Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 septembre 1984 et 24 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 21 juin 1984 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1974 dans les rôles de la commune de Gennevilliers (93) à raison de ses revenus d'origine indéterminée ;
2° lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. Jacques X...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il resssort des dispositions des articles 176 et 179 du code général des impôts que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'il a pu percevoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, et de le taxer d'office s'il s'abstient de répondre ou s'il n'apporte pas les justifications demandées ;
Considérant, d'une part, qu'à la suite de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble dont M. Jacques X... a fait l'objet, l'administration a établi, au titre de l'année 1974, une balance de trésorerie qui a fait ressortir une discordance d'un montant de 250 902 F entre le montant des disponibilités employées de ce contribuable et celui des sommes susceptibles d'expliquer à la fois son train de vie et l'évolution de son patrimoine ; que l'adminisration était, dans ces conditions, en droit de lui demander de justifier l'origine des disponibilités qui lui avaient permis de couvrir l'ensemble des dépenses qu'il avait faites en 1974 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à cette demande, M. X... a justifié de ce que "l'acquisition" du pavillon de Gennevilliers qui avait été portée en disponibilités employées dans la balance de trésorerie pour une somme de 167 000 F correspondait seulement au règlement partiel du partage de l'actif successoral de son père décédé en 1958 et n'avait donné lieu à aucun décaissement de sa part ; que, pour le surplus, il s'est borné à faire état du remboursement, le 27 décembre 1973, de bons de caisse anonymes acquis avec le produit de la vente de pièces d'or provenant de la succession de son père ; que s'il a ulérieurement produit, pour justifier ce remboursement, une attestation bancaire, celle-ci ne permettait, toutefois, de déterminer ni l'identité du souscripteur des bons ni celle du bénéficiaire de leur remboursement ; qu'une telle réponse a été, en raison de son imprécision, à bon droit regardée comme une absence de réponse en ce qui concerne les sommes d'un montant de 83 902 F dont M. X... restait tenu de justifier l'origine ;
Considérant, d'autre part, que si l'administration était ainsi en droit de taxer d'office le requérant à concurrence de la somme susmentionnée de 83 902 F qu'il n'avait pu justifier, elle ne pouvait, en revanche, porter ce montant à 126 557 F en se fondant sur une nouvelle balance de trésorerie sans lui avoir préalablement demandé de justifier l'origine des ressources supplémentaires qu'elle estimait avoir décelées ; qu'il suit de là que la procédure d'imposition suivie à l'encontre de M. X... doit être regardée comme irrégulière dans la mesure où elle a conduit à retenir une base d'imposition supérieure à la somme de 83 902 F ;
Considérant, enfin, que M. X... dont l'imposition avait été établie par voie de taxation d'office, conformément aux textes précités, n'était pas en droit de demander que le différend qui l'opposait à l'administration fut soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, en premier lieu, que si M. X... produit l'inventaire de la succession de son père ainsi que deux attestations de visite aux coffres-forts de sa banque, il ne fournit pas, ce faisant, de justifications de nature à établir qu'il avait acheté des bons de caisse anonymes et en avait obtenu le remboursement le 27 décembre 1973 ; que le requérant qui reconnait au surplus que sa banque lui a fait savoir qu'elle n'était matériellement pas en mesure de lever l'anonymat de ces bons, ne rapporte pas, par le moyen qu'il invoque, la preuve dont il a la charge de l'origine de la somme de 83 902 F dont il a disposé en 1974 ;
Considérant, en second lieu, que M. X... ne saurait prétendre apporter la preuve que ses dépenses de train de vie en espèces, estimées par l'administration à 36 000 F, se seraient en réalité limitées à 28 500 F, en se bornant à produire les talons des chèques de retrait tirés par lui en 1974 ; qu'il résulte de l'instruction que les intérêts du compte d'épargne logement ouvert à son nom à la caisse d'épargne de Paris s'élèvent à 3 512 F, montant retenu par le vérificateur, et non à 5 857 F ainsi que le prétend le requérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander la réduction de 126 557 F à 83 902 F la base du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1974 et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Article 1er : La base à retenir pour le calcul du supplément d'impôt sur le revenu dû par M. X... au titre de l'année 1974 est fixé à 83 902 F.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant de l'impôt auquel il a été assujetti et celui résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 juin 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... etau ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.