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13/10/1989 | FRANCE | N°75277

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 13 octobre 1989, 75277


Vu le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE enregistré le 29 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement, en date du 18 novembre 1985, en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Nice a annulé ses décisions rejetant les recours hiérarchiques formés par la société "Institut Polyclinique de Cannes" contre les décisions de la commission départementale de l'emploi obligatoire des mutilés de guerre et de la commission départementale des handicapés de

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Vu le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE enregistré le 29 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement, en date du 18 novembre 1985, en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Nice a annulé ses décisions rejetant les recours hiérarchiques formés par la société "Institut Polyclinique de Cannes" contre les décisions de la commission départementale de l'emploi obligatoire des mutilés de guerre et de la commission départementale des handicapés des Alpes-Maritimes assujettissant ladite société au paiement d'une redevance ,
2- rejette la demande présentée par la société "Institut Polyclinique de Cannes" devant le tribunal administratif de Nice ,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schneider, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard avocat de la société anonyme "Institut Polyclinique de Cannes",
- les conclusions de M. Lévis, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Nice :

Considérant que les demandes présentées par la société anonyme "Institut Polyclinique de Cannes" devant le tribunal administratif de Nice les 18 novembre 1983, 6 février 1984 et 15 mai 1985 présentaient à juger des questions semblables ; que, par suite, le tribunal a pu prononcer leur jonction sans entacher son jugement d'irrégularité ;
Sur la recevabilité de la demande présentée le 18 novembre 1983 :
Considérant qu'en vertu de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, l'intéressé qui saisit la juridiction administrative n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter de la notification d'une décision expresse de rejet, notamment en matière de plein contentieux ;
Considérant que la demande présentée par la société anonyme "Institut Polyclinique de Cannes" le 18 novembre 1983 devant le tribunal administratif de Nice tendait à la décharge de la redevance à laquelle elle a été assujettie par décision du 10 mars 1983 de la commission départementale de contrôle de l'emploi des mutilés de guerre et de la commission départementale des handicapés des Alpes-Maritimes ; que le délai dans lequel devaient être présentées de telles conclusions, qui relèvent du plein contentieux, ne pouvait, en application de la disposition susrappelée, commencer à courir qu'à compter d'une décision expresse du ministre du travail saisi par la société d'un recours hiérarchique contre la décision mentionnée ci-dessus ; qu'en 'absence d'une telle décision, la demande de la société, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 1983, n'était pas tardive ;
Au fond :

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L.323-6, L.323-28, R.323-7, R.323-15 et R.323-55 du code du travail, dans leur rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1987, et relatives à l'emploi obligatoire des mutilés de guerre et des travailleurs handicapés, que les employeurs, qui n'utilisent pas le nombre prescrit des bénéficiaires des dispositions des sections 1 et 2 du titre II du livre III du code du travail, doivent faire connaître dans les 48 heures, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'agence nationale pour l'emploi, toutes les vacances concernant les emplois réservés en vertu des articles R.323-6 et R.323-54 ; que selon les articles L.323-6, L.323-28 et R.323-15, les employeurs qui ne se sont pas conformés à cette obligation sont assujettis au paiement d'une redevance "calculée par jour ouvrable et par bénéficiaire manquant" et fixée à trois fois le montant du salaire minimum de croissance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redevances auxquelles a été assujettie la société anonyme "Institut Polyclinique de Cannes" par les décisions du 10 mars 1983 et du 19 janvier 1984 des commissions susmentionnées, pour avoir recruté des salariés sur des emplois réservés, sans avoir avisé préalablement l'agence nationale pour l'emploi des vacances d'emploi, ont été calculées non par jour ouvrable mais sur la base de trente jours par mois ; qu'ainsi, et alors même que la société fonctionnerait de façon ininterrompue, lesdites redevances ont été calculées sur des bases erronées ; que, toutefois, cette circonstance est seulement de nature à justifier une réduction, et non une décharge totale des sommes au versement desquelles la société a été assujettie ; que, par suite, si c'est à bon droit que le tribunal administratif a relevé l'erreur ainsi commise par l'administration, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE est, en revanche, fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a, pour ce motif, annulé en totalité les décisions rejetant les recours hiérarchiques formés par la société anonyme "Institut Polyclinique de Cannes" contre les décisions des 10 mars 1983 et 19 janvier 1984 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société devant le tribunal administratif en vue d'obtenir la décharge totale des redevances auxquelles elle a été assujettie ;
En ce qui concerne la redevance afférente à l'exercice 1980-1981 :
Considérant que le projet de liquidation de la redevance adressé à la société en application de l'article R.323-20 du code du travail était suffisamment précis pour lui permettre de faire valoir ses observations ; qu'aucune disposition dudit code n'impose aux commissions départementales d'entendre les employeurs, ni de joindre à leur décision un procès-verbal de leur délibération ; que la décision du 10 mars 1983 fixant le montant définitif de la redevance a été notifiée à la société par une lettre du 12 avril 1983 où étaient rappelés les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et qu'il a ainsi été satisfait aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que l'article R.323-17 du code du travail, aux termes duquel le préfet examine la situation de chaque entreprise "dans le courant du deuxième trimestre de chaque année et au vu des décisions prises l'anné précédente" n'a ni pour objet, ni pour effet d'instituer une prescription en faveur des entreprises concernées ;
Considérant que la circonstance qu'en vertu de l'article R.323-6 du code du travail, la liste des emplois réservés adressée par la société au directeur départemental du travail et de l'emploi doive être regardée, en l'absence de décision expresse de celui-ci, comme n'ayant été définitivement approuvée que le 15 juillet 1980, n'a pas pour effet de priver, pour la période antérieure à cette date, les emplois qui y figuraient de leur caractère d'emplois réservés ; que si la société soutient que certains emplois n'auraient été réservés que postérieurement à l'expiration de l'exercice 1980-1981, d'une part, et qu'elle aurait régulièrement déclaré la vacance de certains autres emplois d'autre part, elle n'apporte aucun élément qui permette de vérifier le bien-fondé de ses allégations ;
En ce qui concerne la redevance afférente à l'exercice 1981-1982 :

