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27/06/1990 | FRANCE | N°65349

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 27 juin 1990, 65349


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 janvier 1985 et 9 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A. X..., demeurant ... Cléré-les-Pins à Savigné-sur-Lathan (37340), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°/ annule le jugement en date du 13 novembre 1984 par lequel le tribunal administratif d' Orléans a rejeté sa demande en décharge 1°) des compléments de la taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1979, 2°) des cotisations à

l'impôt sur le revenu ainsi que de la majoration exceptionnelle mises à sa...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 janvier 1985 et 9 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A. X..., demeurant ... Cléré-les-Pins à Savigné-sur-Lathan (37340), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°/ annule le jugement en date du 13 novembre 1984 par lequel le tribunal administratif d' Orléans a rejeté sa demande en décharge 1°) des compléments de la taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1979, 2°) des cotisations à l'impôt sur le revenu ainsi que de la majoration exceptionnelle mises à sa charge pour les années 1974 à 1978,
2°/ lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Longevialle, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Y.... Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que M. X... n'a contesté la régularité du jugement attaqué que dans son mémoire ampliatif enregistré après l'expiration du délai d'appel ; que son moyen n'est, par suite, pas recevable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse du contribuable à une demande d'information adressée par le service le 27 juillet 1976 en vue de la fixation de son forfait collectif, que les recettes de M. X..., qui exploite un domaine agricole de 600 ruches, ont été tirées exclusivement, pendant les années 1974 à 1979, de la vente, effectuée à titre habituel, d'une préparation de "laboratoire" de l'exploitant assortissant à des doses spécifiques divers produits de ses ruches, dont le "miel" et la "gelée royale", emballés et présentés sous la dénomination "Laidabeille" ;
Sur l'application de la loi fiscale et la régularité de la procédure d'imposition d'office :
Considérant que, par avis dont M. X... a accusé réception le 10 novembre 1978, l'administration a fait connaître à l'intéressé qu'elle allait procéder notamment à la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble et qu'il aurait la faculté, au cours de ce contrôle, de se faire assister d'un conseil de son choix ; que, par cette notification, l'administration, qui n'était tenue, ni d'utiliser un formulaire imprimé, ni de viser l'article 1649 septies du code général des impôts, a fait une mention suffisante de la garantie édictée par ce texte, dont elle a avisé le contribuable en temps utile avant la première intervention du vérificateur le 24 novembre 1978 ; que l'instruction du 30 décembre 1977, traitant de uestions qui touchent à la procédure d'imposition, ne peut être regardée comme comportant une "interprétation du texte fiscal" au sens de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :

Considérant, d'une part, que l'administration a reconstitué les recettes de l'intéressé au titre des années 1974 à 1977, à l'aide de ses factures d'achats et de documents relatifs à ses ventes à l'exportation, ainsi qu'en isolant ceux de ses crédits bancaires qui pouvaient être regardés comme relatifs à son activité ; que si la méthode utilisée était sommaire dans son principe, son emploi a été imposé en l'espèce par l'attitude de rétention systématique de tous documents et pièces relatifs à ses ventes en France opposée par le contribuable à la vérification de sa comptabilité qui se déroulait simultanément et par l'absence de termes de comparaison valables pour une exploitation de la nature de la sienne ; qu'au surplus les résultats obtenus par ladite méthode, aboutissant à des chiffres de recettes de plus de 600 000 F pour 1973, plus de 800 000 F pour 1974 et plus d'un million de francs pour les années suivantes, sont cohérents avec les charges comptabilisées de plus de 400 000 F pour 1974 et 1975 et de plus de 700 000 F pour 1976 et sont corroborés par le chiffre de 1 538 117,79 F ressortant de la déclaration tardive de résultats déposée par M. X... pour 1977, très proche du chiffre de 1 595 651,04 F de la reconstitution pour ladite année ; que, par l'ensemble de ces éléments, l'administration doit être regardée comme justifiant, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, d'une instruction du 4 août 1976 qui ne constitue qu'une simple recommandation de l'administration à ses agents, de ce que les recettes d'origine agricole de M. X... ont, pour chacune des années 1973 à 1977, dépassé la limite de 500 000 F au-delà de laquelle un exploitant agricole est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel en vertu de l'article 69-A du code ; que ce dépassement n'est pas contesté en ce qui concerne l'année 1978 ;

