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23/10/1991 | FRANCE | N°71792;72822

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 23 octobre 1991, 71792 et 72822


Vu 1°) sous le n° 71 792, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 août 1985 et 27 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société Electrolux S.A., ayant son siège ..., et représentée par son président-directeur général en exercice ; la société Electrolux S.A. demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 18 juin 1985 en tant que par ce jugement le tribunal administratif d' Amiens n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels

elle a été assujettie au titre des années 1974, 1975 et 1976,
- prononce la ...

Vu 1°) sous le n° 71 792, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 août 1985 et 27 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société Electrolux S.A., ayant son siège ..., et représentée par son président-directeur général en exercice ; la société Electrolux S.A. demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 18 juin 1985 en tant que par ce jugement le tribunal administratif d' Amiens n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1974, 1975 et 1976,
- prononce la décharge des impositions contestées ;
Vu 2°) sous le n° 72 822, le recours enregistré le 10 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 18 juin 1985 en tant que par ce jugement le tribunal administratif d'Amiens a déchargé, à concurrence de 2 799 243 F et des intérêts de retard y afférents, la société anonyme Electrolux de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976 ;
- rétablisse à la charge de la société l'imposition contestée ;
- à titre subsidiaire, remette à la charge de la société l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1976 correspondant à la base d'imposition de 887 793 F et de réformer en ce sens le jugement du 18 juin 1985 du tribunal administratif d'Amiens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de société Electrolux et de Me Delvolvé, avocat de la S.A. Electrolux,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la société Electrolux S.A. et le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget susvisé sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif d'Amiens a été saisi de deux demandes distinctes, l'une émanant de la société Electrolux S.A., ayant trait aux impositions de ladite société à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1974 à 1976, la seconde émanant de la société anonyme Electrolux Production, et ayant trait aux suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1975 et 1976 ; que compte tenu de la nature de l'impôt sur les sociétés et quels que fussent en l'espèce les liens, de fait et de droit entre les impositions en cause, le tribunal administratif devait statuer par des décisions séparées, sur chacune des demandes des deux personnes morales ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public qu'il a prononcé la jonction des instances ; que, dès lors, le jugement attaqué en date du 18 juin 1985, doit être annulé en tant qu'il concerne la société Electrolux S.A. ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de cette société dans les limites des conclusions de l'appel de la requérante et du recours du ministre ;

Sur la requête d'Electrolux S.A. :
Sur la réintégration des pertes consécutives aux abandons de créances sur la société Tornado :
Considérant que la société Electrolux S.A., soutient que les abandons de créances respectivement de 3 500 000 F et de 2 500 000 F ont été consenties par les différentes sociétés du groupe Electrolux, membres d'une société en participation, à la société Tornado à des fins relevant essentiellement de l'activité commerciale desdites sociétés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que c'est à la suite des graves difficultés rencontrées par la société Tornado qui représentait 20 % environ des débouchés d'Electrolux Industrie et après que cette dernière société ait consenti à la société Tornado des aides régulières et importantes entre 1973 et 1976, notamment sous la forme de réductions progressives des marges brutes et d'allongements des délais de paiement sans contrepartie d'intérêts, que les actionnaires de la société Tornado sont convenus avec le groupe Electrolux d'un plan de redressement comportant notamment une prise de contrôle par Electrolux S.A. de 60 % du capital de Tornado et des abandons de créances susrappelés réalisés au cours du même exercice 1976 ; que, compte tenu de la valeur négative estimée en 1976 de l'actif net de la société Tornado et de la souscription dans l'augmentation du capital de la société Tornado effectuée par Electrolux S.A. en même temps que les abandons de créances dont s'agit, l'administration n'établit pas que l'acquistion de 60 % du capital de Tornado n'a pas été, par la seule souscription des actions nouvelles, payée au juste prix ; que la requérante doit être regardée comme ayant agi dans le cadre d'une gestion normale de ses intérêts en consentant les abandons de créances précités à des fins relevant essentiellement de son activité commerciale ; que, dès lors, c'est à tort que l'administration a refusé de retenir, à proportion de ses droits dans la société en participation, la somme de 6 000 000 F comme une perte déductible des résultats de la société Electrolux S.A. ;

