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16/06/1989 | FRANCE | N°72342;72346

France | France, Conseil d'État, 10/ 9 ssr, 16 juin 1989, 72342 et 72346


Vu, 1° sous le n° 72 342, la requête sommaire enregistrée le 17 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X..., demeurant H.L.M. la Soude, bâtiment B 14 à Marseille (13009), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 28 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 30 mars 1984 par laquelle le Garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au remboursement des traitements retenus du 17 novembre 1977 au 3

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Vu, 1° sous le n° 72 342, la requête sommaire enregistrée le 17 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X..., demeurant H.L.M. la Soude, bâtiment B 14 à Marseille (13009), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 28 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 30 mars 1984 par laquelle le Garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au remboursement des traitements retenus du 17 novembre 1977 au 30 novembre 1983 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 400 000 F représentant le montant des traitements retenus ;
- annule la décision du 30 mars 1984,
Vu, 2° sous le n° 72 346, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 septembre 1985 et 10 février 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Pierre X..., et tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 28 juin 1985 susanalysé,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959, notamment son article 32 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1953 modifié par le décret n° 81-29 du 16 janvier 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lecat, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n os 72 342 et 72 346 présentées par M. X... portent sur la réparation du préjudice qu'auraient causé à M. X... les mêmes actes administratifs ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision ;
Sur la requête n° 72 342 :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963, modifié par le décret du 16 janvier 1981 : "Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à l'expiration de ce délai, même si le mémoire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement" ;
Considérant que si, par une requête sommaire en date du 17 septembre 1985, M. X... a exprimé l'intention de produire un mémoire complémentaire, ledit mémoire n'a pas été déposé dans le délai de quatre mois imparti pour cette production par les dispositions précitées ; que la circonstance que M. X... ait fait conaître, le 10 février 1986, qu'il entendait "renoncer au bénéfice du mémoire ampliatif annoncé" ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions ; qu'ainsi M. X... doit être réputé s'être désisté de sa requête n° 72 342 ; qu'il y a lieu, dès lors, de donner acte de son désistement ;
Sur la requête n° 72 346 et le recours incident du Garde des sceaux, ministre de la justice :
En ce qui concerne la portée des conclusions présentées par M. X... en première instance :

Considérant que M. X... a demandé au tribunal administratif, après avoir adressé au ministre une demande de "reconstitution de carrière", que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 400 000 F correspondant au montant des traitements dont il avait été privé par l'effet d'une part, de l'arrêté de suspension de ses fonctions du 21 novembre 1977 et d'autre part, de l'arrêté de révocation sans suspension de ses droits à pension du 20 août 1980 annulé par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 1983 devenu définitif ; qu'il a ainsi présenté une demande fondée à la fois sur la violation de l'article 32 de l'ordonnance du 4 février 1959 et sur l'illégalité de la sanction qui l'avait exclu du service ; que le ministre n'est dès lors pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi en condamnant l'Etat à verser à M. X... une indemnité correspondant aux deux-tiers des traitements dont il a été privé pendant son exclusion du service ;
En ce qui concerne la période de suspension :
Considérant qu'aux termes de l'article 32 de l'ordonnance du 4 février 1959 : "en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire ... Lorsque l'intéressé n'a subi aucune sanction ou n'a été l'objet que d'un avertissement, d'un blâme ou d'une radiation du tableau d'avancement ... il a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement ..." ;

