des principes ainsi rappelés, le montant de la provision que la société d'exploitations forestières Barillet était en droit de constituer, il y a lieu d'ordonner, à la charge du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget un supplément d'instruction contradictoire aux fins de produire, au vu des documents dont dispose la société d'exploitations forestières Barillet tous éléments nécessaires à cette évaluation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 mai 1983 est annulé en tant qu'il a accordé à la société d'exploitations forestières Barillet décharge d'une fraction supérieure à 261 240 F, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel cette société avait été assujettie au titre de l'année 1973 et des intérêts de retard correspondants.
Article 2 : La société d'exploitations forestières Barillet est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1973, à concurrence d'un montant de droits de 6 350 F et des intérêtsde retard correspondants et au rôle de la contribution exceptionnelleau titre de l'année 1974, à concurrence d'un montant de droits de 1 143 F et des intérêts de retard correspondants.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 mai 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et du budget, il sera procédé, par les soins du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation chargé du budget, contradictoirement avec la société d'exploitations forestières Barillet, à un supplément d'instruction aux fins de calculer le montant de la provision pour fluctuations des cours que la société d'exploitations forestières Barillet était en droit de constituer à la clôture de l'exercice 1973, d'une part, en distinguant comme des catégories distinctes de matières premières les grumes de pins, les billons de pins, les grumes de chênes, les grumes de peupliers et lesgrumes diverses et, d'autre part, en fixant la valeur du "stock de base" de chaque matière première en distinguant les états sucessifs de ladite matière première : bois "sur pied", "abattu", "débardé" et "transporté" et en appliquant la valeur unitaire d'inventaire correspondant à chaque état.
Article 5 : Il est accordé au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget un délai de quatre mois à dater de la notification de la présente décision pour faire parvenir au secrétarait de la section ducontentieux du Conseil d'Etat les renseignements définis à l'article 4 ci-dessus.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget et à la société d'exploitations forestières Barillet.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 54461
Date de la décision : 04/05/1988
Sens de l'arrêt : Réformation supplément d'instruction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS -Principes - Dépréciation des éléments d'actif - Matières premières - Provision pour fluctuation des cours - Billons de pins.

19-04-02-01-04-04 Selon l'article 4 de l'annexe III au CGI, les matières susceptibles de donner lieu à la constitution des provisions pour fluctuation des cours sont "b) ... les grumes et sciages bruts". Les grumes de pins et les billons de pins peuvent faire l'objet d'une telle provision, mais, eu égard à leurs caractéristiques propres et notamment aux usages auxquels ils sont respectivement destinés, ils ne peuvent être regardés comme constituant une même catégorie de matières premières ouvrant légalement droit à provision. Ils doivent donner lieu au calcul de deux provisions distinctes et, par voie de conséquence, à la détermination, pour ce calcul, de deux stocks de base distincts (la question du caractère limitatif de l'énumération figurant à l'article 4 b de l'annexe III au CGI est réservée).


Références :

CGI 39 1 5°, 209, 1649 quinquies E, L80 A CGIAN3 3, 4, 5, 6 al. 1 et al. 2, 10
Note du 21 mars 1961 DGI


Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 1988, n° 54461
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ducamin
Rapporteur ?: M. Tabuteau
Rapporteur public ?: M. Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:54461.19880504
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award