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30/11/1990 | FRANCE | N°53636

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 30 novembre 1990, 53636


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août 1983 et 14 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE ; cette société demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1983 par lequel le tribunal adminisratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier général d'Angoulême à lui verser une indemnité de 2 977 390 F avec intérêts de droit ;
2° condamne le centre hospitalier à lui verser la somme de 2 977 390 F avec les

intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août 1983 et 14 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE ; cette société demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1983 par lequel le tribunal adminisratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier général d'Angoulême à lui verser une indemnité de 2 977 390 F avec intérêts de droit ;
2° condamne le centre hospitalier à lui verser la somme de 2 977 390 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Maugüé, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE et de Me Cossa, avocat du centre hospitalier général d'Angoulême,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 51 alinéa 3 du cahier des clauses administratives générales annexé à la circulaire du 1er février 1967 auquel se réfère le marché litigieux : "si dans le délai de six mois, à dater de la notification de la décision intervenue sur les réclamations auxquelles aura donné lieu le décompte général et définitif de l'entreprise, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il sera considéré comme ayant adhéré à ladite décision et toute réclamation se trouvera éteinte" ; que, si, par une lettre du 29 octobre 1980, le directeur du centre hospitalier général d'Angoulême s'est prononcé sur les divers chefs de la réclamation présentée par la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE sur le décompte général et définitif qui lui avait été adressé le 31 janvier 1980, en proposant le versement d'une somme de 413 577 F, cette lettre qui invitait la société à faire connaître sa position sur cette proposition n'avait que le caractère d'une proposition intermédiaire et ne prenait pas définitivement parti sur la réclamation de la société ; que par suite c'est à tort que, pour rejeter la demande de cette société, les premiers juges se sont fondés sur ce que, faute d'avoir contesté cette proposition dans le délai contractuel, la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE était réputée avoir adhéré à celle-ci ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur les charges extra-contractuelles supportées par l'entreprise :
Considérant que l'entreprise affirme avoir dû supporter des charges extracontractuelles imprévisbles résultant d'une part de l'intervention de la loi du 16 juillet 1976 ramenant de 48 heures à 44 heures la durée hebdomadaire du travail dans le secteur du bâtiment et d'autre part de la sécheresse de l'été 1976 ; qu'elle évalue les incidences économiques de ces événements respectivement à 537 622 F et à 101 787 F ; que cette charge supplémentaire ne représente que 3 % environ du montant définitif du marché et ne saurait dès lors être regardée comme ayant entraîné un bouleversement de l'équilibre financier du marché qui, seul aurait pu ouvrir droit à indemnité au profit de la société ;
Sur les sujétions imprévues supportées par l'entreprise :
Considérant que l'entreprise soutient qu'elle a dû supporter des sujétions imprévues du fait d'une tempête qui a eu lieu les 1er et 2 décembre 1976 et d'intempéries exceptionnellement importantes au cours de l'automne et de l'hiver de l'année 1977 ; qu'il résulte de l'instruction que ces événements naturels n'ont pas revêtu un caractère exceptionnel et imprévisible ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à demander à ce titre une indemnisation pour sujétions imprévues ;
Sur le moyen tiré de modifications unilatérales du contrat par le centre hospitalier :
Considérant, d'une part, que le contrat passé entre la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE et le centre hospitalier général d'Angoulême portait sur la réalisation d'une tranche ferme d'un montant de 13,789 millions de francs hors taxe et d'une tranche optionnelle d'un montant de 1,848 millions de francs hors taxe, comportant elle-même deux fractions ; qu'en ne confiant pas à la société COIGNET la réalisation de la deuxième fraction de la tranche optionnelle, portant sur la construction de logements et d'un internat, le centre hospitalier n'a porté aucune atteinte au droit de l'entreprise à exécuter dans leur intégralité les travaux qui lui ont été confiés, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ledit centre aurait pris la décision de confier à la société la réalisation de cette tranche sur laquelle elle n'avait qu'une option ;

