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02/03/1990 | FRANCE | N°57218

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 02 mars 1990, 57218


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 février 1984 et le 21 juin 1984, présentés par la "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT", société à responsabilité limitée dont le siège est à la Croix-Gicquiaud, Couéron (44220), représentée par M. J. Le Berre, son liquidateur ; la "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT" demande que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement, en date du 15 décembre 1983, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté

ses demandes tendant, d'une part, à la décharge d'une fraction des indem...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 février 1984 et le 21 juin 1984, présentés par la "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT", société à responsabilité limitée dont le siège est à la Croix-Gicquiaud, Couéron (44220), représentée par M. J. Le Berre, son liquidateur ; la "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT" demande que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement, en date du 15 décembre 1983, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge d'une fraction des indemnités de retard et de l'amende fiscale au taux de 60 % ajoutées au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné, au titre de la période du 1er juin 1974 au 31 mars 1977, par avis de mise en recouvrement du 11 janvier 1979, et, d'autre part, à la restitution d'une somme de 60 367,94 F, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée versée à raison de ventes restées impayées,
2°) lui accorde les réductions de pénalités et la restitution de taxe sur la valeur ajoutée sollicitées,
3°) ordonne en sa faveur le remboursement des frais exposés en première instance et en appel,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 272 du code général des impôts alors en vigueur : "si la taxe sur la valeur ajoutée a été perçue à l'occasion de ventes ou de services ... qui restent impayés, elle est imputée sur la taxe dûe pour les affaires faites ultérieurement ; elle est restituée si la personne qui l'a acquittée a cessé d'y être assujettie. L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale" ;
Considérant que, par une première demande introduite au tribunal administratif le 6 mars 1980, la société à responsabilité limitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT" a conclu notamment à la décharge des indemnités de retard de 6 640,47 F dont était assorti un rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement le 11 janvier 1979 et non contesté en droits simples pour une taxe d'un montant total de 61 302,72 F dont la société avait opéré la déduction, prématurément selon le service, dans sa déclaration déposée le 18 décembre 1975 ; que, par une seconde demande introduite au tribunal administratif le 22 janvier 1981, la société, qui, après rejet de la déduction prématurée entionnée ci-dessus, avait à nouveau mentionné un droit à déduction d'une partie de 60 367,94 F de la taxe ci-dessus dans sa déclaration déposée en décembre 1978, a demandé la restitution de cette taxe de 60 367,94 F dont elle n'avait pu opérer l'imputation ; que, joignant les deux demandes, le tribunal administratif les a rejetées toutes deux ;

Considérant que par "ventes qui restent impayées", au sens des dispositions du 1 de l'article 272 du code général des impôts, il y a lieu d'entendre les sommes pour lesquelles les diligences normales qui sont ouvertes à un assujetti en vue du recouvrement de ses créances sont demeurées sans effet à la date où celui-ci entend opérer la déduction ou bénéficier de la restitution de la taxe qui a grevé ces ventes, et non, comme le soutient l'administration, les sommes pour lesquelles la preuve du caractère définitivement irrécouvrable de la créance est apportée ; que, dans le cas où le débiteur a déposé son bilan, a été admis au bénéfice du règlement judiciaire ou a été placé en liquidation de biens, le créancier doit à tout le moins, avant de déclarer les ventes impayées, avoir produit l'état de ses créances entre les mains du syndic ;
Sur la demande à fin de restitution :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces versées au dossier par la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT qu'à la date à laquelle elle a présenté sa demande de restitution des taxes de 60 367,94 F ayant grevé les ventes faites à la société "Super-Béton", laquelle, après avoir été admise au bénéfice du règlement judiciaire le 10 décembre 1975, a été mis en liquidation de biens le 17 mai 1978, elle avait produit l'état de ses créances entre les mains du syndic ; que lesdites ventes avaient, en outre, donné lieu, de sa part, à la rectification des factures initiales qu'exigent les dispositions du 1 de l'article 272 du code ;

