La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/1989 | FRANCE | N°71748

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 13 décembre 1989, 71748


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 26 août 1985, présentée par le COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE DU DEPARTEMENT DU RHONE ; le COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE DU DEPARTEMENT DU RHONE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 25 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté son déféré dirigé contre les délibérations des 18 juin et 12 novembre 1984 du conseil municipal de Lyon portant augmentation de 12 % des tarifs des abonnements et du prix des places de l'Opéra, de l'orchestre de Lyon, de l'audit

orium, du théâtre des Célestins et du conservatoire national de r...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 26 août 1985, présentée par le COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE DU DEPARTEMENT DU RHONE ; le COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE DU DEPARTEMENT DU RHONE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 25 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté son déféré dirigé contre les délibérations des 18 juin et 12 novembre 1984 du conseil municipal de Lyon portant augmentation de 12 % des tarifs des abonnements et du prix des places de l'Opéra, de l'orchestre de Lyon, de l'auditorium, du théâtre des Célestins et du conservatoire national de région, et de la location des instruments de musique au conservatoire national de région, pour la saison 1984-1985,
2°) annule lesdites délibérations,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Goulard, Auditeur,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la ville de Lyon,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de l'ordonnance du 30 juin 1945 relative aux prix : "Les prix de tous les produits et services sont et demeurent bloqués, soit au niveau qu'ils avaient atteint au 1er septembre 1939, soit au niveau qui résulte des décisions prises depuis cette date" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la même ordonnance : "Les décisions relatives aux prix de tous les produits et services sont prises : 1°) par arrêtés interministériels ... 2°) par arrêtés du ministre de l'économie et des finances ... 3°) par arrêtés du commissaire régional de la République en vertu d'une délégation de compétence du ministre de l'économie et des finances accordée par arrêté : l'arrêté de délégation fixe l'objet et l'étendue des pouvoirs du commissaire régional" ; que les attributions des commissaires régionaux de la République en cette matière ont été transférées aux préfets par un décret du 30 avril 1946 ; qu'en vertu de l'article 1er du décret n° 82-389 du 10 mai 1982, le commissaire de la République "exerce les compétences précédemment dévolues au préfet du département" ; que les articles 2 à 5 de l'arrêté n° 82-96/A du ministre de l'économie et des finances en date du 22 octobre 1982 ont prévu les conditions dans lesquelles les prix licites de toutes les prestations de services pourraient être majorés à compter du 1er novembre 1982 et jusqu'au 31 décembre 1983 ; qu'aux termes de l'article 6 du même arrêté : "Délégation de compétence est donnée aux commissaires de la République pour arrêter par entreprise ou par secteur d'activité un régime de prix différent de celui qui résulte des articles précédents. Délégation d compétence est également donnée aux commissaires de la République pour assortir leurs arrêtés de mesures accessoires destinées à en assurer l'application et à faciliter le contrôle de leur exécution" ;

Considérant que, par un arrêté du 12 juillet 1983, le commissaire de la République du département du Rhône a, par application de l'ordonnance du 30 juin 1945 relative aux prix et en vertu de la délégation de compétence prévue à l'article 6 de l'arrêté ministériel n° 82-96/A du 22 octobre 1982, fixé les limites dans lesquelles les prix des services publics locaux à caractère administratif pouvaient augmenter par rapport aux prix antérieurement pratiqués, à compter du 1er septembre 1983 ;
Considérant que s'il appartenait éventuellement au ministre de l'économie et des finances, après avoir déterminé la réglementation applicable aux prix des activités de services, de prévoir que des arrêtés préfectoraux pourraient déroger à cette réglementation en ce qui concerne certaines entreprises ou certains secteurs d'activités, il ne pouvait se dispenser de fixer avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles de telles mesures dérogatoires pourraient intervenir ; qu'en se bornant à accorder aux commissaires de la République le pouvoir d'arrêter "par entreprise ou par secteur d'activité un régime de prix différent de celui qui résulte des articles précédents", l'aticle 6 précité de l'arrêté ministériel n° 82-96/A du 22 octobre 1982 n'a pas défini avec une précision suffisante l'objet et l'étendue de la compétence ainsi déléguée ; que ledit article 6 est, dès lors, illégal ; que, par voie de conséquence, l'arrêté préfectoral du 12 juillet 1983 précité était entaché d'incompétence ; que le commissaire de la République du département du Rhône ne saurait dès lors en tout état de cause utilement se prévaloir de ce que les délibérations attaquées du conseil municipal de Lyon auraient méconnu cet arrêté pour demander l'annulation desdites délibérations ;

