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12/10/1988 | FRANCE | N°73828

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 12 octobre 1988, 73828


Vu 1°) sous le n° 73 828 le recours du SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE L'URBANISME, DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS, CHARGE DE LA MER enregistré le 3 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 15 octobre 1985, par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par la Société Fisser et Doormun du fait du blocage du port de Caen-Ouistreham par les marins-pêcheurs en août 1980 et a désigné un expert aux fins de déterminer le montant du

préjudice subi ;
2°) rejette la demande présentée par la Société Fi...

Vu 1°) sous le n° 73 828 le recours du SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DE L'URBANISME, DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS, CHARGE DE LA MER enregistré le 3 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 15 octobre 1985, par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par la Société Fisser et Doormun du fait du blocage du port de Caen-Ouistreham par les marins-pêcheurs en août 1980 et a désigné un expert aux fins de déterminer le montant du préjudice subi ;
2°) rejette la demande présentée par la Société Fisser et Doormun devant le tribunal administratif de Caen ;

Vu 2°) sous le n° 74 046 le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE LA DECENTRALISATION, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 décembre 1985 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 15 octobre 1985, par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par la Société Fisser et Doormun du fait du blocage du port de Caen-Ouistreham par les marins-pêcheurs en août 1980 et a désigné un expert aux fins de déterminer le montant du préjudice subi ;
2°) rejette la demande présentée par la Société Fisser et Doormun devant le tribunal administratif de Caen ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Groshens, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de la Société Fisser et Doormun, et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la commune de Ouistreham,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les recours du SECRETAIRE D'ETAT A LA MER et du MINISTRE DE L'INTERIEUR présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Considérant, d'une part, que l'impossibilité pour un navire de commerce d'entrer dans un port français normalement ouvert au trafic ou d'en sortir en raison de barrages établis par des tiers pour appuyer des revendications professionnelles ne saurait être regardée comme un aléa normal du commerce maritime ;
Considérant, d'autre part, qu'eu égard à l'ampleur des manifestations déclenchées par les marins pêcheurs dans la plupart des ports français en août 1980, qui ont affecté les mouvements des navires utilisant ces ports et l'activité de très nombreuses entreprises dont le fonctionnement est lié directement ou indirectement à l'activité portuaire, le préjudice résulant de l'abstention, de la part des autorités de l'Etat chargées de la police de ces ports, de recourir à la force pour disperser les barrages ne peut être regardé comme imposant de ce fait aux armateurs une charge suffisamment grave et spéciale pour engager envers eux, en dehors de toute faute, la responsabilité de l'Etat, que si leurs cargaisons ont été empêchées de sortir du port ou d'y entrer pendant une certaine durée ; que, dans les circonstances où s'est produit le blocage du port de Caen-Ouistreham entre le 13 et le 27 août 1980, le MINISTRE DE L'INTERIEUR et le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER sont fondés à soutenir que le tribunal administratif de Caen a fait une appréciation insuffisante de cette durée en la fixant à vingt-quatre heures ; qu'il sera fait une correcte appréciation de ces circonstances en fixant à neuf jours la période au-delà de laquelle la responsabilité de l'Etat est engagée ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que le navire Lech qui devait sortir du port le 13 août 1980 à 22 h 30, n'a pu en sortir que le 24 août à 12 h ; qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par son armateur n'est indemnisable sur la base de l'atteinte à l'égalité devant les charges publiques que pour la période postérieure au 22 août à 22 heures 30 ; qu'il suit de là que, si le SECRETAIRE D'ETAT A LA MER et le MINISTRE DE L'INTERIEUR ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif par la Société Fisser et Doormun, ils sont en revanche fondés à demander la réformation dudit jugement dans le sens susindiqué ;
Article 1er : L'obligation mise à la charge de l'Etat de réparer le préjudice subi par la Société Fisser et Doormun est limitée à la période du 22 août 1980 à 22 heures 30 au 24 août à 12 heures.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Caen en date du 15 octobre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société Fisser et Doormun, à la ville de Ouistreham, au ministre délégué auprès du ministre des transports et de la mer, chargé de la mer, et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 73828
Date de la décision : 12/10/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PORTS - POLICE DES PORTS - LIBRE ACCES AU PORT - Blocage d'un port - Abstention des autorités de police - Navire bloqué pendant au moins neuf jours - Responsabilité sans faute de l'Etat engagée.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR L'EGALITE DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES - RESPONSABILITE DU FAIT D'AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS NON FAUTIFS - Blocage d'un port - Abstention des autorités de police - Navire bloqué pendant au moins neuf jours.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - ABSTENTION DES FORCES DE POLICE - Blocage d'un port - Navire bloqué pendant au moins neuf jours - Responsabilité sans faute de l'Etat engagée.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE SPECIAL ET ANORMAL DU PREJUDICE - PREJUDICE PRESENTANT CE CARACTERE - Blocage d'un port - Navire bloqué pendant au moins neuf jours - Responsabilité sans faute de l'Etat engagée.


Références :

Cf. décision du même jour : Cie nationale algérienne de navigation, 73711 ;

affaires semblables du même jour : Société d'armement fluvial et maritime, 73913 ;

Bolten et Miller's Nachfolger, 73914


Publications
Proposition de citation : CE, 12 oct. 1988, n° 73828
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Groshens
Rapporteur public ?: Faugère

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:73828.19881012
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