Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 1er février 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 22 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 2 février 1987 enjoignant à M. Mohamed X... de quitter le territoire français et rejette la demande de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 et la loi du 9 septembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention du groupe d'information et de soutien aux travailleurs immigrés :
Considérant que le groupe d'information et de soutien aux travailleurs immigrés a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que si l'article 25, 2°, 3° et 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant des lois du 29 octobre 1981 et 17 juillet 1984 interdisait l'expulsion des étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de 10 ans, depuis plus de quinze ans ou qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis d'une durée totale au moins égale à un an, ces dispositions ont été modifiées par la loi du 9 septembre 1986 qui a limité l'interdiction "à l'étranger qui justifie par tous moyens avoir résidence habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou à un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées" ;
Considérant que l'expulsion d'un étranger n'a pas le caractère d'une sanction, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions précitées de la loi du 9 septembre 1986, publiées au journal officiel le 12 septembre suivant, qui sont entrées en vigueur dans le délai prévu par le décret du 5 novembre 1870, pouvaient dès l'expiration de ce délai être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elles, qu'elle que fût la date des condamnations retenues à leur encontre ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la circonstance que les condamnations pénales retenues à l'encontre de M. X... étaient antérieures à l'inervention de la loi précitée pour annuler l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR du 2 février 1987 prononçant l'expulsion de l'intéressé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient, au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant que l'arrêté du 2 février 1987 a été signé par M. Y..., directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur qui, par arrêté du 7 mai 1986, a reçu délégation de signature pour signer tous actes, arrêtés et décisions concernant la mise en oeuvre de la police administrative et le contentieux général ; qu'ainsi le moyen tenant à l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que M. X... s'est rendu coupable de violences et de vols multiples, dont certains sous la menace d'une arme, et qu'il a été condamné définitivement par la juridiction pénale pour ces faits à des peines dont le total excède six mois d'emprisonnement sans sursis ; qu'ainsi il pouvait légalement faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ;
Considérant, enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, et notamment du lourd passé délictueux de l'intéressé, que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Article 1er : L'intervention du groupe d'information et desoutien aux travailleurs immigrés est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 22 octobre 1987 est annulé.
Article 3 : La demande de M. X... devant le tribunal administratif de Versailles et tendant à l'annulation de l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 2 février 1987 est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au groupe d'information et de soutien aux travailleurs immigrés et au ministre de l'intérieur.