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14/06/1989 | FRANCE | N°58648

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 14 juin 1989, 58648


Vu 1°) sous le n° 58 648, la requête, enregistrée le 20 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. André Y..., demeurant ... les Bains (70300), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 11998 du 29 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1980 par avis de mise en recouvrement en date du 17 septembre 1981,
2°) lui accorde la décharg

e des impositions contestée ou, subsidiairement, ordonne une expertise,
3°)...

Vu 1°) sous le n° 58 648, la requête, enregistrée le 20 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. André Y..., demeurant ... les Bains (70300), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 11998 du 29 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1980 par avis de mise en recouvrement en date du 17 septembre 1981,
2°) lui accorde la décharge des impositions contestée ou, subsidiairement, ordonne une expertise,
3°) lui accorde le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel,

Vu 2°) sous le n° 58 649, la requête enregistrée le 20 avril 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. André Y..., demeurant ..., 70300 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 11997 du 29 février 1984 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 à la suite de la rectification d'office des bénéfices qu'il a réalisés au cours de ces années, à raison d'achats et de vente de viande non comptabilisés,
2°) lui accorde la réduction des impositions contestées,
3°) lui accorde le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel,

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité du commerce de boucherie-charcuterie qu'il exploite à Luxeuil (Haute-Saône), M. Y... a été assujetti, d'une part, à des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1980, d'autre part, à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 ; que les requêtes enregistrées sous les n°s 58 648 et 58 649, par lesquelles il fait appel des deux jugements du tribunal administratif de Besançon qui ont rejeté ses demandes en décharge desdites impositions, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies suiant la procédure de redressement contradictoire ; que les notifications de redressements qui ont été adressées à M. Y... les 23 décembre 1980 et 24 janvier 1981 ont été signées par un agent du grade d'inspecteur des impôts ; qu'il appartenait en conséquence à l'administration, si elle entendait se prévaloir de ce qu'elle aurait été en droit, à raison du défaut de caractère probant de la comptabilité, de rectifier d'office le chiffre d'affaires et les résultats de l'entreprise du requérant au titre de chacune des années vérifiées, d'adresser à M. Y... une nouvelle notification de redressement signée par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal ; que l'administration, qui a omis de procéder à cette formalité prescrite par l'article 3 de la loi du 29 décembre 1977 et qui n'a pas consulté la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, alors même que le contribuable ne l'avait pas demandé, ne peut, dès lors, pour se décharger du fardeau de la preuve, se prévaloir devant le juge de l'impôt, de ce qu'elle aurait été en droit de rectifier d'office le chiffre d'affaires et les résultats de l'entreprise du requérant ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Quant au principe des reconstitutions de recettes opérées par l'administration :

