La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/1991 | FRANCE | N°92600

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 18 novembre 1991, 92600


Vu 1°), sous le n° 92 600, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 novembre 1987, présentée pour la SOCIETE ANONYME
X...
dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME
X...
demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 14 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle, ainsi que des pénalité

s afférentes à ces impositions, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1...

Vu 1°), sous le n° 92 600, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 novembre 1987, présentée pour la SOCIETE ANONYME
X...
dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME
X...
demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 14 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1975 et 1976 dans les rôles de la commune de Cambrai (Nord) ;
- lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu 2°), sous le n° 92 712, le recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 novembre 1987, présenté par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, CHARGE DU BUDGET ; le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, CHARGE DU BUDGET demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 14 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a accordé une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles a été assujettie la société anonyme
X...
au titre de l'année 1976 dans les rôles de la commune de Cambrai (Nord) ;
- remette intégralement l'imposition contestée à la charge de la société anonyme
X...
;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de la SOCIETE ANONYME
X...
,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la SOCIETE ANONYME
X...
et le recours du ministre sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le tribunal administratif de Lille, après avoir regardé comme non fondé un redressement apporté aux résultats déclarés par la SOCIETE ANONYME
X...
au titre de l'année 1977 sans répondre à la fin de non-recevoir opposée par l'administration aux conclusions de la demande de la société relatives à ladite année 1977, a prononcé une décharge d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1976 ; qu'ainsi le jugement attaqué, qui a omis d'examiner une fin de non-recevoir expressément soulevée, encourt l'annulation ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de la SOCIETE ANONYME
X...
;
Sur les conclusions relatives à l'année 1977 :
Considérant que des redressements ayant pour seul effet de diminuer le déficit déclaré au titre d'un exercice ne peuvent être contestés qu'à l'occasion d'une demande relative à l'impôt établi au titre de l'année sur laquelle le déficit déclaré a été reporté ; que si le déficit déclaré par la SOCIETE ANONYME
X...
au titre de l'exercice 1977 a été réduit, sa demande n'est pas dirigée contre les compléments d'impôt sur les sociétés qui en seraient résulté pour les années suivantes ; que, dès lors, ses conclusions relatives à l'année 1977, au titre de laquelle elle n'a pas été assujettie à l'impôt sur les sociétés, sont irrecevables ;
Sur les conclusions relatives aux années 1975 et 1976 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'établissement des impositions de l'année 1975 :

Considérant que la société requérante, à laquelle l'administration a régulièrement notifié le 2 juillet 1979 les redressements apportés au titre de l'année 1975 à ses résultats à raison de sa quote-part de bénéfices de la société en participation créée par acte sous-seing privé du 31 décembre 1973 par elle-même et par la S.A.R.L X... Frères, a bénéficié de garanties de la procédure contradictoire et n'est ainsi pas fondée à soutenir que, faute pour l'administration d'avoir engagé la même procédure à l'égard de la société en participation, la procédure d'imposition a été irrégulière ;
En ce qui concerne les redressements sur les rémunérations des dirigeants :
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : "Les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu ..." ;
Considérant que la société en participation a alloué à M. Auguste X..., président-directeur général de la société anonyme et à M. Paul X..., directeur général de la société anonyme et gérant de la société à responsabilité limitée, des rémunérations de 637 000 F et 379 218 F en 1975, et de 695 000 F et 414 024 F en 1976 ; que l'administration a réintégré ces sommes dans le bénéfice imposable de la société, à proportion de sa quote part dans les bénéfices de la société en participation, soit pour des montants de 125 460 F et 136 620 F ; qu'en l'absence de saisine de la commission départementale, l'administration supporte la charge d'établir le bien-fondé de ces redressements ;

