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01/02/1989 | FRANCE | N°60807

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 01 février 1989, 60807


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 juillet 1984 et 12 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Claude X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 15 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre de chacune des années 1976 à 1979, ainsi que des pénalités ajoutées à ces impositions,
2°) accorde à M.

X... la décharge des droits et pénalités contestés,
3°) ordonne, au besoin...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 juillet 1984 et 12 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Claude X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 15 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre de chacune des années 1976 à 1979, ainsi que des pénalités ajoutées à ces impositions,
2°) accorde à M. X... la décharge des droits et pénalités contestés,
3°) ordonne, au besoin, qu'il soit procédé à une expertise,
4°) condamne l'Etat à verser à M. X... des intérêts moratoires ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par décision du 20 avril 1983, postérieure à l'introduction de la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse, le directeur des services fiscaux du Tarn a prononcé, à concurrence de, respectivement, 32 F, 3 421 F, 5 119 F et 3 097 F, le dégrèvement d'une fraction des pénalités ajoutées aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre de chacune des années 1976, 1977, 1978 et 1979 ; que, dans cette mesure, la demande présentée par M. X... était devenue sans objet, avant l'intervention du jugement du 15 mai 1984, par lequel ledit tribunal a statué sur cette demande ; qu'en rejetant celle-ci le tribunal administratif s'est mépris sur l'étendue du litige dont il restait saisi ; qu'il appartient, dès lors, au Conseil d'Etat d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions sur lesquelles il a été statué à tort par le tribunal administratif et de constater que celles-ci sont devenues sans objet postérieurement à l'introduction de la demande de première instance ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X... exploitait à Castres, à titre individuel, une entreprise de vente, d'achat, de réparation et de fabrication d'appareils de jeu et disposait d'un établissement secondaire à Port-Leucate ; qu'il est constant que la vérification de la comptabilité de cette entreprise a été précédée, en temps utile, d'un avis adressé au siège de l'entreprise, à Castres ; que la circonstance que ledit avis n'ait pas précisé que les investigations du vérificteur porteraient non seulement sur les opérations réalisées au lieu du principal établissement mais également sur celles qui ont été réalisées dans l'établissement secondaire n'est pas de nature à vicier les opérations de vérification ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les impositions contestées procèdent d'une évaluation d'office pour défaut de déclaration et non d'une rectification d'office des bénéfices industriels et commerciaux déclarés par Mme X... ; que, dès lors, M. X... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1977, reprises au second alinéa de l'article 58 du code général des impôts en vigueur à la date de la notification de redressements, et qui réservent à un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal la décision de recourir à la procédure de rectification d'office ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que Mme X..., qui s'était placée sous le régime du forfait et dont les bénéfices ont été primitivement imposés suivant ce régime, a déclaré, au titre des années 1975, 1976, 1977, 1978 et 1979, des recettes s'élevant, respectivement, à 139 100 F, 191 020 F, 249 350 F, 340 560 F et 427 322 F ; que, lors de la vérification de sa comptabilité, il est apparu qu'elle avait à tort retranché du montant de ses recettes brutes le montant des commissions, d'un pourcentage variable compris entre 30 et 50 % de la recette totale, qui étaient reversées par elle aux dépositaires des appareils de jeu ; que l'administration établit ainsi que, dès l'année 1975, les recettes de l'entreprise avaient excédé la limite de 150 000 F au-delà de laquelle, en vertu des dispositions du 1 de l'article 302 ter du code général des impôts, les contribuables exerçant une activité de prestation de services de la nature de celle que Mme X... exerce ne peuvent plus être imposés suivant le régime du forfait ; qu'il s'ensuit que, à compter de l'année 1976, deuxième année de dépassement de la limite susindiquée, l'intéressée devait être imposée d'après le régime du bénéfice réel et que, faute pour elle d'avoir souscrit les déclarations qui sont exigées des contribuables qui relèvent de ce régime, il y avait lieu d'évaluer d'office ses bénéfices imposables ;
Sur les bases d'imposition :

