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23/02/1990 | FRANCE | N°83458

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 23 février 1990, 83458


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 décembre 1986 et 20 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Roger X..., demeurant ..., et tendant, dans le dernier état de leurs conclusions, à ce que le Conseil d'Etat :
1- réforme le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 27 juillet 1986 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif a alloué aux requérants les intérêts de la somme de 300 000 F, mise à la charge du syndicat intercommunal d'assainissement de la région d'Enghien

(S.I.A.R.E.) à compter seulement du 23 juillet 1984 et a rejeté le...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 décembre 1986 et 20 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Roger X..., demeurant ..., et tendant, dans le dernier état de leurs conclusions, à ce que le Conseil d'Etat :
1- réforme le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 27 juillet 1986 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif a alloué aux requérants les intérêts de la somme de 300 000 F, mise à la charge du syndicat intercommunal d'assainissement de la région d'Enghien (S.I.A.R.E.) à compter seulement du 23 juillet 1984 et a rejeté leur demande de capitalisation des intérêts ;
2- leur alloue les intérêts de la somme de 300 000 F à compter du 7 octobre 1982, date de leur demande introductive d'instance devant le tribunal administratif, ainsi que les intérêts des intérêts capitalisés au 23 juillet 1984 et au 2 décembre 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Kessler, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat de M. et X... et de Me Choucroy, avocat du syndicat intercommunal d'assainissement de la région d'Enghien-les-Bains (S.I.A.R.E.) et de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de la société Campenon-Bernard-Cetra,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité des recours incidents :
Considérant que, par la voie du recours incident, le S.I.A.R.E. et la société Campenon-Bernard-Cetra demandent à être déchargés de toute responsabilité et, subsidiairement, à ce que l'indemnité mise à leur charge soit réduite ; que ces conclusions ne soulèvent pas un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal dont les conclusions, dans leur dernier état, visent à obtenir, d'une part, la modification des modalités du calcul des intérêts et l'octroi des intérêts des intérêts de l'indemnité allouée par le tribunal administratif de Versailles et, d'autre part, l'augmentation du montant de celle-ci ; que, par suite, les époux X... ne sont pas fondés à soutenir que les conclusions de ces recours incidents seraient irrecevables ;
Sur la responsabilité et l'existence d'un préjudice indemnisable :
Considérant que, par deux marchés signés les 23 juin et 30 septembre 1976, le S.I.A.R.E. a chargé l'entreprise Campenon-Bernard-Cetra de réaliser un collecteur d'eaux pluviales dans le sous-sol des communes de Saint-Gratien et de Sannois (Oise) ; qu'il résulte de l'instruction que l'exécution des travaux effectués par l'entreprise Campenon-Bernard-Cetra à proximité immédiate du café-restaurant-hôtel eploité par les époux X... a provoqué des tassements et un effondrement du sol, à la suite desquels l'immeuble dans lequel se situait leur exploitation a été gravement endommagé ; que la société Campenon-Bernard-Cetra ne saurait s'exonérer de sa responsabilité par le motif que les dommages seraient dus au choix de leur emplacement par le S.I.A.R.E., dès lors qu'elle n'établit ni même n'allègue qu'elle aurait formulé des réserves auprès du maître de l'ouvrage ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice subi par les époux X... présente un caractère anormal et spécial ; que le S.I.A.R.E. et la société Campenon-Bernard-Cetra ne sont, par suite, fondés à soutenir ni que ce préjudice ne leur serait pas imputable, ni qu'il n'ouvrirait aux époux X... droit à indemnisation ;
Sur le montant de l'indemnité :

