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14/03/1990 | FRANCE | N°35545

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 14 mars 1990, 35545


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 juillet 1981 et 6 novembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant à Faucouzy, Montceau le Neuf (Aisne) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 mai 1981 par lequel le tribunal administratif d' Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 juin 1977 de la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l'Aisne concernant les opérations de remembrement des communes de Sons-et-Ron

chères et de Châtillon-lès-Sons (Aisne),
2°) annule la décision a...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 juillet 1981 et 6 novembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant à Faucouzy, Montceau le Neuf (Aisne) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 mai 1981 par lequel le tribunal administratif d' Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 juin 1977 de la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l'Aisne concernant les opérations de remembrement des communes de Sons-et-Ronchères et de Châtillon-lès-Sons (Aisne),
2°) annule la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gosselin, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Roger, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Sur les moyens tirés de ce que le chemin d'exploitation dit "Chemin Noir" aurait été compris à tort dans l'évaluation des apports du requérant et de ce que ledit chemin constituait un terrain à utilisation spéciale qui aurait dû lui être réattribué en application de l'article 20, troisième alinéa, 5° du code rural :
Considérant que ces deux moyens n'ont pas été invoqués par M. X... devant la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l'Aisne et ne peuvent être présentés directement au juge de l'excès de pouvoir ; qu'ils sont, par suite, irrecevables ;
Sur les moyens tirés de la violation des articles 19 et 22 du code rural :
Considérant qu'aux termes de l'article 19 du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 11 juillet 1975 et applicable à la date à laquelle la commission départementale a pris la décision contestée : "Le remembrement, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis ... Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principal, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire" ; qu'en vertu de l'article 22 du même code : "Les terres situées aux limites communales peuvent être attribuées aux propriétaires des communes limitrophes, ceux-ci devant céder, en contrepartie, les terres qu'ils possèdent voisines des exploitations rurales groupées autour du village de la commune remembrée" ;

Considérant, en premier lieu, que la commission départementale n'était pas tenue de faire application de la faculté ouverte par les dispositions précitées d l'article 22 du code rural ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X... ne pouvait se prévaloir d'aucun droit à l'attribution des parcelles ZI 5 et ZI 6 ni à l'attribution de parcelles dans la section Z H ; que si le requérant soutient que la commission départementale a entaché sa décision d'une erreur de droit en négligeant de rechercher si l'attribution par lui réclamée de ces parcelles pouvait améliorer le regroupement de son exploitation, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce du dossier ; qu'il n'est pas établi que la commission se soit fondée sur des faits matériellement inexacts en estimant que certaines modifications du projet de remembrement demandées par M. X... auraient pour effet de déséquilibrer les exploitations d'autres propriétaires en allongeant la distance séparant leurs attributions de leur corps de ferme ; qu'enfin, M. X... ne saurait utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions, la circonstance que le remembrement des terres d'autres propriétaires aurait été effectué en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du code rural ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du tableau des distances moyennes pondérées, que la distance moyenne des terres de M. X... à son centre d'exploitation a été ramenée, du fait des opérations de remembrement, de 2 899 à 2 669 mètres ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 19 du code rural n'ont pas été méconnues ;
Sur le moyen tiré d'une aggravation des conditions d'exploitation :

