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03/07/1989 | FRANCE | N°69788

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 03 juillet 1989, 69788


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 juin 1985 et 22 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme un jugement en date du 25 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre des années 1977 à 1980 dans les rôles de la commune de Nogent-sur-Marne,
2° lui accorde la décharge des im

positions contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code génér...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 juin 1985 et 22 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme un jugement en date du 25 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre des années 1977 à 1980 dans les rôles de la commune de Nogent-sur-Marne,
2° lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Menestrel, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Odent, avocat de Mlle X...,
- les conclusions de M. Chahid-Nouraï, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient Mlle X..., le tribunal administratif de Paris s'est, par le jugement attaqué, prononcé sur le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas appliqué les dispositions de son instruction du 8 novembre 1974 ; que la requérante ne pouvait utilement invoquer les dispositions du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, dont la date de publication est postérieure à la mise en recouvrement des impositions contestées ; que le tribunal n'était, par suite, pas tenu de répondre sur ce point ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A.5 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 1977 à 1980 : "Quand elle a procédé à une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration doit, même en l'absence de redressement, en porter les résultats à la connaissance du contribuable. Elle ne peut plus procéder à des redressements pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable n'ait fourni à l'administration des éléments incomplets ou inexacts", et qu'aux termes de l'article 168-1 du même code : "En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après ..." ;

Considérant, en premier lieu, que la circulaire ministérielle en date du 8 novembre 1974, invoquée par Mlle X... et prescrivant aux agets de l'administration d'apprécier avec bienveillance et discernement l'opportunité de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 168, notamment vis-à-vis de certaines catégories de contribuables auxquelles elle prétend appartenir, ne constitue qu'une simple recommandation au service dont le contribuable ne peut utilement se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, que l'administration a pu à bon droit, sans méconnaître les dispositions précitées, outre la vérification de comptabilité dont Mlle X... a fait l'objet pour son activité de chirurgien-dentiste, procéder à une vérification de sa situation fiscale d'ensemble pour laquelle, contrairement à ce que soutient la requérante, un avis de vérification, comportant la mention qu'elle pouvait se faire assister d'un conseil, lui a été adressé le 12 mai 1981 ; que si l'intéressée allègue que l'administration n'a pas porté à sa connaissance les résultats de cette dernière vérification, elle doit être regardée comme ayant été informée desdits résultats par la mise en euvre des dispositions de l'article 168 ; que l'article 1649 quinquies A-5 précité du code général des impôts n'a pour effet d'interdire au service de mettre en euvre ces dernières dispositions à l'issue d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les éléments de train de vie retenus :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'un des appartements, dont le contribuable était propriétaire à Nogent-sur-Marne, ait été occupé par sa mère, n'a pas eu pour effet, en l'absence de titre donnant au bénéficiaire un droit à disposer de l'appartement, de priver Mlle X... de la disposition de l'appartement dont s'agit ; que, par suite, la valeur locative dudit appartement a pu, à bon droit, être retenue, dans les conditions prévues à l'article 168 du code général des impôts pour arrêter les bases d'imposition ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 168-1 du code général des impôts : "Pour les éléments dont disposent plusieurs personnes, la base est fixée proportionnellement aux droits de chacune d'entre elles" ; que c'est par une exacte application de ces dispositions qu'a été retenue la base d'imposition de Mlle X... relative à une résidence secondaire sise à Houlbec-Cocherel dont elle est propriétaire indivise à raison d'un quart ; qu'elle n'établit pas, par ailleurs, qu'elle n'aurait pas eu la disposition de cette résidence à concurrence de ses droits ;
En ce qui concerne les valeurs locatives litigieuses :
Considérant qu'après avoir déterminé la valeur locative des appartements situés ... à Nogent-sur-Marne par voie d'appréciation directe à partir des valeurs cadastrales établies lors de la révision des propriétés bâties en 1970, l'administration a confirmé ces évaluations en produisant des comparaisons avec des loyers de locaux similaires ; que, par suite, et en l'absence d'autres éléments de comparaison proposés par la requérante, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que les valeurs locatives des résidences susmentionnées seraient exagérées ;