Considérant, d'autre part, que si de légères modifications des prestations prévues par le dossier d'appel d'offres ont été apportées au contrat avant la signature de celui-ci, la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE a accepté ces modifications en signant le contrat définitif ; que les prestations qui lui ont été demandées ont été en tout point conformes à celles prévues dans ce contrat ; qu'ainsi la société n'est pas fondée à demander une indemnité de ce chef ;
Considérant, enfin, que l'aggravation des charges alléguées par la société COIGNET et résultant de divers retards imputés au centre hospitalier ne résulte que du fait de l'entrepreneur lui-même ; que par suite celui-ci n'est pas fondé à en demander réparation ;
Sur le moyen tiré du non-respect, par le centre hospitalier, de ses obligations contractuelles :
Considérant que le centre hospitalier a procédé à diverses retenues sur situations sur le montant réglé à la société COIGNET, au titre notamment de retards dans les travaux de finition et nettoyage et de retards dans les travaux ; qu'il résulte de l'instruction que ces diverses retenues étaient justifiées eu égard aux stipulations contractuelles, en particulier aux articles 4-5-1 et 4-2 du cahier des prescriptions spéciales ; que les imputations au compte prorata ont été opérées conformément auxdites stipulations ;
Considérant, en revanche que c'est à tort qu'un rabais de 2 % a été opéré au profit du centre hospitalier régional sur la partie de la tranche optionnelle exécutée par la société, l'ordre de service de démarrage de ces travaux n'ayant été délivré à la société que le 9 mars 1977, soit plus de douze mois après le premier ordre de service, alors que l'article 12-2 du cahier des prescriptions spéciales subordonnait l'octroi d'un tel rabais à la condition explicite que la tranche optionnelle soit lancée dans les douze mois suivant la délivrance du premier ordre de service ; que la société COIGNET est par suite, fondée à demander une indemnité de 52 661,63 F à ce titre ;

Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE a droit aux intérêts de la somme de 52 661,63 F à compter du 31 janvier 1980, jour de la réception par le centre hospitalier général d'Angoulême de sa demande d'indemnisation ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 octobre 1983 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête et à demander que le centre hospitalier général d'Angoulême soit condamné à lui verser une indemnité de 52 661,63 F avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1980 et capitalisation des intérêts au 14 octobre 1983 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 juin 1983 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier général d'Angoulême est condamné à verser à la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE la somme de 52 661,63 F avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1980. Les intérêts échus le 14 octobre 1983 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COIGNET ENTREPRISE, au centre hospitalier général d'Angoulême et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 53636
Date de la décision : 30/11/1990
Sens de l'arrêt : Indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - APPEL - Effet dévolutif - Existence - Rejet d'une demande d'indemnité fondé à tort sur la renonciation tacite du cocontractant à toute action contentieuse.

39-08-04-01, 54-08-01-04-01 Aux termes de l'article 51 alinéa 3 du cahier des clauses administratives générales annexé à la circulaire du 1er février 1967 auquel se réfère le marché litigieux : "si dans le délai de six mois, à dater de la notification de la décision intervenue sur les réclamations auxquelles aura donné lieu le décompte général et définitif de l'entreprise, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il sera considéré comme ayant adhéré à ladite décision et toute réclamation se trouvera éteinte". Si, par une lettre du 29 octobre 1980, le directeur du centre hospitalier général d'Angoulême s'est prononcé sur les divers chefs de la réclamation présentée par la Société Coignet Entreprise sur le décompte général et définitif qui lui avait été adressé le 31 janvier 1980, en proposant le versement d'une somme de 413 577 F, cette lettre qui invitait la société à faire connaître sa position sur cette proposition n'avait que le caractère d'une proposition intermédiaire et ne prenait pas définitivement parti sur la réclamation de la société. Par suite, c'est à tort que, pour rejeter la demande de cette société, les premiers juges se sont fondés sur ce que, faute d'avoir contesté cette proposition dans le délai contractuel, la Société Coignet Entreprise était réputée avoir adhéré à celle-ci. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Coignet entreprise devant le tribunal administratif.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - EFFET DEVOLUTIF ET EVOCATION - EFFET DEVOLUTIF - Rejet d'une demande d'indemnité fondé à tort sur la renonciation tacite du cocontractant à toute action contentieuse.


Références :

Circulaire du 01 février 1967
Code civil 1154
Loi 76-657 du 16 juillet 1976


Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 1990, n° 53636
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: Mme Maugüé
Rapporteur public ?: M. Stirn

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:53636.19901130
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