Considérant, d'autre part, qu'aucune des déclarations de résultats auxquelles l'intéressé était tenu en vertu de l'article 38 sexdecies Q de l'annexe III au code n'ayant été déposée pour les années 1974 à 1976, et lesdites déclarations n'ayant été déposées que hors délai pour les années 1977 et 1978, l'administration justifie la procédure d'évaluation d'office qu'elle a suivie pour lesdites années ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 257 4°) du code général des impôts applicables aux années 1974 à 1978 et des dispositions identiques du II 1°) de l'article 298 bis du même code applicables à l'année 1979, sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée "les exploitants agricoles dont les activités sont, en raison de leur nature et de leur importance, assimilables à celles exercées par des industriels ou des commerçants, même si ces opérations constituent le prolongement de l'activité agricole" ; qu'en vertu de l'article 172 de l'annexe II audit code et des dispositions identiques de l'article 260-A de cette annexe prises pour l'application des dispositions législatives précitées, "Sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ... les opérations ci-après réalisées par les exploitants agricoles : - b) Ventes de produits agricoles transformés, préparés ou conservés, lorsque l'intéressé utilise pour les opérations de transformation, de préparation...des installations, agencements ou matériels importants de la nature de ceux dont se servent pour les opérations semblables les industriels ou les commerçants" ;

Considérant que le produit "Laidabeille", dont la marque avait été déposée, était présenté comme une "préparation à base de gelée royale lyophilisée, de miel, d'eau et d'embryons de reine" ; qu'il était commercialisé en boîtes de 26 ampoules en verre soudé accompagnées d'un mode d'emploi comportant l'indication d'origine "laboratoires Landais" ; qu'une telle production, dont une partie importante faisait l'objet d'exportation, implique nécessairement l'usage d'installations et de matériels de la nature de ceux qui sont mentionnés par les textes précités ; que c'est ainsi à bon droit que l'administration a regardé les ventes dudit produit comme passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions susrappelées de l'article 260 A de l'annexe II du code général des impôts ;
Considérant que M. X..., dont le chiffre des affaires faites en France pendant les années 1974 à 1978 a dépassé le chiffre limite du régime d'imposition forfaitaire et qui était obligatoirement soumis au régime simplifié pour l'année 1979 en vertu du II 1°) de l'article 298 bis du code, n'a déposé aucune des déclarations de chiffre d'affaires auxquelles il était tenu suivant le régime d'imposition applicable à chacune desdites années ; qu'ainsi l'administration justifie de la procédure de taxation d'office à laquelle elle a recouru pour la détermination des chiffres d'affaires taxables ;
Sur les autres moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition et sur la charge de la preuve :

Considérant, d'une part, que si M. X... soutient que le vérificateur aurait emporté certains documents comptables sans demande écrite de sa part et que la vérification de sa comptabilité aurait ainsi été entachée d'une irrégularité, il n'apporte, à l'appui de ce moyen, aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, d'autre part, que, par notifications en date des 19 décembre 1978 et 10 mai 1979, le vérificateur a fait connaître à M. X... les procédures d'imposition d'office suivies à son encontre pour les années 1974 à 1977 ainsi que les bases et éléments ayant servi au calcul de ces impositions ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces documents étaient signés par un inspecteur compétent ; que les impositions ayant été établies par voie de taxation ou d'évaluation d'office et non par voie de rectification d'office, le moyen tiré de ce que l'une de ces notifications n'avait pas été visée par un inspecteur principal est inopérant ; que la circonstance qu'en dépit de la situation d'imposition d'office l'administration ait cru devoir suivre la procédure contradictoire est sans influence sur la régularité des procédures d'imposition ;
Considérant enfin que M. X... a la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition ainsi régulièrement arrêtées d'office ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne la détermination des recettes ayant servi de base aux bénéfices agricoles et à la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que, pour établir l'exagération de ses recettes arrêtées d'office, M. X... ne se prévaut pas de sa comptabilité ; que la méthode retenue par le vérificateur pour évaluer ces recettes doit, ainsi qu'il a été dit, être admise ; que le requérant ne propose aucune autre méthode permettant de calculer lesdites recettes avec une meilleure approximation ;
En ce qui concerne la détermination du chiffre d'affaires taxable des années 1978 et 1979 :
Considérant que, pour liquider les droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a assignés au redevable pour les années 1978 et 1979, l'administration a appliqué, pour l'année 1978, le taux de 7 % au chiffre d'affaires hors-taxe qui ressortait du compte d'exploitation générale joint à la déclaration de bénéfice tardivement déposée par M. X... pour ladite année, et a retenu, pour l'année 1979, les quatre acomptes trimestriels de 1/5 de la taxe due au titre de l'année précédente que le redevable aurait dû verser en 1979 en vertu de l'article 1693 bis du code général des impôts ;
Considérant que l'administration, qui avait pris soin, dans ses notifications afférentes aux années 1974 à 1977, de déduire le chiffre d'affaires à l'exportation, évalué par elle-même à 1/4 ou 1/5 des recettes totales, n'a pu, valablement, soumettre à la taxe les exportations des années 1978 et 1979 exonérées par le 1 de l'article 260 du code et qu'elle était ainsi en mesure d'estimer au moins sommairement, en raison de la seule circonstance que ces exportations n'apparaissaient pas de manière distincte sur le compte d'exploitation générale ayant servi de base aux redressements ; que le chiffre des exportations avancé par le requérant pour l'année 1978 de 192 258,24 F, qui représente moins de 1/6 de ses recettes de ladite année, n'étant pas contesté dans son calcul, M. X... doit être regardé comme apportant la preuve de l'exagération de sa base taxable de 190 000 F ; qu'il y a lieu, dès lors, de réduire de 13 300 F, soit 7 % de la somme de 190 000 F ; qu'il y a lieu, dès lors, de réduire de 13 300 F, soit 7 % de la somme de 190 000 F ci-dessus, les droits simples rappelés au titre de l'année 1978, et de 10 640 F, soit les 4/5 de cette taxe de 13 300 F, les acomptes rappelés au titre de l'année 1979 ;