Considérant, en revanche, en ce qui concerne la résidence d'Houlbec-Cocherel, que l'administration qui avait procédé par voie d'évaluation directe à l'appréciation de la valeur locative à partir de la valeur vénale de cette résidence, a produit plusieurs éléments de comparaison ; que le contribuable en a contesté la pertinence sans être en mesure d'en proposer pour sa part ; qu'ainsi, le recours à la méthode de l'appréciation directe était justifié contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;
Considérant que pour évaluer la valeur locative contesté par voie d'appréciation directe, le service propose de retenir la valeur vénale de l'habitation en 1974, assortie de coefficients de réévaluation forfaitaire annuels de 10 % dont il n'est pas établi qu'ils correspondent à la réalité du marché immobilier de la commune ; que ladite méthode conduit donc, comme le soutient Mlle X..., à une valeur locative exagérée pour les années d'imposition ; qu'il y a lieu de retenir des valeurs locatives, de 1 572 F pour 1976, de 1 653 F pour 1977, de 1 735 F pour 1978, de 1 816 F pour 1979 et de 1 897 F pour 1980 pour la part correspondant aux droits de Mlle X... sur cette résidence et de rejeter le recours incident du ministre chargé du budget tendant au rétablissement de l'intégralité des droits qui avaient été assignés à la requérante pour les années 1977 à 1980 ;
En ce qui concerne l'existence d'une disproportion marquée entre le train de vie de Mlle X... et ses revenus déclarés :
Considérant qu'aux termes de l'article 168-2 bis du code général des impôts : "La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème ... excède d'au moins un tiers pour l'année de l'imposition et l'année précédente le montant du revenu net déclaré" ;

Considérant que Mlle X... soutient que la condition légale d'un écart d'un tiers entre les sommes forfaitaires résultant de l'application du barème et ses revenus déclarés n'est pas remplie ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les sommes forfaitaires résultant de l'application du barème annexé à l'article 168 du code général des impôts s'élèvent respectivement à 53 616 F pour 1976, à 82 804 F pour 1977, à 73 072 F pour 1978, à 73 314 F pour 1979 et à 75 077 F pour 1980, qu'il convient de comparer aux revenus déclarés par la requérante s'élevant respectivement à 27 100 F pour 1976, à 26 600 F pour 1977, à 52 700 F pour 1978, à 56 900 F pour 1979 et à 62 770 F pour 1980 ; que la condition mise à l'imposition forfaitaire d'après les éléments du train de vie par le 2 bis de l'article 168 précité se trouvant ainsi manquer pour les années 1979 et 1980, il y a lieu d'accorder à Mlle X... la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre de ces années, de fixer respectivement à 77 875 F et 66 305 F pour 1977 et 1978 les bases d'imposition assignées à Mlle X... au titre de ces deux années et de décharger l'intéressée de la différence entre l'impôt auquel elle a été assujettie au titre des années 1977 et 1978 et celui résultant des nouvelles bases d'imposition ;
Article 1er : Mlle X... est déchargée des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titredes années 1979 et 1980.
Article 2 : Les bases d'imposition qu'il convient de retenir pour le calcul de l'impôt sur le revenu dont Mlle X... est redevable sont fixées à 77 875 F pour 1977 et 66 305 F pour 1978.
Article 3 : Le recours incident du ministre chargé du budget est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 25 mars 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Y... au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 69788
Date de la décision : 03/07/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 1649 quinquies A par. 5, 168, 1649 quinquies E, 168 par. 2 bis
Circulaire du 08 novembre 1974
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 1989, n° 69788
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Le Menestrel
Rapporteur public ?: Chahid-Nouraï

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:69788.19890703
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