Mais considérant qu'en vertu de l'article 2 de l'arrêté n° 83-65 du ministre de l'économie, des finances et du budget en date du 25 novembre 1983, les prix des prestations de services ne pouvaient être majorés que de 2 % à compter du 15 avril 1984 et de 2,25 % à compter du 15 septembre 1984 ; qu'eu égard à l'incompétence dont était entaché l'arrêté préfectoral du 12 juillet 1983, ces dispositions étaient seules applicables à la date du 18 juin 1984 ;
Considérant que l'ordonnance du 30 juin 1945 relative aux prix est applicable, selon ses termes mêmes, aux prix de tous les produits et services et que l'arrêté ministériel du 25 novembre 1983 précité, pris sur le fondement de cette ordonnance, régissait l'évolution des prix de tous les services ; que les tarifs de participation des usagers au financement des dépenses de l'Opéra, du théâtre, de l'orchestre, de l'auditorium et du conservatoire de Lyon ont le caractère de prix de services au sens de ces dispositions ; que, par suite, les tarifs adoptés par le conseil municipal de Lyon le 18 juin 1984 étaient soumis aux prescriptions de l'arrêté susvisé, auxquelles la commune était tenue de se conformer en application de l'article 16 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la délibération du 18 juin 1984, qui décide des hausses de tarifs correspondant à un pourcentage d'augmentation supérieur à celui qu'autorise l'arrêté ministériel du 25 novembre 1983, est entachée d'excès de pouvoir ; qu'il en est de même de la délibération du 12 novembre 1984, qui se borne à rectifier diverses erreurs matérielles contenues dans la première délibération ; que le commissaire de la République du département du Rhône est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté son déféré ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 25 juin 1985 est annulé.
Article 2 : Les délibérations du conseil municipal de Lyon des 18 juin et 12 novembre 1984 sont annulées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU RHONE, à la ville de Lyon et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 71748
Date de la décision : 13/12/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - DELEGATIONS - SUPPLEANCE - INTERIM - DELEGATION DE POUVOIRS - Délégation de compétence consentie par le ministre de l'Economie et des Finances aux commissaires de la République en matière de fixation dérogatoire des prix des services (article 6 de l'arrêté ministériel du 22 octobre 1982) - Illégalité - Conséquences - Arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de cette délégation ne pouvant être utilement invoqués contre une délibération d'un conseil municipal fixant le tarif de services publics locaux - Règles de fond fixées par l'arrêté ministériel de blocage des prix seul applicable à la date de la délibération.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES PRIX - ORDONNANCE DU 30 JUIN 1945 - ACTES PRIS SUR LE FONDEMENT DE CETTE ORDONNANCE - MESURES RELATIVES AUX SERVICES - Arrêté de blocage des prix - Champ d'application - Prix des services - Notion.

COMMUNE - SERVICES PUBLICS MUNICIPAUX - Tarification - Tarifs soumis aux prescriptions des arrêtés de blocage des prix pris sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945.


Références :

Décret 46-862 du 30 avril 1946
Décret 82-389 du 10 mai 1982 art. 1
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 art. 16


Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 1989, n° 71748
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Goulard
Rapporteur public ?: de Guillenchmidt

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:71748.19891213
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award