Considérant qu'il incombe à M. X..., dont les bénéfices industriels et commerciaux ont été régulièrement imposés à l'impôt sur le revenu par voie d'évaluation d'office, de démontrer devant le juge de l'impôt l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme X... ne tenait pas de livre-journal retraçant l'ensemble des opérations de l'entreprise et que des lacunes affectaient l'enregistrement des recettes ; qu'en outre elle n'établissait ni inventaire, ni bilan ; que, par suite, compte tenu des graves lacunes de la comptabilité, Mme X... ne peut se prévaloir de celle-ci pour apporter la preuve qui lui incombe ;
Considérant, en second lieu, que l'administration a pu, dans les circonstances de l'espèce, reconstituer les bénéfices imposables en regardant comme des recettes de l'entreprise les versements d'espèces effectués sur les divers comptes bancaires, à usage notamment professionnel, de M. et Mme X... et dont ceux-ci n'ont pu justifier qu'ils avaient une autre origine ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X... ne peut valablement faire état, pour critiquer l'évaluation retenue par le vérificateur, d'emprunts qui auraient été contractés auprès d'établissements bancaires et de certains encaissements par chèques, dès lors que cette évaluation, comme il a été dit ci-dessus, ne repose que sur la prise en compte de versements effectués en espèces sur des comptes bancaires ; que, si M. X... soutient avoir, au début de la période vérifiée, disposé de liquidités en espèces, pour un montant de l'ordre de 100 000 F, et reçu, durant cette période, des prêts en espèces de particuliers pour un montant de 255 000 F, il n'apporte, à l'appui de ces allégations, aucune justification ;

Considérant qu'il suit de là que M. X... n'apporte pas la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ; qu'en l'absence de tout élément sur lequel pourrait utilement porter une mesure d'instruction, il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sollicitée ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'à concurrence de la fraction des droits en principal qui procède du rehaussement des bénéfices de Mme X..., l'administration a maintenu à la charge de M. X..., au taux de 50 %, la majoration alors prévue à l'article 1729 du code général des impôts, dans le cas où la bonne foi du redevable ne peut être admise ;
Considérant que l'existence, dont se prévaut l'administration, de minorations notables et répétées des recettes déclarées par Mme X..., ne suffit pas, en l'espèce, à établir la mauvaise foi de l'intéressée ; qu'il y a lieu, par suite, de substituer aux majorations appliquées, et dans la limite du montant de ces majorations, les intérêts de retard prévus à l'article 1728 du même code ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Toulouse ne lui a pas accordé la réduction ci-dessus définie des pénalités maintenues à sa charge ;
Sur les conclusions relatives au paiement d'intérêts moratoires :

Considérant que les intérêts dus au contribuable, en vertu de l'article L.208 du livre des procédures fiscales, lorsque l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal, sont, en application du second alinéa de l'article R.208-1 du même livre, "payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts" ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et les requérants en ce qui concerne lesdits intérêts ; que, dès lors, les conclusions susmentionnées ne sont pas recevables ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 mai 1984 est annulé en tant que, par ledit jugement, le tribunal a statué sur les conclusions de la demande de M. X... devenues sans objet à concurrence de pénalités s'élevant à 32 F au titre de l'année 1976, à 3 421 F au titre de l'année 1977, à 5 119 F au titre de l'année 1978 et à 3 097 F au titre de l'année 1979.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse à concurrence des pénalités mentionnées à l'article ci-dessus.
Article 3 : Il est accordé à M. X... décharge de la différence entre le montant de la fraction maintenue à sa charge des majorations appliquées aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979 et le montant des intérêts de retard qui doivent être substitués auxdites majorations, dans la limite du montant de celles-ci.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse, en date du 15 mai 1984, est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 ci-dessus.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 60807
Date de la décision : 01/02/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L208
. CGI Livre des procédures fiscales R208-1
CGI 58 al. 2, 302 ter, 1728, 1729
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3


Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 1989, n° 60807
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fabre
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:60807.19890201
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