Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 septembre 1988 et 12 octobre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. et Mme X...
Y..., demeurant ... ; M. et Mme X...
Y... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 1986 par laquelle le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a rejeté leur recours gracieux contre la décision en date du 13 août 1986 portant refus d'agrément de leur candidature à l'adoption d'un enfant, ensemble cette dernière décision ;
2°) annule pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le décret n° 85-938 du 23 août 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision du 13 août 1986 confirmée sur recours gracieux par une décision du 9 octobre 1986, le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande d'agrément aux fins d'adoption d'un pupille de l'Etat présentée par M. et Mme X...
Y... en application de l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande des intéressés dirigée contre ces deux décisions ;
Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant qu'après avoir saisi le Conseil d'Etat d'une requête introductive d'instance non motivée enregistrée le 17 septembre 1988 au secrétariat du Contentieux, M. et Mme X...
Y... ont produit un nouveau mémoire enregistré le 12 octobre 1988 et contenant l'énoncé de plusieurs moyens ; que si le jugement attaqué en date du 6 juillet 1988 a été notifié aux époux X...
Y... par une lettre du 19 juillet 1988, aucune pièce du dossier n'établit que les requérants auraient reçu cette lettre plus de deux mois avant la date susmentionnée du 12 octobre 1988 ; que, par suite, le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que la requête des époux X...
Y... n'était pas recevable faute d'avoir été motivée dans le délai du recours contentieux ;
Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :
Considérant que le président du conseil général de la Seine Saint-Denis n'établit pas les dates auxquelles ses décisions du 13 août 1986 et du 9 octobre 1986 ont été notifiées à M. et Mme X...
Y... ;
Sur la légalité des décisions contestées :
En cequi concerne la décision du 13 août 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 23 août 1985 relatif à l'agrément des personnes qui souhaitent adopter un pupille de l'Etat : "Tout refus d'agrément doit être motivé dans les conditions fixées à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée. Il ne peut être motivé par la seule constatation de l'âge ou de la situation matrimoniale du demandeur ou de la présence d'enfants à son foyer" ;
Considérant, d'une part, que la décision du 13 août 1986 refusant l'agrément sollicité par M. et Mme X...
Y... mentionne que les intéressés ne présentent pas "les garanties d'ordre psychologique nécessaires à l'adoption d'un enfant" ; qu'une telle motivation satisfait aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant, d'autre part que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'agrément ait été motivé, en réalité, par leur âge ou par la circonstance que M. BER Y... avait eu trois enfants d'un premier mariage ; qu'ainsi la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 23 août 1985 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X...
Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 août 1986 ;
En ce qui concerne la décision du 9 octobre 1986 rejetant le recours gracieux formé contre la décision du 13 août 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret susmentionné du 23 août 1985 : "Pour l'instruction de la demande, le responsable du service de l'aide sociale à l'enfance fait procéder à toutes les investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil que le demandeur est susceptible d'offrir à des enfants sur les plans familial, éducatif et psychologique. Ces investigations sont confiées à des praticiens et professionnels qualifiés figurant sur une liste arrêtée par le président du conseil général sur la proposition de l'agent responsable du service de l'aide sociale à l'enfance" ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 5 du même décret, "la personne qui sollicite l'agrément peut demander que tout ou partie des investigations effectuées en application de l'article 4 soient effectuées une seconde fois et par d'autres personnes que celles auxquelles elles avaient été confiées." ; que les requérants soutiennent que la décision du 9 octobre 1986 rejetant leur recours gracieux a été prise en méconnaissance des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 5 du décret du 23 août 1985 ;
Considérant que, devant les premiers juges, M. et Mme X...
Y... avaient notamment soutenu que la motivation des décisions contestées était insuffisante ; qu'ainsi, le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que le moyen susanalysé, qui concerne également la légalité externe de la décision du 9 octobre 1986, serait fondé sur une cause juridique différente de celle des moyens soulevés par les intéressés en première instance et constituerait une demande nouvelle irrecevable en appel ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 4 et 5 du décret du 23 août 1985 que le président du conseil général était tenu de faire droit à la demande, présentée par M. et Mme X...
Y... dans leur recours gracieux contre la décision du 13 août 1986, tendant à ce qu'il soit procédé à de nouvelles investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil qu'ils étaient susceptibles d'offrir à des enfants ; que, par suite, sa décision du 9 octobre 1986, rejetant ledit recours gracieux, prise sans qu'il ait été procédé aux nouveaux examens sollicités, est entachée d'illégalité ; que M. et Mme X...
Y... sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de ladite décision ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 juillet 1988 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X...
Y... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X...
Y..., au président du conseil général de la Seine-Saint-Denis et au ministre des affaires sociales et de la solidarité.