En ce qui concerne la détermination du bénéfice imposable :
Considérant, en premier lieu, qu'en évaluant les bénéfices agricoles "toutes taxes comprises", l'administration a fait une exacte application des "principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales" auxquels se réfère le 1 de l'article 69 quater du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, que le vérificateur ayant porté au compte d'immobilisations les travaux pour soi-même que le contribuable ayant passés en charges ou omis de comptabiliser, le moyen selon lequel lesdits travaux "auraient dû être compris au moins pour partie au titre des immobilisations" manque en fait ; que si M. X... a déposé la déclaration des résultats de son exercice 1978 le 31 décembre 1979, il ne saurait prétendre à la déduction des amortissements déclarés pour la première fois à une date aussi tardive, alors qu'il n'avait jamais fait état desdits amortissements avant la notification du 30 octobre 1979 ayant fixé son bénéfice taxable dudit exercice ; que le moyen présenté à l'encontre de la méthode de reconstitution des stocks en début et en fin d'exercice, retenue par le vérificateur à défaut d'inventaires produits, n'est assorti d'aucune précision ;

Considérant que n'ayant pas effectué la déclaration des commissions versées par lui pendant l'exercice 1978, ainsi qu'il y était pourtant tenu en vertu du 1 de l'article 240 du code, le requérant ne saurait, en tout état de cause, prétendre au bénéfice des dispositions prévues par l'article 238, en cas de première infraction, en faveur des contribuables ayant réparé leur omission avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite, dès lors qu'il n'a effectué la déclaration des commissions en cause qu'à la date du 21 octobre 1980 ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que n'est fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif d'Orléans ait, par le jugement susvisé, rejeté ses demandes en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés qu'en ce qui concerne des rappels de 13 300 F et 10 640 F en droits simples auxquels il a été assujetti, respectivement, au titre des années 1978 et 1979 ; que M. X... n'est, en revanche, pas fondé à soutenir que c'est à tort que ce tribunal a, par le même jugement, rejeté ses demandes en décharge des impositions contestées à l'impôt sur le revenu ;
Article 1er : Il est accordé à M. X... la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge des années 1978 et 1979 de droits simples, respectivement, de 13 300 F et de 10 640 F et des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif d'Orléans, en date du 13 novembre 1984, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 65349
Date de la décision : 27/06/1990
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

CGI 1649 septies, 1649 quinquies E, 1649 quinquies, 69 A, 298 bis, 1693 bis, 257 par. 4, 69 quater, 260, 238, 240 1
CGIAN2 260 A, 172
CGIAN3 38 sexdecies Q
Instruction du 04 août 1976
Livre des procédures fiscales L80


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 1990, n° 65349
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: de Longevialle
Rapporteur public ?: Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:65349.19900627
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