Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er juillet 1985 et 4 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. ARNAUD FRERES, dont le siège social est ..., représenté par son président directeur général en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule un jugement du 30 avril 1985 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision du 8 octobre 1984 par laquelle l'inspecteur du travail de Lons-le-Saunier a refusé l'autorisation de licencier M. X..., délégué syndical ;
°2) annule cette décision du 8 octobre 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lemaitre-Monod, avocat de la S.A. ARNAUD FRERES et de la SCP Masse-Dessen, Georges, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-18 du code du travail, "le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu" ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que pour demander le licenciement de M. X..., la S.A. ARNAUD FRERES s'est fondée sur le fait, constaté par ses contrôles des 24 juillet et 28 août 1984, que M. X... ne respectait pas, volontairement, le rendement minimum imposé dans l'entreprise ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la question du rendement et de l'aménagement du temps de travail faisait partie depuis plusieurs années des préoccupations soulevées au om du personnel de l'entreprise et qu'ainsi, l'initiative de M. X..., même isolée, n'était pas sans lien avec son activité représentative ; que, d'autre part, dans ce contexte et dans les circonstances où ils ont été commis, les faits d'insubordination reprochés à M. X... ne présentaient pas un caractère de gravité suffisante pour justifier le licenciement d'un salarié protégé ; que la S.A. ARNAUD FRERES n'est, par suite, fondée à soutenir ni que la décision de l'inspecteur du travail de Lons-le-Saunier refusant d'autoriser le licenciement de M. X..., qui est suffisament motivée, est entachée d'excès de pouvoir, ni que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui a répondu à tous les moyens soulevés devant lui, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la S.A. ARNAUD FRERES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la S.A. ARNAUD FRERES, à M. X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.