La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/1992 | FRANCE | N°71584

France | France, Conseil d'État, 10/ 6 ssr, 17 février 1992, 71584


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 août 1985 et 2 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE NANCY, représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 23 septembre 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 20 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser aux époux Y... et à Mme X... respectivement les sommes de 47 102 F et 70 216 F en réparation du préjudice subi par

leur immeuble à la suite de travaux effectués par la ville et a limité au...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 août 1985 et 2 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE NANCY, représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 23 septembre 1985, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 20 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser aux époux Y... et à Mme X... respectivement les sommes de 47 102 F et 70 216 F en réparation du préjudice subi par leur immeuble à la suite de travaux effectués par la ville et a limité au tiers de ces sommes la garantie apportée par la Société Jean Bernard ;
2- rejette les demandes présentées par les époux Y... et Z...
X... devant le tribunal administratif de Nancy ;
3- à titre subsidiaire, condamne solidairement la Société Jean Bernard, M. Paul B... et M. Jean A... à la garantir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Touvet, Auditeur,
- les observations de la SCP Lesourd, Baudin, avocat de la VILLE DE NANCY, de Me Parmentier, avocat de époux Y... et Z...
X..., de Me Cossa, avocat de la société anonyme Jean Bernard, de Me Boulloche, avocat de M. Paul B... et de Me Odent, avocat de M. Jean A...,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de la VILLE DE NANCY :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les désordres constatés sur les immeubles appartenant aux époux Y... et à Mme X... sont la conséquence directe et immédiate des travaux réalisés pour la VILLE DE NANCY sur l'immeuble qui jouxte ceux des époux Y... et de Mme X... ; que, par suite, la VILLE DE NANCY, qui ne saurait arguer des dispositions contractuelles la liant au maître d'oeuvre et à l'entrepreneur pour être déchargée de sa responsabilité, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a décidé que les époux Y... et Z...
X... étaient fondés à demander réparation des désordres constatés à la VILLE DE NANCY ;
Sur l'appel en garantie dirigé contre M. B..., archictecte, et contre M. A..., ingénieur en béton armé :
Considérant que M. B... et M. A... avaient la qualité de concepteurs et avaient la charge notamment des avants projets, des plans d'exécution des ouvrages et du contrôle général des travaux, mais n'étaient responsables d'aucune étude des sols ; qu'il est constant que les désordres ont été provoqués par le forage d'un pieu en béton le 13 novembre 1980, l'instrument de forage ayant rencontré une ancienne maçonnerie et ayant provoqué une onde de choc qui s'est propagée aux immeubles voisins ; que cet accident ne se rattache pas à une mauvaise exécution de leurs missions par MM. B... et A..., qui, au contraire, avaient déjà remarqué, lors d'un rendez-vous de chantier du 3 novembre, l'existence d'anciennes maçonneries et avaient invité l'entreprise à faire preuve de prudence ; qu'il suit de là que la VILLE DE NANCY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de condamner MM. B... et A... à la garantir des indemnités mises à sa charge ;
Sur l'appel en garantie dirigé contre la Société Jean Bernard :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du chapitre II du cahier des clauses techniques particulières : "L'entreprise devra, au cours de ses travaux, assurer toutes les protections nécessaires, étaiements ou autres, afin d'éviter tous dégâts aux murs mitoyens ..." et qu'aux termes de l'article 5 dudit cahier des clauses techniques particulières : "Avant l'exécution de ses travaux, l'entreprise est tenue de procéder aux reconnaissances nécessaires et de procéder, si elle le juge utile, à des sondages" ; qu'il résulte de l'instruction que la Société Jean Bernard, en ne tenant pas compte des observations formulées dans le compte rendu de chantier n° 2 établi le 3 novembre 1980 qui l'informait de l'existence de maçonneries enterrées, a commis une faute dans l'exécution des travaux dont elle avait la charge ; que si la société allègue qu'en participant activement aux travaux préliminaires de la reconnaissance du sol, la VILLE DE NANCY ne saurait voir sa responsabilité totalement dégagée, il résulte de l'instruction que la VILLE DE NANCY n'a imposé aucun procédé spécifique à la société ; que la VILLE DE NANCY est par suite fondée à demander que la garantie que la société Jean Bernard a été condamnée à lui apporter soit portée du tiers à la totalité de sa condamnation ;
Sur le préjudice subi par Mme X... :
Considérant que s'il n'est pas contesté que les travaux de construction réalisés au 105 de la rue Saint-Georges à Nancy ont provoqué des désordres dans l'immeuble mitoyen appartenant à Mme X..., cette dernière n'établit pas que ces travaux sont la cause directe des difficultés qu'elle a rencontrées pour vendre son immeuble ; que, par suite, la VILLE DE NANCY et la Société Jean Bernard, par la voie du recours incident, sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a condamné la VILLE DE NANCY à payer une indemnité de 22 800 F à Mme X... au titre de ce préjudice ;
Sur le montant du dommage subi par Mme X... :

Considérant que la réparation accordée aux victimes ne doit couvrir que le préjudice qu'elles ont subi ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont appliqué un abattement de 28 % sur une partie du montant des dommages matériels constatés pour tenir compte de la vétusté de la cage d'escalier de l'immeuble ; qu'il résulte en outre de l'instruction que le tribunal administratif de Nancy a fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à 44 136 F l'indemnité destinée à Mme X... en réparation des dommages constatés dans son immeuble ;
Sur le montant du dommage subi par les époux Y... :
Considérant, d'une part, que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à 43 582 F le montant de l'indemnité destinée aux époux Y... ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les époux Y... n'établissent pas que les travaux entrepris pour la VILLE DE NANCY le 13 novembre 1980 ne sont pas la cause de la rupture d'une soudure intervenue en août 1982 ; que, dès lors, les époux Y... ne sont pas fondés à soutenir, par la voie du recours incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy ne leur a pas accordé d'indemnités au titre de ce préjudice ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... et les époux Y... ont droit au intérêts des sommes qui leur sont dues à compter du 22 janvier 1982, jour de l'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif de Nancy ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 2 mai 1986 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La somme de 70 216 F que la VILLE DE NANCY aété condamnée à verser à Mme X... par le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 juin 1985 est ramenée à 47 416 F, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 1982. Les intérêts échus le 2 mai 1986 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 2 : La ville de Nancy est condamnée à verser aux époux Y... les intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 1982, sur la somme de 43 582 F qu'elle a été condamnée à leur verser par le jugement du tribunal administratif de Nancy. Les intérêts échus le 2 mai 1986 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : La garantie que la société anonyme Jean Bernard a été condamnée à apporter à la VILLE DE NANCY par le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 juin 1985 est portée à la totalité des sommes que la VILLE DE NANCY est condamnée à verser aux époux Y... et à Mme X....
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 juin 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la VILLE DE NANCY est rejeté, ainsi que le recours incident des époux Y... et de Mme X... et que le surplus des conclusions du recours incident de la société anonyme Jean Bernard.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE NANCY, aux époux Y..., à Mme X..., à la société anonyme Jean Bernard, à MM. B... et A... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace.


Synthèse
Formation : 10/ 6 ssr
Numéro d'arrêt : 71584
Date de la décision : 17/02/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITE PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVEE - ACTION EN GARANTIE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 1992, n° 71584
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Touvet
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:71584.19920217
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award