Considérant, d'une part, que le requérant ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision de la commission départementale la circonstance que certains travaux connexes au remembrement, notamment la prolongation d'un chemin d'exploitation et sa liaison avec un chemin départemental, n'auraient pas été exécutés ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en échange de l'apport de treize parcelles d'une superficie de 71 hectares, 66 ares, 75 centiares pour une valeur de productivité réelle de 592 293 points, M. X... a reçu trois parcelles d'une superficie de 71 hectares, 27 ares, 60 centiares pour une valeur de productivité réelle de 593 739 points ; qu'en admettant même que la nouvelle distribution des terres ait eu pour conséquence de modifier les conditions de desserte du dépôt de betteraves que le requérant avait aménagé en bordure du "Chemin Noir", il n'est pas établi que les opérations de remembrement contestées aient aggravé ses conditions d'exploitation ;
Sur la demande d'indemnité :
Considérant que le requérant soutient qu'il a droit à une indemnité à raison de la perte du chemin d'exploitation dit "Chemin Noir" qui lui appartenait et qui, après avoir été compris dans ses apports, ne lui a pas été réattribué mais a été maintenu comme ouvrage collectif par la commission communale de remembrement ;
Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X... n'est pas recevable à demander que l'assiette dudit chemin lui soit réattribuée en application des dispositions du troisième alinéa, 5°, de l'article 20 du code rural ; que, par suite, il ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir, à l'appui de sa demande d'indemnité, des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 21 du même code selon lesquelles : "Lorsque des terrains ne peuvent être réattribués conformément aux dispositions de l'article 20 du présent code, en raison de la création des aires nécessaires aux ouvrages collectifs communaux, il peut être attribué une valeur d'échange tenant compte de leur valeur vénale. L'attribution d'une soulte en espèces, fixée le cas échéant comme en matière d'expropriation, peut être accordée" ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 25 du code rural, l'assiette de tous chemins nécessaires à la desserte des parcelles et dont la commission communale de remembrement a décidé l'établissement "est prélevée sans indemnité sur la totalité des terres à remembrer", et qu'aux termes du premier alinéa de l'article 21 du même code : "Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs visés à l'article 25 ..." ; qu'il suit de là que M. X... qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a reçu des attributions dont la valeur de productivité réelle est équivalente à celle de ses apports, lesquels comprenaient l'assiette du "Chemin Noir", n'est pas fondé à demander l'octroi d'une indemnité en compensation de la perte de la surface corespondant à ladite assiette ;
Considérant, en revanche, qu'en vertu des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 21 du code rural, "le paiement de soultes en espèces est ... autorisé lorsqu'il y a lieu d'indemniser les propriétaires de terrains cédés des plus-values à caractère permanent ; "qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... avait, lorsque le "Chemin noir" était sa propriété, doté ce chemin d'exploitation d'une infrastructure et d'un revêtement permettant le passage de camions et engins lourds ; que, dans les circonstances de l'espèce, cet aménagement spécial du terrain cédé par le requérant doit être regardé comme une plus-value à caractère permanent ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que la décision de la commission départementale est entachée d'illégalité en tant qu'elle ne lui a pas accordé de soulte de ce chef ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d' Amiens a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 14 juin 1977, par laquelle la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l' Aisne a statué sur le remembrement de ses biens sis dans la commune de Sons et Ronchères, en tant que cette décision ne lui a pas accordé de soulte pour l'indemniser des plus-values à caractère permanent résultant des travaux d'aménagement du chemin d'exploitation dit "Chemin noir" ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 5 mai 1981 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. X... dirigées contre la décision dela commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l'Aisne en date du 14 juin 1977 en tant que cette décision n'a pas accordé à M. X... de soulte pour l'indemniser des plus-values à caractère permanent résultant des travaux d'aménagementdu chemin d'exploitation dit "Chemin noir". La décision ci-dessus mentionnée de la commission départementale de réorganisation foncièreet de remembrement de l'Aisne est annulée en tant qu'elle n'accorde pas à M. X... une soulte pour l'indemniser des plus-values à caractère permanent résultant des travaux d'aménagement du chemin d'exploitation dit "Chemin noir".
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'agriculture et de la forêt.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 35545
Date de la décision : 14/03/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - REMEMBREMENT FONCIER AGRICOLE - ATTRIBUTIONS ET COMPOSITION DES LOTS - AMELIORATION DES CONDITIONS D'EXPLOITATION - RAPPROCHEMENT.

AGRICULTURE - REMEMBREMENT FONCIER AGRICOLE - ATTRIBUTIONS ET COMPOSITION DES LOTS - EQUIVALENCE DES LOTS - SOULTES.

AGRICULTURE - REMEMBREMENT FONCIER AGRICOLE - COMMISSIONS DE REMEMBREMENT - COMMISSION DEPARTEMENTALE - POUVOIRS.


Références :

Code rural 19, 22, 20 al. 3, 21, 25
Loi 75-621 du 11 juillet 1975


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 1990, n° 35545
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Gosselin
Rapporteur public ?: Hubert

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:35545.19900314
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