Sur la réintégration dans les bénéfices imposables des intérêts non perçus de la société Dimelec :
Considérant que l'administration a réintégré, directement dans les résultats de l'exercice 1974 de la société Electrolux S.A. et dans les résultats des exercices 1975 et 1976 de cette société, à proportion de ses droits dans la société en participation, les intérêts estimés dus par la société Dimelec sur les avances en compte-courant consenties par la société Electrolux S.A. et qui n'avaient pas été réclamés à concurrence des créances douteuses détenues par la société Dimelec ; que pour contester que cet abandon d'intérêts ait constitué de sa part un acte anormal de gestion, la société requérante est fondée à invoquer les accords de gestion intervenus entre les parties pour fixer, en application de conventions du 1er février 1971 et du 9 avril 1975, les modalités de prise en charge par la société Electrolux S.A. des créances irrécouvrables ; qu'en application de ces accords de gestion, la société prenait à sa charge, sous forme de provisions, les créances échues et impayées depuis plus de six mois et créditait le compte-courant de sa filiale Dimelec du "principal de la portion irrécouvrable des contrats financés" ; que compte tenu des relations étroites entre les diverses sociétés du groupe Electrolux et leur filiale Dimelec, appartenant au groupe à 90 %, c'est à tort que l'administration, en se bornant à se référer à la convention de 1975 qui n'avait pas modifié les accords entre les parties, a réintégré, pour 1974, les intérêts de 504 081 F et, pour 1975 et 1976, la part de 64 % correspondant aux droits de la société Electrolux S.A. des intérêts de 472 276 F en 1975 et de 449 800 F en 1976 afférents auxdites créances dans les bases imposables ;

Sur le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget :
Considérant qu'il est constant que la société Electrolux S.A. a déclaré avoir perçu de la société Electrolux Production une indemnité dite d'éviction en 1976 des locaux à usage industriel qu'elle occupait à Courbevoie, d'un montant de 6 300 000 F dont elle a déclaré la plus-value nette comme, d'une part, à hauteur de 2 881 299 F, dégagée à court terme de la perte des installations et, d'autre part, à hauteur de 2 717 186 F, contrepartie de la perte du droit au bail ; qu'en conséquence, compte tenu d'un étalement sur trois ans, le tiers de la première somme a été initialement imposée dans les résultats de l'exercice 1976 alors que la seconde somme l'était au taux réduit de 15 % des plus-values à long terme prévu à l'article 39 duodecies 3 du code général des impôts applicable aux éléments d'actif immobilisés depuis plus de deux ans et non amortissables ;
Considérant que le ministre de l'économie, des finances et du budget, pour contester que le tribunal administratif ait refusé de regarder l'ensemble de l'indemnité perçue comme imposable à court terme, comme l'avait fait l'administration en mettant à la charge du contribuable un supplément d'imposition à l'impôt sur les sociétés de 1 911 450 F, soutient que ladite indemnité, compte tenu des décisions de réinstallations prises par le groupe Electrolux, serait en réalité destinée à compenser des dépenses engagées par la requérante, en l'absence de résiliation du droit au bail ; qu'en se contentant d'alléguer sans produire aucune estimation chiffrée que les conditions de locations correspondraient de fait à une valeur nulle des éléments incorporels ou en invoquant également l'absence de déclaration des droits d'enregistrements qui est, dans le cas de résiliation de l'espèce, sans influence, le ministre n'apporte pas la preuve qui incombe à l'administration de l'inexacte qualification de la partie litigieuse de l'indemnité dont s'agit ;

