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28/06/1989 | FRANCE | N°74437

France | France, Conseil d'État, 6 /10 ssr, 28 juin 1989, 74437


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 décembre 1985 et 28 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME FOUGEROLLE, dont le siège social est ..., agissant par ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 30 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Deux-Sèvres à lui verser une indemnité de 40 089 811 F relative au montant du

préjudice subi et au coût supplémentaire des prestations qu'elle a fou...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 décembre 1985 et 28 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME FOUGEROLLE, dont le siège social est ..., agissant par ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 30 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Deux-Sèvres à lui verser une indemnité de 40 089 811 F relative au montant du préjudice subi et au coût supplémentaire des prestations qu'elle a fournies dans le cadre de la construction d'un barrage au Puy-Terrier, d'une station de pompage et d'une usine de production d'énergie électrique sur le territoire de la commune de Saint-Loup-Lamaire ;
2°) condamne le département des Deux-Sèvres à lui verser la somme de 40 089 811 F avec intérêts et intérêts des intérêts à compter du 30 septembre 1982 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des requêtes,
- les observations de SCP Peignot, Garreau, avocat de la société FOUGEROLLE et de Me Choucroy, avocat du département des Deux-Sèvres,
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un marché en date du 15 avril 1980, le département des Deux-Sèvres a confié à l'entreprise FOUGEROLLE les travaux de génie civil en vue de la construction du barrage du Puy-Terrier ; que l'entreprise a refusé le décompte général qui lui a été notifié le 18 août 1982 et demande que lui soit accordée une indemnité de 43 089 811 F H.T. ; que le dossier permet de statuer, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, sur le bien-fondé de cette demande ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur l'insuffisance du dossier d'appel d'offres en ce qui concerne la nature du terrain :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, les documents remis aux entrepreneurs dans le dossier d'appel d'offres comportaient une étude hydrologique ainsi que deux études de synthèse, l'une géologique, l'autre géotechnique ; que, contrairement à ce qui est allégué, la première renvoyait explicitement à un document établi par la société SOGEO, consignant les résultats des reconnaissances effectuées à partir de 1975 sur le site retenu pour l'implantation de l'ouvrage, document tenu à la disposition de l'entrepreneur dans les locaux du département ; que ces études avaient été approuvées par le "comité technique permanent des barrages" ; que, d'autre part, l'articl 3 du cahier des clauses administratives particulières prévoyait que compte tenu du délai accordé aux soumissionnaires pour obtenir des renseignements complémentaires, aucune réclamation fondée sur la difficulté des travaux et le manque de clarté des documents contractuels ne pourrait être présentée ; qu'en outre, l'article 11-3-1 du cahier des clauses techniques particulières précisait que l'entrepreneur était réputé avoir examiné le site, les sondages, les échantillons et les résultats des essais de laboratoire mis à sa disposition ; qu'enfin, l'article 6 du règlement particulier d'appel d'offres faisait obligation aux candidats de visiter les lieux ; qu'ainsi, même si l'étude géologique faisait état, avec d'ailleurs de nombreuses réserves, d'un granit de bonne qualité, une visite des lieux effectuée en application des dispositions contractuelles aurait permis à l'entreprise de constater que ce granit comportait des altérations ; que d'ailleurs, l'existence d'une tranchée importante réalisée pour un essai et laissée ouverte facilitait ce contrôle ; qu'ainsi, la société FOUGEROLLE n'est pas fondée à soutenir que les documents fournis lors de l'appel d'offres étaient incomplets et ne lui ont pas permis d'apprécier la nature exacte du terrain, et que les difficultés, liées à la nature du terrain, auxquelles elle s'est heurtée, n'étaient pas normalement prévisibles lors de la passation du marché ; que, par suite, sa demande d'indemnité fondée sur les conséquences des aléas géologiques rencontrés ne peut qu'être rejetée ;
Sur la violation des obligations contractuelles et l'aggravation des conditions du marché :
En ce qui concerne la définition tardive des aires de mise en dépôt :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la société FOUGEROLLE se plaint du délai, prétendu excessif, mis par le maître d'oeuvre à définir les aires de mise en dépôt des matériaux, elle ne fait état d'aucun coût supplémentaire entraîné pour elle par ce délai ; qu'elle n'établit nullement que le retard de trois mois imputable à ce titre, selon elle, au maître de l'ouvrage et au maître d'oeuvre soit à l'origine du retard de même durée avec lequel elle a elle-même terminé les travaux dont elle était chargée ;
En ce qui concerne la mise en eau anticipée :
Considérant que s'il n'est pas contesté que le maître de l'ouvrage a demandé que la mise en eau du barrage intervienne le 1er décembre 1981, date antérieure à celle prévue pour l'achèvement de l'ouvrage, il ressort des pièces du dossier que cette mise en eau ne constituait qu'une étape destinée à permettre le contrôle de l'ouvrage préalable à l'achèvement du chantier ; que la mise en eau est intervenue progressivement et en tout état de cause n'était pas terminée le 22 janvier 1982, soit après l'expiration du délai contractuel de fin des travaux ; qu'en conséquence, aucune indemnité n'est due par le département des Deux-Sèvres au titre des obligations non prévues au contrat ;
En ce qui concerne la recherche et le traitement du terrain de fondation :
Considérant que le dossier des clauses techniques particulières prévoyait avec précision les conditions dans lesquelles les excavations devaient être réalisées ; que, selon l'article 11-3-1, les fouilles devaient être faites conformément à un programme général établi par l'entrepreneur et approuvé par le maître d'oeuvre, et que des programmes partiels devaient être fixés en cours d'exécution selon la même procédure ; que l'article 11-3-7 restreignait l'emploi des explosifs, notamment en fond de fouilles, et stipulait que "la mise au profil définitif est faite par des procédés manuels : marteaux-piqueurs, barres à mine ou leviers" ; que, s'agissant enfin des fouilles de la digue principale, l'article 11-6-2 prévoyait que "la profondeur théorique des fouilles sera fixée par le maître d'oeuvre, soit sur plan, soit sur place au vu du fond de fouilles nettoyé" ; qu'il suit de là que le maître d'oeuvre a pu, sans méconnaître les dispositions contractuelles, décider que le terrain de fondation de la digue principale ferait l'objet de fouilles réalisées selon une méthode dite d'approximations successives et nettoyées par des procédés manuels ; que l'entreprise, qui était en mesure de prévoir les dépenses de personnel et de matériel qu'elle était susceptible d'engager à ce titre, n'est pas fondée à demander une indemnité pour de tels travaux au motif qu'ils n'auraient pas été compris dans le marché ;
En ce qui concerne la durée de la période d'essai :

