La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/1991 | FRANCE | N°53128

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 20 mars 1991, 53128


Vu la décision du 18 mars 1989 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux (5è et 3ème sous-sections réunies), a sur la requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE tendant à l'annulation du jugement du 15 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à payer à Mme Y..., une indemnité de 215 000 F et à M. Gérard Y... une indemnité de 50 000 F ordonné, avant dire droit une expertise ;
Vu, enregistré le 19 septembre 1988 le rapport d'expertise déposé par le docteur Bernard X..., désigné par ordonnance du 27 mai 1988 du Président

de la section du contentieux du Conseil d'Etat ;
Vu les autres pièce...

Vu la décision du 18 mars 1989 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux (5è et 3ème sous-sections réunies), a sur la requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE tendant à l'annulation du jugement du 15 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à payer à Mme Y..., une indemnité de 215 000 F et à M. Gérard Y... une indemnité de 50 000 F ordonné, avant dire droit une expertise ;
Vu, enregistré le 19 septembre 1988 le rapport d'expertise déposé par le docteur Bernard X..., désigné par ordonnance du 27 mai 1988 du Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Odent, avocat du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE et de la SCP Le Prado, avocat de Mme Y... et de M. Gérard Y...,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Y... a été adressé d'urgence par son médecin traitant le 9 juillet 1976 au service de rhumatologie du centre Hospitalier de Rangueil à Toulouse en raison de "phénomènes douloureux polyarticulaires multiples" qu'il présentait ; que le malade fut examiné le même jour vers 11 heures par le chef de service qui procèda à un examen clinique, prescrivit des prélèvements articulaires et des analyses sanguines, notamment avec hémoculture, et décida enfin en raison d'une tuméfaction importante de la joue gauche de M. Y... son envoi à l'Hôtel-Dieu de Toulouse pour qu'il fasse l'objet d'un examen dans le service de stomatologie de cet établissement ; qu'au cours du transfert en ambulance le ramenant au centre hospitalier de Rangueil, M. Y... décéda vers 16 h30 des suites d'une défaillance cardiaque due à une septicémie suraigüe avec atteinte du myocarde ;
Sur la responsabilité :
Considérant que s'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise ordonnées tant par le juge pénal que par le tribunal administratif, puis par le Conseil d'Etat que si, eu égard aux antécédents de la victime et aux symptômes constatés lors de son admission dans le service hospitalier, le diagnostic d'une septicémie ne pouvait être posé avant que soient connus les résultats des analyses biologiques prescrites, cette incertitude sur la nature de l'affection commandait de suivre avec attention sous la surveillance directe de médecins compétents, l'évolution de son état ; que la décision d'envoyer M. Y... en consultation dans un service de stomatologie d'un autre hôpital pour rechercher si la tuméfaction de la joue qu'il présentait avait une cause relevant de cette spécialité médicale a constitué une imprudence ayant le caractre d'une faute lourde, alors que plusieurs médecins de l'antenne de stomatologie de l'hôpital de Rangueil étaient présents à ce moment et pouvaient, sinon entreprendre un traitement complexe, du moins constater, comme l'a fait le chef de service de stomatologie de l'Hôtel-Dieu, trois heures plus tard, que la tuméfaction n'avait pas une cause relevant de cette spécialité ; qu'en outre, le transport du retour de l'Hôtel-Dieu à l'hôpital de Rangueil, au cours duquel M. Y... est décédé, a été effectué dans une ambulance sans assistance médicale qui devait faire un détour pour prendre un malade dans un autre établissement alors qu'il ressort des rapports d'expertise que le médecin qui avait examiné M. Y... à l'Hôtel-Dieu avait pris la précaution de l'assister personnellement jusqu'à son départ ; qu'il n'est pas établi que le malade était atteint, au moment où il a été décidé de l'envoyer en consultation ou même au moment où il est reparti pour l'hôpital de Rangueil, de lésions irréversibles devant entraîner sa mort quels que soient les soins qui pouvaient lui être administrés ; qu'ainsi des fautes médicales lourdes et des fautes dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ont fait perdre les chances qu'avait M. Y... de survivre à sa maladie ; que ces fautes engagent la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE ;

Considérant que le fait pour l'épouse de la victime, d'avoir transporté cette dernière en automobile, la veille de son décès, de son lieu de vacance en Espagne à Limoux où devait être prise la décision de l'hospitaliser, n'est pas constitutif d'une faute de nature à atténuer la responsabilité du centre hospitalier ;
Sur le montant des indemnités :
Considérant que la caisse régionale d'assurance-maladie des professions libérales, à qui la demande des consorts Y... a été communiquée tant par le tribunal administratif que par le Conseil d'Etat, n'a pas déclaré avoir versé de prestations à la suite du décès de l'intéressé ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les consorts Y... aient perçu de cette caisse ou de tout autre organisme une indemnité qui aurait en tout ou partie compensé le préjudice qu'ils ont subi du fait du décès de M. Jean-Pierre Y... ;
Considérant que pour évaluer la perte de revenus provoquée par le décès, les premiers juges se sont fondés à bon droit sur les déclarations fiscales de l'intéressé ; que le centre hospitalier n'établit pas que ces déclarations auraient majoré le revenu réel de la victime ;
Considérant que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation du dommage, en fixant à 215 000 F le montant des indemnités qu'il a allouées en compensation de la perte de revenus, de la douleur morale et des troubles dans ses conditions d'existence éprouvés par Mme Y... à la suite du décès de son mari et à 50 000 F le montant du préjudice subi par son fils M. Gérard Y... ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE, par la voie de l'appel principal et les consorts Oulié par la voie de l'appel incident ne sont, dès lors, pas fondés à demander l'annulation ou la réformation du jugement attaqué ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE ;
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DETOULOUSE, ensemble les conclusions du recours incident des consorts Y... sont rejetées.
Article 2 : Les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat sont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE, à Mme Jean-Pierre Y..., à M. Gérard Y..., à la caisse régionale d'assurance maladie des professions libérales de Bourges et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé.


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award