Considérant que M. X... a été suspendu de ses fonctions par l'arrêté précité du 21 novembre 1977 en conservant le bénéfice d'un demi-traitement et qu'il a été mis fin à cette suspension par l'arrêté ministériel du 20 août 1980 ; qu'après l'annulation par des jugements du tribunal administratif de Marseille des 18 avril 1983 et 12 avril 1985 devenus définitifs, de l'arrêté du 20 août 1980 le révoquant sans suspension de ses droits à pension et de l'arrêté du 14 novembre 1983 prononçant son déplacement d'office à la maison d'arrêt d'Avignon, M. X... n'a fait l'objet, pour les faits qui avaient motivé sa suspension, que d'un blâme infligé par une décision du 21 novembre 1985 ; qu'il est, par suite, en droit de prétendre, par application de l'article 32 susrappelé et bien qu'il n'ait pas contesté la légalité de l'arrêté de suspension, au remboursement de la moitié de son traitement dont il a été privé pendant sa suspension du 21 novembre 1977 au 20 août 1980 ; que, dès lors, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif lui a refusé tout remboursement, en l'absence de service fait, au titre de cette période ; qu'il y a lieu de réformer sur ce point le jugement attaqué ;
En ce qui concerne la période d'exclusion du service :
Considérant que si M. X... ne saurait, en l'absence de service fait, prétendre au versement de son traitement pour la période comprise entre l'arrêté ministériel du 20 août 1980 le révoquant et le 14 novembre 1983, date à laquelle le ministre l'a réintégré dans ses fonctions à la suite de l'annulation de la mesure de révocation, il est cependant fondé à demander à l'Etat la réparation du préjudice qu'il a réellement subi du fait de la sanction disciplinaire prise à son encontre et qui est entachée d'illégalité ; que, dans la limite des conclusions régulièrement présentées par lui, il convient, pour fixer l'indemnité à laquelle le requérant a droit, de tenir compte, notamment, de l'importance respective de l'irrégularité entachant l'arrêté annulé et des fautes relevées à la charge de M. X..., telles qu'elles résultent de l'instruction ; que les premiers juges ont procédé à une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à verser à M. X..., au titre de cette période, une somme correspondant aux deux-tiers des traitements dont il a été privé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que M. X... a droit, dans la limite des 400 000 F réclamées par lui, à une indemnité correspondant à la moitié de son traitement afférent à la période du 21 novembre 1977 au 20 août 1980 et, sous déduction des revenus qu'il se serait procuré pendant la période du 20 août 1980 au 14 novembre 1983, aux deux-tiers du traitement afférent à cette période et d'autre part, que le recours incident du ministre de la justice tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande de M. X... ne peut être accueilli ; qu'il y a lieu, en l'absence de pièces au dossier permettant de calculer le montant de cette somme, de confirmer la disposition du jugement attaqué renvoyant M. X... devant le ministre de la justice pour la liquidation de la somme qui lui est due ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme qui lui est due à compter de la réception par le ministre de sa demande du 13 décembre 1983 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 février 1986 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. X... enregistrée sous le n° 72 342.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X..., dans la limite de 400 000 F, une somme égale au montant de la moitié de son traitement du 21 novembre 1977 au 20 août 1980 et sous la réserve susindiquée, aux deux-tiers de son traitement du 20 août 1980 au 14 novembre 1983. Cette somme portera intérêts à compter de la date de la réception par le Garde des sceaux, ministre de la justice de la demande de M. X... en date du 13 décembre 1983. Les intérêts échusle 10 février 1986 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 juin 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 72 346 et le recours incident du ministre de la justice sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au Garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 10/ 9 ssr
Numéro d'arrêt : 72342;72346
Date de la décision : 16/06/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - SUSPENSION - Intéressé ayant fait l'objet d'un blâme - Droit au remboursement de de la moitié de son traitement dont il a été privé pendant la suspension (art - 32 de l'ordonnance du 4 février 1959).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - EFFETS DES ANNULATIONS - Annulation d'une révocation - Droit d'un agent public illégalement évincé - Réparation du préjudice - Somme correspondant aux 2/3 des traitements dont il a été privé du fait d'une révocation illégale.

PROCEDURE - INCIDENTS - DESISTEMENT - DESISTEMENT D'OFFICE (ARTICLE 53-3 DU DECRET DU 30 JUILLET 1963 MODIFIE).


Références :

. Décret 81-29 du 16 janvier 1981
Code civil 1154
Décret 63-766 du 30 juillet 1963 art. 53-3 al. 2
Ordonnance 59-244 du 04 février 1959 art. 32


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 1989, n° 72342;72346
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Lecat
Rapporteur public ?: Frydman

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:72342.19890616
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