Considérant que la société "Institut Polyclinique de Cannes" a été assujettie au paiement d'une redevance pour avoir pourvu, au cours de l'exercice 1981-1982, un emploi d'employé de bureau et deux emplois de secrétaire réceptionniste sans avoir au préalable déclaré leur vacance à l'agence nationale pour l'emploi ; que la circonstance que l'emploi d'employé de bureau aurait revêtu le caractère d'un emploi saisonnier ne dispensait pas la société d'en déclarer la vacance ; que si ladite société soutient que les deux autres emplois étaient en réalité des emplois d'auxiliaire médical, elle n'apporte aucun élément de nature à corroborer cette allégation ;
Considérant que si la société "Institut Polyclinique de Cannes" se prévaut également du silence gardé pendant plus de six mois sur une lettre adressée par elle à l'inspection du travail le 25 février 1981, elle n'indique ni quel était le contenu de cette lettre, ni en quoi le silence gardé par l'inspection du travail à la suite de ladite lettre a pu exercer une influence sur ses obligations ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé en totalité les décisions par lesquelles il a rejeté le recours hiérarchique de la société "Institut Polyclinique de Cannes" contre la décision de la commission départementale de contrôle de l'emploi obligatoire des mutilés de guerre et de la commission départementale des handicapés des Alpes-Maritimes des 10 mars 1983 et 19 janvier 1984 ;
Article 1er : La décision du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE en date du 14 mars 1985 ainsi que sa décision résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois sur le recours hiérarchique de la société "Institut Polyclinique de Cannes" en date du 19 mai 1983 sont annulés en tant qu'elles portent refus de rectifier les décisions de la commission départementale de contrôle de l'emploi obligatoire des mutilés de guerre des Alpes-Maritimes des 10 mars 1983 et 19 janvier 1984 en ce qu'elles assujettissent la société "Institut Polyclinique de Cannes" au paiement d'une redevance calculée non par jour ouvrable mais sur la base de trente jours par mois.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 novembre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DUTRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "Institut Polyclinique de Cannes" et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 75277
Date de la décision : 13/10/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - REGLEMENTATIONS SPECIALES A L'EMPLOI DE CERTAINES CATEGORIES DE TRAVAILLEURS - EMPLOI DES HANDICAPES - Mutilés de guerre et travailleurs handicapés - Emplois réservés - Obligation de faire connaître les vacances - Manquement - Conséquences.

TRAVAIL ET EMPLOI - REGLEMENTATIONS SPECIALES A L'EMPLOI DE CERTAINES CATEGORIES DE TRAVAILLEURS - EMPLOI DES HANDICAPES - REDEVANCES POUR INSUFFISANCE D'EMPLOI - Redevance calculée non par jour ouvrable mais sur la base de trente jours par mois - Illégalité.


Références :

Code du travail L323-6, L323-28, R323-15, R323-55, R323-6, R323-54, R323-20, R323-17
Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 3
Loi 87-517 du 10 juillet 1987


Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 1989, n° 75277
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Schneider
Rapporteur public ?: Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:75277.19891013
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