Considérant, d'autre part, que la société à responsabilité limitée SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT, ayant été mise elle-même en liquidation à partir du 1er novembre 1977, avait cessé d'être assujettie à la taxe en décembre 1978, lorsqu'elle a à nouveau mentionné ses droits à déduction sur sa déclaration ; que la société requérante était dès lors fondée à demander la restitution des taxes susindiquées de 60 367,94 F ;
Sur la demande à fin de décharge des indemnités de retard :
Considérant que si la circonstance que le redevable n'a pas contesté les droits principaux mis à sa charge ne fait pas obstacle à ce qu'il demande à être déchargé des indemnités de retard dont les a majorés l'administration, par le moyen que l'imposition n'est pas fondée, la société requérante ne justifie pas, toutefois, avoir satisfait aux conditions ci-dessus rappelées au cours du mois d'octobre 1975, dernier mois auquel pouvaient se rapporter les droits à déduction imputables sur la taxe dûe au titre du mois de novembre 1975 ayant fait l'objet de la déclaration déposée le 18 décembre 1975 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les droits principaux auxquels ont été appliqués les indemnités de retard contestées auraient été établis à tort ;
En ce qui concerne l'amende fiscale de 60 % :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 272 du code général des impôts : "La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies à l'article 283-4 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ..." ; que le 4 de l'article 283 vise, notamment, la taxe sur la valeur ajoutée qui grève la facturation d'une marchandise dont la livraison n'est pas effectuée ; qu'en vertu, enfin, des dispositions des articles 1728 et 1731 du code général des impôts applicables en l'espèce, les insuffisances de déclaration ou de versement en matière de taxe sur la valeur ajoutée donnent lieu à l'application, soit de l'indemnité de retard prévue à l'article 1727, soit, lorsque la mauvaise foi du redevable peut être établie, d'une amende fiscale égale à 60 % des droits éludés si ceux-ci n'excèdent pas la moitié des droits dûs ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période du 1er juin 1974 au 31 mai 1975, la société anonyme "Carrières des maraîchères" a systématiquement facturé à la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT, qui ne conteste pas avoir eu connaissance de cette pratique, des quantités de gravier supérieures à celles qu'elle lui livrait ; que, la requérante ayant néanmoins opéré la déduction des taxes, d'un montant total de 34 301,41 F, facturées à raison des marchandises qui ne lui avaient pas été livrées, et ayant différé, de ce fait, le paiement d'une égale fraction de la taxe dont elle-même était redevable, à raison de ses opérations, jusqu'au 30 juin 1975, date à laquelle elle a spontanément régularisé sa situation à concurrence de 32 708,14 F, l'administration, à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société, a mis à sa charge, d'une part, un rappel de droits non contesté de 1 593,27 F, différence entre les chiffres de 34 301,41 F et 32 708,14 F ci-dessus, et, d'autre part, une amende fiscale égale à 60 % du montant total des droits éludés jusqu'au 30 juin 1975 ; que la requérante conteste le bien-fondé de cette pénalité, qui s'élève à 20 580,84 F, en faisant valoir qu'elle ne s'était pas tout d'abord avisée de l'irrégularité qu'elle commettait en déduisant la taxe afférente aux sommes que la société "Carrières des maraîchères" lui imposait d'acquitter "par anticipation", et que la régularisation spontanée à laquelle elle a procédé le 30 juin 1975 témoigne de sa bonne foi ;
Considérant que si le seul fait que le contribuable a réparé, avant tout contrôle fiscal, mais après l'expiration du délai de déclaration ou de versement, les inexactitudes, omissions ou insuffisances de ses déclarations ou versements ne peut faire obstacle à l'application de l'amende fiscale prévue à l'article 1731 du code, dès lors que celle-ci est encourue s'il est établi que ce contribuable a sciemment différé jusqu'à cette réparation le paiement de sa dette au Trésor, il n'est pas justifié en l'espèce par l'administration que la société requérante aurait procédé à la déduction des taxes litigieuses, dont la facturation et l'imputation ne lui procuraient aucun avantage, avant d'être informée par ses conseils comptables de l'irrégularité qu'elle commettait ainsi, dans des conditions de nature à établir l'absence de bonne foi ; que la société est par suite fondée à demander la décharge de l'amende fiscale qui lui a été assignée, dans la mesure où celle-ci excède le montant de l'indemnité de retard applicable en vertu des dispositions des articles 1727 et 1728 du code général des impôts ;

Considérant que, de ce qui précède, il résulte que la société à responsabilité limitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT" est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement susvisé, rejeté ses demandes tendant à la restitution d'une taxe sur la valeur ajoutée de 60 367,94 F et, dans la limite susindiquée, à la décharge d'une amende fiscale de 20 580,84 F ;
Sur la demande de remboursement de frais :
Considérant que si la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT demande le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel, cette demande, qui n'est assortie d'aucune précision, ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée ;
Article 1er : Il est accordé à la société à responsabilitélimitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT" :1°) la restitution d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 60 367,94 F ; 2°) décharge de la différence entre le montant de l'amendefiscale au taux de 60 % qui lui a été assignée à raison de la déduction irrégulière, effectuée entre le 1er juin 1974 et le 30 juin1975, de 34 301,41 F de taxe sur la valeur ajoutée et le montant des indemnités de retard dûes, de ce chef, en vertu des dispositions des articles 1727 et 1728 du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Nantes, en date du 15 décembre 1983, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée dela société à responsabilité limitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT" est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Le Berre, liquidateur de la société à responsabilité limitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JACQUES THUAULT" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 57218
Date de la décision : 02/03/1990
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

CGI 272 par. 1 par. 2, 283 par. 4, 1728, 1731, 1727


Publications
Proposition de citation : CE, 02 mar. 1990, n° 57218
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fabre
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:57218.19900302
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