Considérant qu'en se bornant à soutenir que les rémunérations litigieuses étaient nettement supérieures à celles des principaux cadres de la société et que le chiffre d'affaires et le bénéfice de celle-ci avaient sensiblement diminué en 1976, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe ; que, dès lors, la société requérante est fondée à demander la décharge des redressements en cause ;
En ce qui concerne la réintégration de la "réserve sur différence d'actif" :
Considérant que la SOCIETE ANONYME
X...
et la S.A.R.L. X... Frères ont fait apport à la société en participation constituée par elles, au 1er janvier 1976, des biens nécessaires à cette exploitation en les inscrivant à l'actif de son bilan ; que la SOCIETE ANONYME
X...
, gérante de la société en participation dont elle tenait la comptabilité en l'intégrant à sa propre comptabilité, constatant un écart de 3 847 712 F entre la valeur comptable pour laquelle les biens apportés figuraient aux bilans des associés, et leur valeur réelle à la date de l'apport, a estimé devoir assurer la cohérance comptable de ces deux valeurs en inscrivant simultanément à l'actif du bilan de la société en participation, les biens apportés à leur valeur réelle et, au passif de ce bilan, une "réserve sur différence d'actif" égale à la différence entre ces deux valeurs ; que dans les circonstances de l'espèce, ces écritures comptables simultanées, inspirées par une interprétation erronée mais de bonne foi de la réponse ministérielle du 13 mars 1976 à M. Y..., constituent des écritures d'apport indissociables qui ont eu pour effet de conférer aux biens apportés à la société en participation et inscrits à son bilan, la valeur comptable pour laquelle il figurait déjà aux bilans des associés ; que l'administration n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'écriture de 3 847 712 F correspondrait à une réévaluation de bilan auquel la société en participation aurait procédé, ou à un passif fictif, devant être réintégré au bénéfice ; qu'en revanche, l'administration est fondée à demander, par voie de compensation, que les amortissements pratiqués par la société en participation au titre de l'exercice clos en 1976, soient calculés sur la base de la valeur pour laquelle les biens apportés à la société en participation ont été effectivement inscrits à son bilan ; qu'ainsi les amortissements pratiqués, soit 3 562 654 F, ne sont déductibles qu'à hauteur que de 2 075 581 F ; qu'il résulte de ce qui précède que le redressement de 3 847 712 F dont le bénéfice de la société en participation a fait l'objet au titre de l'exercice clos en 1976, doit être limité à 1 487 075 F ; que, par voie de conséquence, le redressement assigné de ce chef à la SOCIETE ANONYME
X...
, compte tenu de sa quote part fixée aux 9/10e des résultats de la société en participation, doit être limité à 1 338 367 F ;
En ce qui concerne la réintégration de la provision pour garanties :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées, et que des événements en cours rendent probables ..." ;
Considérant que la société en participation a déduit de ses résultats déclarés au titre de l'exercice 1976 une somme de 140 000 F à titre de provision pour garantie ; que, s'il est constant qu'elle rembourse parfois à ses clients des pièces défectueuses et qu'une telle reprise constitue une charge nettement précisée quant à sa nature, il résulte de l'instruction que la méthode utilisée pour évaluer cette charge ne répond pas à la condition de précision requise par les dispositions de l'article 39-1-5° précité ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les bases imposables de la société requérante, à proportion de sa quote-part dans le bénéfice de la société en participation, le montant de la provision susmentionnée ;
Considérant, enfin, que si la société requérante conteste les intérêts de retard dont il lui a été fait application au titre de l'année 1976 elle n'allègue pas avoir rempli les conditions auxquelles l'article 1728 alinéa 2 du code général des impôts subordonne l'inapplicabilité desdits intérêts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ANONYME
X...
est seulement fondée à contester les redressements qui lui ont été assignés au titre des rémunérations prétendûment excessives versées à ses dirigeants et, dans la mesure indiquée ci-dessus, au titre de la réintégration d'une "réserve sur différence d'actif" et que le surplus de ses conclusions doit être rejeté ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 14 septembre 1987 est annulé.
Article 2 : La SOCIETE ANONYME
X...
est déchargée des redressements à elle assignés au titre des années 1975 et 1976, du fait de la réintégration dans son bénéfice imposable des rémunérations prétendûment excessives versées à ses dirigeants pour des montants respectifs de 125 460 F et 136 620 F.
Article 3 : Le redressement de 3 847 712 F au titre de 1976 notifié à la SOCIETE ANONYME
X...
, du fait de la réintégration d'une réserve sur différence d'actif, est limité en bases à 1 338 367F. La société requérante est, dans cette mesure, déchargée des impositions supplémentaires mises à sa charge.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME
X...
est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME
X...
et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Formation : 7 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 92600
Date de la décision : 18/11/1991
Sens de l'arrêt : Annulation évocation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-03,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - AMORTISSEMENT -Calcul de l'amortissement - Base de calcul - Biens apportés à une société en participation (1) - Valeur d'apport.

19-04-02-01-04-03 Deux sociétés ont fait apport à la société en participation constituée par elles des biens nécessaires à cette exploitation en les inscrivant à l'actif de son bilan. La société gérante de la société en participation dont elle tenait la comptabilité en l'intégrant à sa propre comptabilité, constatant un écart entre la valeur comptable pour laquelle les biens apportés figuraient aux bilans des associés, et leur valeur réelle à la date de l'apport, a estimé devoir assurer la cohérence comptable de ces deux valeurs en inscrivant simultanément à l'actif du bilan de la société en participation, les biens apportés à leur valeur réelle et, au passif de ce bilan, une "réserve sur différence d'actif" égale à la différence entre ces deux valeurs. Dans les circonstances de l'espèce, ces écritures comptables simultanées, inspirées par une interprétation erronée mais de bonne foi de la réponse ministérielle du 13 mars 1976 à M. Mesmin, constituent des écritures d'apport indissociables qui ont eu pour effet de conférer aux biens apportés à la société en participation et inscrits à son bilan, la valeur comptable pour laquelle ils figuraient déjà aux bilans des associés. L'administration n'est, par suite, pas fondée à soutenir que cette écriture correspondrait à une réévaluation de bilan auquel la société en participation aurait procédé ou à un passif fictif devant être réintégré au bénéfice. En revanche, l'administration est fondée à demander, par voie de compensation, que les amortissements pratiqués par la société en participation soient calculés sur la base de la valeur pour laquelle les biens apportés à la société en participation ont été effectivement inscrits à son bilan.


Références :

CGI 39 1, 1728

1.

Rappr. Plénière 1979-07-13, 5763, p. 326 ;

1986-01-27, "Les porcelaines Limoges Castel", T. p. 495


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 1991, n° 92600
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Rapporteur public ?: M. Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:92600.19911118
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award