Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société "ANDRE X... ET FILS", société anonyme ayant son siège ..., représentée par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Rouen du 13 juillet 1984 en tant que, par ledit jugement, ledit tribunal a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle auxquelles elle a été assujettie respectivement au titre des années 1971 à 1974 et au titre de l'année 1974 ;
2° lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lambron, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Martin-Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice est établi sous déduction de toutes charges celles-ci comprenant ... notamment : 1° les frais généraux de toute nature et les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre ... Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu ..." ;
Considérant que la société anonyme "ANDRE X... ET FILS", qui exploite à Pont-Audemer une entreprise de fabrication de produits en béton, a été assujettie à des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle, respectivement au titre des années 1971 à 1974 et au titre de l'année 1974, à raison de la réintégration dans ses bénéfices imposables des exercices 1971 à 1974 d'une partie des rémunérations allouées à son président-directeur général et à son directeur général adjoint, que l'administration a estimées excessives ;
Considérant qu'il ressort de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie du désaccord entre la société requérante et l'administration fiscale, que la société "ANDRE X... ET FILS", qui était représentée et assistée d'un conseil à la séance de la commission, a été en mesure de connaître et de critiquer les éléments de comparaison retenus par le vérificateur pour fonder le redressement ; que, par suite, en admettant que ces éléments fussent impropres à justifier l'appréciation faite par la commission, cette circonstance est sans influence sur la validité de l'avis émis par celle-ci, que l'administration a suivi et qui est opposable à la société requérante ; qu'il suit de là que, comme le fat valoir le ministre chargé du budget dans sa défense au pourvoi, il appartient à la requérante d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve des faits qui permettraient de reconnaître aux rémunérations versées un caractère déductible ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la rémunération de M. Jacques X..., président-directeur général, lequel détenait 1005 des 1280 actions composant le capital de la société, était composée d'une part fixe et d'une part proportionnelle au résultat d'exploitation avant amortissement et provisions pour congés payés ; qu'elle s'est élevée, au cours des années 1971 à 1974, respectivement à 299 790 F, 365 940 F, 388 640 F et 435 050 F ; que M. Jacques X... exerçait au cours des mêmes années, conjointement avec les fonctions de président-directeur général de la société "ANDRE X... ET FILS", celles de président-directeur général de la société "Sotubéma", entreprise de fabrication de produits en béton, dont il percevait des rémunérations substantielles ; qu'eu égard à la circonstance que l'intéressé ne se consacrait pas de manière exclusive à la société "ANDRE X... ET FILS" et qu'il était assisté d'un directeur général adjoint, la société requérante, en se bornant à affirmer, sans apporter d'éléments précis au soutien de ses allégations, que M. X... lui a rendu d'importants services et qu'une augmentation sensible de son chiffre d'affaires et de ses résultats est due à l'action de l'intéressé, n'apporte pas la preuve que l'administration aurait fait une appréciation insuffisante du travail accompli et des services rendus par l'intéressé en limitant à un montant annuel de 150 000 F, 180 000 F, 200 000 F et 220 000 F, pour le calcul du bénéfice imposable, les salaires auxquels M. X... pouvait prétendre ;
Considérant, d'autre part, que la rémunération de M. Y..., directeur général adjoint, était composée d'une part fixe et d'une part proportionnelle au résultat d'exploitation avant amortissement et provisions pour congés payés ; qu'elle s'est élevée, au cours des années 1973 et 1974, à respectivement 209 535 F et 288 360 F ; que la société requérante justifie qu'au cours des deux années dont s'agit l'activité de M. Y... a fortement contribué, du fait de sa compétence et de ses diligences, à l'accroissement du chiffre d'affaires et des bénéfices de l'entreprise ; qu'eu égard à la part ainsi prise dans l'expansion de l'affaire par M. Y..., lequel a ultérieurement accédé à la présidence de la société requérante, celle-ci établit que les salaires versés à l'intéressé n'avaient pas un caractère excessif eu égard à l'importance des services rendus ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant que celle-ci portait sur le montant des rémunérations versées à M. Y..., soit les redressements, en bases, de 29 535 F pour l'année 1973 et 88 360 F pour l'année 1974 ;
Article 1er : Les bases de l'imposition de la société "ANDRE X... ET FILS" à l'impôt sur les sociétés et à la contributionexceptionnelle sont diminuées de 29 535 F en 1973 et de 88 360 F en 1974.
Article 2 : La société "ANDRE X... ET FILS" est déchargée de la différence entre le montant des impositions à l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle auxquelles elle a été assujettie respectivement au titre des années 1973 et 1974 et au titre de l'année 1974 et le montant qui résulte des bases définies à l'article premier ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 13 juillet 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société "ANDRE X... ET FILS" est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société "ANDRE X... ET FILS" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.