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29/12/1989 | FRANCE | N°66273

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 29 décembre 1989, 66273


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 février 1985 et 19 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 décembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Nice : 1) a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions de la demande tendant à la condamnation de la commune de Beaulieu-sur-Mer, prise en sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée AE n° 31 à Villefr

anche-sur-Mer ; 2) a limité à 28 694 F l'indemnité qu'il a condamnée la...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 février 1985 et 19 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 décembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Nice : 1) a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions de la demande tendant à la condamnation de la commune de Beaulieu-sur-Mer, prise en sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée AE n° 31 à Villefranche-sur-Mer ; 2) a limité à 28 694 F l'indemnité qu'il a condamnée la commune de Beaulieu-sur-Mer à lui verser, en réparation des dommages causés à sa propriété par des chutes de rochers les 8 janvier 1980 et 23 octobre 1982 ; 3) a mis à sa charge, à concurrence de la moitié de leurs montants additionnés, les frais d'expertise ;
2°) lui alloue l'entier bénéfice des conclusions de ses demandes de première instance et condamne la commune de Beaulieu-sur-Mer à lui verser : 1°), au titre des dommages causés le 8 janvier 1980 les sommes de 265 232 F et de 46 054,67 F, cette dernière au titre des troubles de jouissance qu'il a alors subis ; 2°), au titre des dommages causés le 23 octobre 1982, les sommes de 21 709,20 F et de 3 000 F ; enfin, au titre de la dépréciation définitive de sa propriété et des troubles de jouissance qu'il endure, les sommes de 2 000 000 F et de 500 000 F ; que ces sommes portent intérêts de droit et que ces intérêts soient capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts, 4°) que subsidiairement, il condamne la commune à lui verser une somme mensuelle de 8 000 F, en réparation du préjudice qu'il subit de manière permanente, jusqu'à l'exécution complète des travaux et des mesures de protection que la commune de Beaulieu-sur-Mer a l'obligation de mettre en euvre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Nicolay, avocat de M. X... et de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard, avocat de la commune de Beaulieu-sur-Mer,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.131-2 du code des communes, la police municipale comprend notamment : "6° Le soin de prévenir par des précautions convenables, et de faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre et de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours, et s'il y a lieu de provoquer l'intervention de l'autorité supérieure" ;
Considérant que l'habitation de M. X... située à Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes), en contrebas d'une falaise qui surplombe la ville, a été endommagée à deux reprises par de gros blocs rocheux qui se sont détachés le 8 janvier 1980 puis le 23 octobre 1982 de cette falaise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une aggravation des risques d'éboulements que présentait la falaise composée de roches friables rendues instables sous l'action des agents atmosphériques, la tranchée que la commune avait fait creuser vers 1950 au pied de la falaise s'est révélée inefficace pour protéger les habitations existantes dans le secteur ; que la commune tout en renonçant à entretenir cet ouvrage devenu inefficace faisait procéder périodiquement, en attendant les résultats d'expertises ayant pour objet l'étude des moyens techniques qu'il était possible de mettre en euvre pour prévenir le danger, à la destruction des blocs rocheux qui menaçaient de se détacher de la falaise ; que, dans ces circonstances, la commune ne peut être regardée comme ayant commis une faute lourde qui eut été seule de nature à engager sa responsabilité dans la prescription des mesures de police destinées à prévenir les accidents naturels tels que les éboulements de terre et de rochers ; qu'il suit de là que la commune de Beaulieu-sur-Mer est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son recours incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à réparer partiellement les dommages causés à la propriété de M. X..., et qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de la requête de M. X... tendant à ce que la commune soit déclarée entièrement responsable des dommages ;
Sur les frais de l'expertise ordonnée en première instance :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, ces frais doivent être mis à la charge de M. X... ;
Article 1er : Les articles 4 et 5 du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 6 décembre 1984 sont annulés.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée en première instance sont mis à la charge de M. X....
Article 3 : Les conclusions de la demande de M. X... devant le tribunal administratif tendant à l'octroi d'une indemnité par la commune de Beaulieu-sur-Mer et les conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la commune de Beaulieu-sur-Mer et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 66273
Date de la décision : 29/12/1989
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNE - POLICE MUNICIPALE - POLICE DE LA SECURITE - POLICE DES LIEUX DANGEREUX - ZONES EXPOSEES AUX RISQUES D'EBOULEMENTS - D'AVALANCHE OU DE COULEES DE BOUE - Risques d'éboulements - Prescription des mesures destinées à prévenir les accidents naturels - Responsabilité de la commune engagée en cas de faute lourde.

16-03-05-01-03, 60-01-02-02-03, 60-02-03-02-01 Habitation située en contrebas d'une falaise endommagée à deux reprises par de gros blocs rocheux qui se sont détachés de cette falaise. A la suite d'une aggravation des risques d'éboulements que présentait la falaise composée de roches friables rendues instables sous l'action des agents atmosphériques, la tranchée que la commune avait fait creuser vers 1950 au pied de la falaise s'est révélée inefficace pour protéger les habitations existantes dans le secteur. La commune, tout en renonçant à entretenir cet ouvrage devenu inefficace, faisait procéder périodiquement, en attendant les résultats d'expertises ayant pour objet l'étude des moyens techniques qu'il était possible de mettre en oeuvre pour prévenir le danger, à la destruction des blocs rocheux qui menaçaient de se détacher de la falaise. Dans ces circonstances, la commune ne peut être regardée comme ayant commis une faute lourde qui eût été seule de nature à engager sa responsabilité dans la prescription des mesures de police destinées à prévenir les accidents naturels tels que les éboulements de terre et de rochers.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE LOURDE - Police - Prescription des mesures destinées à prévenir les accidents naturels - Absence de faute lourde de la commune.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - POLICE MUNICIPALE - POLICE DE LA SECURITE - Prévision des risques liés à des évènements naturels - Responsabilité engagée en cas de faute lourde - Absence de faute lourde - Prescription des mesures de prévention - Risques d'éboulements de terre et de rochers.


Références :

Code des communes L131-2 6°


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 1989, n° 66273
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Labarre
Rapporteur public ?: M. de Guillenchmidt

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:66273.19891229
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