Considérant qu'il est constant qu'au cours de la période soumise à vérification, M. Y... se bornait à porter globalement en fin de journée dans sa comptabilité le montant de ses recettes ; que cette méthode, en l'absence d'un relevé détaillé des opérations qui aurait pu être constitué par des fiches de caisse ou des bandes de caisse enregistreuse, ne permettait pas de contrôler le montant exact des ventes ; que les dispositions du 3° de l'article 286 du code général des impôts, qui prévoient que les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à un certain montant pour les ventes au détail, n'exonèrent pas le contribuable de l'obligation de produire des justifications de nature à établir la consistances des recettes portées en comptabilité ; que M. Y... n'a pas produit de telles justifications ; qu'en outre, ainsi qu'il sera dit plus loin, le vérificateur a constaté des omissions de recettes dans les comptes des exercices clos en 1977, 1978, 1979 et 1980 ; que, par suite, c'est à juste titre que le service a estimé que, pour ces exercices, la comptabilité de M. Y... était dépourvue de valeur probante ; que le fait qu'il n'ait pas porté le même jugement sur la comptabilité de l'exercice clos en 1976 ne peut être utilement invoqué par M. Y... pour soutenir que celle des quatre exercices suivants était régulièrement tenue ; qu'il ne peut davantage se prévaloir de réponses ministérielles à des membres du Parlement et, en particulier, de la réponse du 22 juin 1972 à une question écrite de M. X..., député, qui, ayant trait à la procédure d'imposition applicable à certains commerçants, ne contenaient aucune interprétation de la loi fiscale, au sens de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le service a pu, à bon droit, procéder à une reconstitution des recettes de l'entreprise de M.
Y...
au titre des années 1977 à 1980 ;
Quant aux modalités des reconstitutions :
Considérant que le vérificateur a constaté qu'au cours des années 1977 à 1980, le poids des déchets de viande vendus par M. Y... excédait notablement celui qui aurait dû résulter des quantités de viande achetées et en a déduit que des achats de viande revendus n'avaient pas été comptabilisés ; que les quantités correspondantes ont été déterminées par application des rapports entre viande et déchets retenus pour chaque catégorie d'animaux par les monographies professionnelles, puis d'une réfaction demandée par M. Y... ; que l'administration démontre que cette méthode de reconstitution n'est ni viciée dans son principe, ni excessivement sommaire ;
Considérant que les critiques que lui adresse M. Y... portent, en premier lieu, sur les normes utilisées par le vérificateur pour déterminer les quantités de déchets produits par la préparation des viandes de boeuf, de veau, de mouton et de porc ; qu'il se borne, toutefois, sur ce point, à des allégations de caractère général, sans portée utile ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il soutient que, pour déterminer les quantités de déchets produits par la viande de porc, le vérificateur aurait dû appliquer un coefficient, non de 1 %, mais de 9,3 % ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, que M. Y... avait lui-même admis antérieurement l'usage du coefficient de 1 %, d'autre part, que le vérificateur a accepté, à sa demande, d'appliquer aux morceaux servant à la préparation de jambons une réfaction supplémentaire de 20 % ; qu'en outre, le ministre démontre, sans être contredit, que le coefficient de 9,30 % ne vaudrait que pour les bouchers-charcutiers qui abattent des animaux pour leur propre compte, ce qui n'est pas le cas de M. Y... et que, de toute manière, l'application de ce coefficient aux données, regardées comme normales, de l'année 1976, serait, après extension aux années suivantes, défavorable à M. Y... ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour contester la valeur des achats de viande non comptabilisés, que le vérificateur a déduits des déchets vendus, M. Y... fait valoir que ceux-ci ne sont pas pesés par l'entreprise qui les ramasse, leur poids étant seulement évalué par celle-ci de manière approximative ; que cette critique est inopérante, dès lors que le vérificateur n'a fondé ses calculs que sur les quantités de déchets comptabilisées par M. Y... ; que si ce dernier invoque aussi le fait qu'une partie des déchets vendus provenait, non de viande achetée, mais d'abats qu'il se procurait gratuitement auprès de ses fournisseurs et qu'il utilisait à diverses préparations de charcuterie, il ne fait état, à ce sujet, d'aucun élément chiffré ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. Y... ne peut utilement se prévaloir d'une disproportion entre les chiffres d'affaires reconstitués pour les années vérifiées et ceux des années antérieures et postérieures ;
Considérant, enfin, qu'il ne saurait prétendre que le calcul fait par le vérificateur des recettes tirées des ventes de viande non comptabilisées serait "anormal et fantaisiste", alors qu'elles ont été déterminées par application d'un prix moyen tiré des données de la comptabilité ; qu'en revanche, M. Y... observe, avec juste raison, que ce prix moyen a été défini en faisant masse des ventes d'articles de boucherie et des ventes d'articles de charcuterie, alors que, compte tenu, notamment, de la réglementation des prix applicable à l'époque, les premières étaient nettement moins rémunératrices que les secondes ; que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat d'apprécier dans quelle mesure l'application d'un prix global au lieu de celle des prix différenciés est de nature à influer sur les bases d'imposition assignées à M. Y... ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins de permettre de déterminer les prix de vente à appliquer aux ventes de viande non comptabilisées, eu égard, d'une part, à la réglementation des prix en vigueur à l'époque, d'autre part, à la double activité de boucher et de charcutier de M. Y... ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans l'attente des résultats de cette mesure d'instruction, d'ordonner, par application de l'article 54 modifié du décret du 30 juillet 1963, qu'il soit sursis, dans la mesure sollicitée par M. Y..., à l'exécution de l'avis de mise en recouvrement contesté, dès lors qu'il n'est pas établi que cette exécution serait susceptible d'avoir des conséquences difficilement réparables ;
Article 1er : Les conclusions de M. Y... qui tendent ausursis à exécution de l'avis de mise en recouvrement du 17 septembre 1981, en tant qu'il porte sur les pénalités dont les suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de lapériode du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1980 ont été assortis, sont rejetées.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les autres conclusions de M. Y..., procédé par les soins du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, à un supplément d'instruction aux fins de déterminer, contradictoirement avec M. Y..., le prix de vente à appliquer aux quantités de viande non comptabilisées au cours des années 1977 à 1980, eu égard, d'une part, à la réglementation des prix en vigueur à l'époque, d'autre part, à la double activité de boucher et de charcutier de M. Y....
Article 3 : Il est accordé au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget un délai de quatre mois pour faire parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les renseignements mentionnés à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 58648
Date de la décision : 14/06/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

. CGI 286 3°, 1649 quinquies E
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Décret 63-766 du 30 juillet 1963 art. 54
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3


Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 1989, n° 58648
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Dulong
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:58648.19890614
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