Considérant, d'une part, que si le S.I.A.R.E. soutient que le tribunal administratif de Versailles n'aurait pas dû inclure, dans le montant du préjudice commercial subi par les époux X..., une somme de 45 775,30 F correspondant à des arriérés de loyer dus par ces derniers à la propriétaire de l'immeuble, il ne résulte pas de l'instruction que les époux X... aient été exonérés du paiement de ces loyers ; que le S.I.A.R.E. n'établit pas davantage que d'autres éléments du préjudice commercial auraient été pris en compte à tort par le tribunal administratif ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les époux X... ont subi non seulement un préjudice commercial mais également certains préjudices liés à la perte d'activité postérieure à la fermeture du chantier et à la perte de la valeur du fonds de commerce ;
Considérant qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de la réparation du préjudice global subi par les époux X... en condamnant le S.I.A.R.E. et l'entreprise Campenon-Bernard-Cetra à leur verser une indemnité d'un montant de 500 000 F au titre de l'ensemble des chefs de préjudice ;
Considérant, dès lors, que les époux X... sont fondés à demander la réformation de l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Versailles ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que les époux X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles leur a alloué les intérêts au taux légal de la somme qu'il a mise à la charge du S.I.A.R.E. et de la société Campenon-Bernard-Cetra à compter seulement du 23 juillet 1984, date d'enregistrement du premier mémoire par lequel ils ont demandé les intérêts de cette somme et non du 7 octobre 1982, date d'enregistrement de leur demande introductive d'instance devant le tribunal administratif ; qu'il y a lieu de leur allouer les intérêts de la somme de 500 000 F à compter du 7 octobre 1982 ; que, par voie de conséquence, les époux X... sont également fondés à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de capitalisation des intérêts qu'ils avaient présentée le 23 juillet 1984, dès lors qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée de nouveau par les époux X... le 2 décembre 1986 et le 24 juillet 1989 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts depuis la précédente demande de capitalisation ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à chacune de ces demandes ;
Sur les appels en garantie :
Considérant qu'il est constant que la réception définitive des travaux exécutés par la société Campenon-Bernard-Cetra a été prononcée sans réserves par le S.I.A.R.E. antérieurement à l'enregistrement au greffe du tribunal administratif de Versailles du mémoire par lequel les requérants ont demandé à les voir condamner l'un et l'autre à réparer les préjudices imputables aux travaux en cause ; que les appels en garantie réciproques formés par le S.I.A.R.E. et la société Campenon-Bernard-Cetra devant le tribunal administratif tendaient à mettre en cause la responsabilité qu'ils pouvaient encourir l'un envers l'autre en raison de manquements aux obligations contractuelles nées des marchés qui les liaient ; que, par, suite, la société Campenon-Bernard-Cetra peut se prévaloir de la réception définitive prononcée sans réserves, laquelle a mis fin à ses rapports contractuels avec le S.I.A.R.E., pour demander à être relevée de la condamnation, prononcée par le tribunal administratif de Versailles, à garantir le S.I.A.R.E. à hauteur de 50 % des indemnités mises à la charge de ce dernier ; mais que le S.I.A.R.E., maître de l'ouvrage, dès lors qu'il a prononcé la réception définitive sans réserves, doit supporter l'intégralité de la condamnation qui a été prononcée au bénéfice de M. et Mme X... ; qu'il suit de là que la société Campenon-Bernard-Cetra est fondée à demander, d'une part, à ce que le S.I.A.R.E la garantisse en totalité de la condamnation prononcée à son encontre et au bénéfice des époux X..., d'autre part et par voie de conséquence, l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué qui la condamne à garantir le S.I.A.R.E. à hauteur de 50 % de cette condamnation et de l'article 2 du même jugement qui condamne le S.I.A.R.E. à ne la garantir qu'à hauteur de 50 % de cette même condamnation ; qu'en revanche les conclusions du S.I.A.R.E. tendant à être garanti par la société Campenon-Bernard-Cetra doivent être rejetées ;
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 27 juillet 1986 sont annulés.
Article 2 : La somme que l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Versailles du 27 juillet 1986 a condamné le syndicatintercommunal d'assainissement de la région d'Enghein-les-Bains et la société Campenon-Bernard-Cetra solidairement à verser aux époux X... est portée à 500 000 F ; elle portera intérêts à compter du 7 octobre 1982. Les intérêts échus les 23 juillet 1984, 2 décembre 1986et 24 juillet 1989 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le syndicat intercommunal d'assainissement de la région d'Enghien-les-Bains est condamné à garantir la société Campenon-Bernard-Cetra de la totalité de condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. et Mme X....
Article 4 : : L'article 4 du jugement susvisé du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des époux X..., les conclusions des recours incidents du syndicat intercommunal d'assainissement de la région d'Enghien-les-Bains et dela société Campenon-Bernard-Cetra ainsi que l'appel provoqué du S.I.A.R.E. sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée aux époux X..., au syndicat intercommunal d'assainissement de la région d'Enghien-les-Bains, à la société Campenon-Bernard-Cetra et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 83458
Date de la décision : 23/02/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITE PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVEE - ACTION EN GARANTIE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 1990, n° 83458
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Kessler
Rapporteur public ?: Mme Laroque

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:83458.19900223
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