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06/03/1989 | FRANCE | N°58335

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 06 mars 1989, 58335


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 avril 1984 et 5 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 31 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Dijon n'a fait que partiellement droit à sa demande en réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979 ;
2°) lui accorde la totalité des réductions demandées ;
Vu les autres pi

ces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 avril 1984 et 5 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 31 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Dijon n'a fait que partiellement droit à sa demande en réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979 ;
2°) lui accorde la totalité des réductions demandées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Dominique Laurent, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de M. Michel Y...,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Y..., qui exploite deux magasins de vêtements et vend également de tels articles sur les marchés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1976, 1977, 1978 et 1979 ; que l'administration a estimé que cette comptabilité n'était pas probante et a assigné à M. Y..., par voie de rectification d'office des revenus déclarés, des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de ces quatre années ; que M. Y... demande la réduction de ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article 58 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Les bénéfices déclarés par les contribuables peuvent être rectifiés par l'administration, sans recourir à la procédure de redressement unifiée prévue à l'article 1649 quinquies A, lorsque des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées sont constatées dans la comptabilisation des opérations effectuées par ces contribuables. Il en est de même en cas de non présentation de la comptabilité ou des documents en tenant lieu ou lorsque l'absence de pièces justificatives prive cette comptabilité ou ces documents de toute valeur probante" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de M. Y... comportait, pendant les années d'imposition, un enregistrement global des recettes de chaque magasin en fin de journée, sans distinction d'ailleurs des recettes foraines ; qu'aucune pièce justificative de ces recettes, telles que des bandes de caisses enregistreuses, n'a pu être présentée au vérificateur ; que de ce seul fait, la comptabilité était dépourvue de valeur probante et la procédure de rectification doffice légalement applicable ; que M. Y... ne peut, pour faire obstacle à l'application de cette procédure, invoquer utilement, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, le contenu d'une réponse ministérielle à M. X..., Sénateur, en date du 21 octobre 1982, dès lors que les indications contenues dans celle-ci, touchant à la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme une interprétation de la loi fiscale au sens desdites dispositions ; qu'ainsi il appartient à M. Y... d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

Considérant que, pour reconstituer les recettes de M. Y..., l'administration a appliqué aux achats, diminués d'un abattement de 1 % pour tenir compte des vols, deux taux de bénéfice brut des ventes déterminés à partir de relevés de prix portant sur 200 articles offerts à la vente ; qu'elle a fixé ces taux à 1,31 pour les articles vendus à prix réduits et comptant pour 26 % dans le chiffre d'affaires de l'entreprise, et à 1,88 pour les autres articles ;
Considérant, en premier lieu, que, pour contester ces taux, M. Y... soutient qu'ils ont été déterminés à partir d'un échantillon de prix trop limité, qui ne serait pas représentatif de la variété des marchandises vendues et qu'il aurait été relevé, en 1980, alors que les conditions antérieures d'exploitation de l'entreprise étaient très différentes ; que, toutefois, M. Y... n'oppose à la méthode suivie par l'administration que des données résultant d'un échantillon plus réduit que celui qu'elle a utilisé et relevé après l'année 1980 et n'établit pas que la méthode qu'il propose pour tenir compte des périodes de soldes conduiraient à des évaluations de recettes inférieures à celles qui ont été faites par le service ; qu'ainsi il n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des coefficients retenus par celui-ci ;
Considérant, en second lieu, que, pour soutenir que les vols doivent être estimés à 2 % des achats et non à 1 %, M. Y... se borne à faire état, de manière générale, des risques inhérents à son exploitation en raison de l'exposition de certaines marchandises sur la voie publique et à se prévaloir des taux habituellement retenus pour les "grandes surfaces", sans apporter de précisions de nature à justifier l'adoption, en l'espèce, de tels taux ; qu'en revanche, M. Y... soutient, à juste titre, que la déduction de la somme de 65 895 F correspondant à la valeur des vêtements contenus dans une camionnette qui lui a été dérobée en 1977, ne devait pas avoir pour effet d'exclure l'application, pour la même année, de l'abattement général de 1 % mentionné ci-dessus ; qu'il y a lieu, dès lors, de ramener le montant des recettes retenues pour 1977 à la somme de 3 675 420 F ;
Sur la provision pour dépréciation des stocks :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-I du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... : 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables ..." ; que, d'après l'article 38-3 du même code : "Les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient" ; que l'article 38 decies de l'annexe III au code dispose que : "Si le cours du jour à la date de l'inventaire des marchandises ... en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût réel défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation" ; qu'en 1977, M. Y... a constitué une provision de 40 000 F pour dépréciation de son stock en appliquant de manière uniforme un abattement de 50 % sur le prix de revient de certaines marchandises ; qu'une telle méthode d'appréciation de la valeur des stocks n'est fondée sur aucun critère précis tenant, notamment, à la nature des biens figurant dans les stocks et à leur ancienneté dans ceux-ci ; qu'ainsi la provision dont il s'agit n'a pas été justifiée ; que son montant a donc été à bon droit réintégré par l'administration dans le bénéfice imposable au titre de l'année 1977 ;
Sur les intérêts des emprunts :
Considérant que pour demander la déduction d'intérêts d'emprunt M. Y... n'apporte pas la preuve que ces emprunts ont été contractés dans l'intérêt de son entreprise ;
Sur la demande d'expertise :

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'expertise, M. Y... ne propose l'examen d'aucun document susceptible d'établir l'exagération de l'imposition contestée ; que cette demande doit donc être écartée ;
Article 1er : Le montant des recettes retenu dans l'assiette de l'impôt sur le revenu assigné à M. Y... au titre de l'année 1977, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, est ramené à 3 675 420 F.
Article 2 : M. Y... est déchargé de la différence entre les droits et pénalités qui lui ont été assignés au titre de l'année 1977et ceux qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 31 janvier 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Michel Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 58335
Date de la décision : 06/03/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L80 A
. CGIAN3 38 decies
CGI 58, 1649 quinquies E, 39, 38-3


Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 1989, n° 58335
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Laurent
Rapporteur public ?: Mme de Saint-Pulgent

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:58335.19890306
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