Considérant que, par ailleurs, si sous la forme d'une demande de compensation formulée par voie de recours incident, la société Electrolux S.A. soutient au contraire que l'ensemble de l'indemnité perçue doit être regardée comme la contrepartie de la perte d'éléments incorporels d'actif, au motif des erreurs commises par son comptable qui n'aurait pas tenu compte de l'abandon des installations et dans la mesure où, contrairement à l'administration, l'intéressée fait état de la stabilité et des conditions très favorables de location conférant au droit au bail une valeur importante, elle n'apporte pas devant le juge de l'impôt les justifications nécessaires pour établir l'inexactitude de ses déclarations et des écritures comptables correspondantes ;
Considérant, enfin, que comme le rappelle le ministre à titre subsidiaire, l'imposition primitive calculée sur les plus-values déclarées ayant été de 887 793 F, il convient de décharger le contribuable seulement du supplément d'imposition de 1 911 450 F mis à tort à sa charge par l'administration au titre de l'année 1976 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la société Electrolux S.A. est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en réduction de ses résultats imposables de 504 081 F en 1974 et de la fraction de 472 276 F en 1975 et de 6 449 800 F en 1976 correspondant à ses droits dans la société en participation du groupe Electrolux, et que, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et du budget est seulement fondé à soutenir que le supplément d'impôt à l'impôt sur les sociétés auquel il a été assujetti la société Electrolux S.A. au titre de l'année 1976 ne soit réduit que de 1 911 450 F ;
Article 1er : Le jugement du 18 juin 1985 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il concerne la société Electrolux S.A. et dans la limite des conclusions présentée devant le Conseil d'Etat.
Article 2 : Pour le calcul de l'impôt sur les sociétés des années 1974, 1975 et 1976 et de la contribution exceptionnelle au titre de l'année 1976, les résultats de la société Electrolux S.A. sont réduits respectivement de 504 081 F en 1974 et de la fraction de 472 276 F en 1975 et de 6 449 800 F correspondant aux droits de la société Electrolux S.A. dans la société en participation du groupe Electrolux.
Article 3 : La société Electrolux S.A. est déchargée, d'une part, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976 à concurrence de 1 911 450 F, ainsi que, d'autre part, de la différence entre le montant de l'impôt sur les sociétés et de la contribution exceptionnelle résultant de l'article 2 ci-dessus et celui de l'impôt mis à sa charge.
Article 4 : Les conclusions de la demande dans la limite des conclusions de la requête de la société Electrolux S.A. et le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et du budget sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Electrolux S.A. et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 71792;72822
Date de la décision : 23/10/1991
Sens de l'arrêt : Réduction décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION - Avantages consentis à des filiales - Absence de gestion anormale - (1) Abandon de créance consenti par une société à l'occasion d'une prise de contrôle - Caractère commercial dès lors que la prise de contrôle a été payée au juste prix - (2) Avances sans intérêt à une filiale - Normales compte tenu des accords de gestion au sein du groupe.

19-04-02-01-04-082(1), 19-04-02-01-04-083(1) Les actionnaires de la société Tornado sont convenus avec le groupe Electrolux d'un plan de redressement comportant notamment une prise de contrôle par Electrolux S.A. de 60 % du capital de Tornado et des abandons de créances réalisés au cours du même exercice. Compte tenu de la valeur négative de l'actif net de la société Tornado et de la souscription dans l'augmentation du capital de la société Tornado effectuée par Electrolux S.A. en même temps que les abandons de créances dont s'agit, l'administration n'établit pas que l'acquisition de 60 % du capital de Tornado n'a pas été, par la seule souscription des actions nouvelles, payée au juste prix. Electrolux S.A. a agi dans le cadre d'une gestion normale de ses intérêts en consentant ces abandons de créances à des fins relevant essentiellement de son activité commerciale, et c'est à tort que l'administration a refusé de les retenir comme une perte déductible des résultats de la société Electrolux S.A..

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - RELATIONS ENTRE SOCIETES D'UN MEME GROUPE (1) Abandon de créance - Charge déductible - Abandon de créance consenti par une société à l'occasion d'une prise de contrôle - Caractère commercial dès lors que la prise de contrôle a été payée au juste prix - (2) Avances sans intérêt - Charge déductible - Avances normales compte tenu des accords de gestion existants au sein du groupe.

19-04-02-01-04-082(2), 19-04-02-01-04-083(2) L'administration a réintégré dans les résultats de la société Electrolux S.A. les intérêts estimés dus par la société Dimelec sur les avances en compte-courant consenties par la société Electrolux S.A. et qui n'avaient pas été réclamés à concurrence des créances douteuses détenues par la société Dimelec. Pour contester que cet abandon d'intérêts ait constitué de sa part un acte anormal de gestion, la société est fondée à invoquer les accords de gestion intervenus entre les parties pour fixer les modalités de prise en charge par la société Electrolux S.A. des créances irrécouvrables. En application de ces accords de gestion, la société prenait à sa charge, sous forme de provisions, les créances échues et impayées depuis plus de six mois et créditait le compte-courant de sa filiale Dimelec du "principal de la portion irrécouvrable des contrats financés". Compte tenu des relations étroites entre les diverses sociétés du groupe Electrolux et leur filiale Dimelec, appartenant au groupe à 90 %, c'est à tort que l'administration a réintégré les intérêts non réclamés.


Références :

CGI 39 duodecies 3


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 1991, n° 71792;72822
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Zémor
Rapporteur public ?: M. Fouquet
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Me Delvolvé, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:71792.19911023
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