Considérant que l'entreprise se plaint de ce que la période d'essai ait été anormalement allongée notamment du fait de la méthode imposée pour la réalisation des travaux d'injection destinés à assurer l'étanchéité de la cuvette du barrage ; mais qu'il résulte de l'article 13-4-3-1 du cahier des clauses techniques particulières qu'elle aurait pu demander à appliquer une autre méthode ; que si, au départ, le maître d' euvre a demandé la mise en euvre de la méthode prévue au cahier des clauses techniques particulières, il résulte de l'instruction que celle qui a été retenue correspondait au choix fait par le sous-traitant chargé d'exécuter ces travaux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les autres causes de l'allongement de la période d'essai tiennent aux erreurs commises par l'entreprise elle-même ; que le maître de l'ouvrage ne saurait être condamné à aucune indemnité de ce chef ;
Sur les modifications du marché, les travaux non prévus et supplémentaires :
En ce qui concerne la fourniture de plans supplémentaires et l'augmentation du coût des études :
Considérant que l'article 33 du cahier des clauses administratives particulières prévoyait que l'entreprise avait à sa charge la réalisation d'un nombre de plans d'exécution "utiles", c'est-à-dire réellement utilisés sur le chantier, compte non tenu des plans d'études éventuellement nécessaires, de l'ordre de 110 ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle a fourni 135 plans correspondant à cette définition et que d'autres plans, nécessités par des travaux supplémentaires, lui ont été payés ; qu'en raison, d'une part, du caractère indicatif du nombre de 110 fixé par les stipulations contractuelles et, d'autre part, du fait que l'entreprise n'établit pas que les plans exécutés par elle en surplus, ainsi que les études qu'ils ont impliquées, étaient indispensables, elle n'est pas fondée à demander une indemnité à ce titre ;
En ce qui concerne le bouleversement des quantités :

Considérant que l'article 30 du cahier des clauses administratives générales prévoit que si les dimensions et les caractéristiques des ouvrages sont supérieures à celles prévues par le marché, les métrés restent fondés sur les dimensions et caractéristiques prescrites et que l'entrepreneur n'a droit à aucune augmentation ; que l'article 14 du cahier des clauses administratives particulières stipule que les quantités afférentes aux divers prix unitaires pourront différer de celles portées au détail estimatif du marché sans que l'entrepreneur puisse présenter une demande d'indemnité basée sur le préjudice résultant des modifications survenues dans les prévisions du projet ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les modifications ont été demandées non par le maître d'oeuvre ou le maître d'ouvrage, mais par l'entreprise elle-même ; qu'en tout état de cause, la masse globale des travaux n'a pas excédé la limite de 18 % fixée par l'article 15-3 du cahier des clauses administratives générales ; que, dans ces conditions, l'entreprise ne saurait prétendre à aucune indemnité du chef du bouleversement des quantités ;
Sur les prix du marché :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les métrés et attachements ont été examinés contradictoirement avec l'entreprise et signés par ses représentants ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des stipulations de l'article 14-4 du cahier des clauses administratives générales, l'entrepreneur est réputé avoir accepté les prix provisoires si, dans le délai d'un mois suivant l'ordre de service qui lui a notifié ces prix, il n'a pas présenté d'observations au maître d'oeuvre en indiquant "avec toutes justifications utiles, les prix qu'il propose" ; que si l'entreprise FOUGEROLLE a formulé des réserves ou a effectivement refusé d'agréer certains prix nouveaux, il ne ressort pas du dossier qu'elle ait, dans le délai qui lui était imparti, proposé d'autres prix et produit toutes justifications ; que, faute d'avoir respecté la procédure prévue par les stipulations ci-dessus rappelées, elle est réputée avoir accepté les prix provisoires qui lui étaient présentés ;
Sur les pénalités de retard :

Considérant que le maître de l'ouvrage n'ayant demandé aucune modification du programme de travaux et n'étant pas intervenu au cours de leur réalisation pour aggraver les contraintes d'exécution, l'entreprise FOUGEROLLE n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû obtenir un allongement du délai d'exécution fixé à 21 mois par le marché ; qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux menés par la société FOUGEROLLE se sont poursuivis sur le chantier jusqu'au 30 avril 1982, soit pendant 24 mois ; que, par suite, c'est à bon droit qu'en vertu des stipulations contractuelles, des pénalités de retard lui ont été appliquées pour cette période ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société FOUGEROLLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'indemnisation par le département des Deux-Sèvres ;
Article 1er : La requête de la Société FOUGEROLLE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société FOUGEROLLE, au Président du Conseil Général des Deux-Sèvres, au Bureau d'Etudes Coyne et Bellier et au ministre de l'agriculture et de la forêt.


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