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06/04/1992 | FRANCE | N°114582

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 06 avril 1992, 114582


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 février 1990 et 5 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE D'ANGERS, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité et élisant domicile à la mairie d'Angers, BP 3527 Angers-Cedex (49035) ; la VILLE D'ANGERS demande que le Conseil d'Etat :
1°/ décide qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du 16 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du maire d'Angers en date du 9 janvier 1989 de licencier M. Y... et

l'a condamnée à lui verser 30 000 F ;
2°/ annule ledit jugement ;
3°/...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 février 1990 et 5 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE D'ANGERS, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité et élisant domicile à la mairie d'Angers, BP 3527 Angers-Cedex (49035) ; la VILLE D'ANGERS demande que le Conseil d'Etat :
1°/ décide qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du 16 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du maire d'Angers en date du 9 janvier 1989 de licencier M. Y... et l'a condamnée à lui verser 30 000 F ;
2°/ annule ledit jugement ;
3°/ rejette les conclusions de M. Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Marimbert, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de VILLE D'ANGERS et de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. Jean-Yves Y...,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Jean-Yves Y... a été employé par la VILLE D'ANGERS en qualité d'agent de nettoiement stagiaire à compter du 16 juin 1986 ; que par lettre du 7 août 1986, le maire d'Angers a informé M. Y... qu'il mettait fin à son stage pour insuffisance professionnelle ; que, après que le tribunal administratif de Nantes eut annulé une première décision de licenciement, le maire d'Angers a autorisé M. Y... à reprendre son travail à compter du 20 décembre 1988, jour même où la commission administrative paritaire était convoquée pour connaître de la nouvelle procédure de licenciement engagée à son encontre ; que la durée effective du stage accompli par M. Y... a donc été de six semaines et demie et non de dix semaines comme le soutient la VILLE D'ANGERS ; qu'en relevant que le stage de M. Y... n'avait duré que six semaines, le tribunal administratif de Nantes n'a pas retenu des faits matériellement inexacts ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'une instruction du maire d'Angers en date du 14 avril 1986 avait prescrit aux chefs de service de dresser un bilan très rigoureux de l'activité des agents stagiaires après deux mois et demi de stage afin de pouvoir, le cas échéant, les licencier avant l'expiration de la période de trois mois au-delà de laquelle la ville serait tenue de verser aux intéressés des allocations pour perte d'emploi ; qu'un rapport du 1er août 1986, établi en application de ladte instruction, après six semaines de travail de M. Y... dans trois postes différents, indiquait qu'aucun reproche réel ne pouvait être fait à l'intéressé, mais que celui-ci manquait de courage et de motivation, ce qui laissait mal augurer de son activité après sa titularisation ; que de tels motifs, qui ne reposent pas sur la constatation de faits établissant l'insuffisance professionnelle de l'intéressé mais sur des hypothèses concernant son comportement futur ne sauraient justifier légalement la décision de mettre fin au stage de M. Y... ;

Considérant que le rapport établi le 23 décembre 1988, plus de deux ans après la décision annulée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par le tribunal administratif de Nantes, et postérieurement à l'avis défavorable de la commission paritaire relatif au licenciement de l'intéressé, ne saurait davantage être invoqué pour justifier la décision attaquée ;
Considérant, enfin, que les conditions de déroulement du stage et notamment son insuffisante durée n'ont pas permis aux autorités municipales de juger les qualités professionnelles de M. Y... ; qu'ainsi la décision du maire d'Angers est fondée sur une appréciation manifestement erronée ; que de tout ce qui précède il résulte que cette décision est illégale ;
Sur la responsabilité de la VILLE D'ANGERS :
Considérant que le licenciement illégal de M. Y... constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la VILLE D'ANGERS ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif lui a accordé une indemnité de 30 000 F dont la VILLE D'ANGERS ne conteste pas le montant ;
Sur les conclusions du recours incident de M. X... :
Considérant que M. Y... demande que la VILLE D'ANGERS soit condamnée à lui verser 248 550,55 F au titre des salaires dont il a été illégalement privé entre le 23 août 1986 et le 20 décembre 1988, 101 943 F au titre du préjudice de carrière et 50 000 F au titre du préjudice moral ;
Considérant que si M. Y... n'avait aucun droit à être titularisé à l'issue de son stage, la faute commise par la VILLE D'ANGERS en le licenciant illégalement, dans des conditions qui ne lui permettaient pas de bénéficier d'allocations pour perte d'emploi l'a privé des salaires ou revenus dont il aurait dû bénéficier jusqu'à l'expiration de sa période de stage ; qu'en l'absence de faute de l'intéressé, il convient de réparer l'entier préjudice subi de ce chef pendant neuf mois et demi, depuis le 23 août 1986 jusqu'au 15 juin 1987, date à laquelle aurait dû s'achever sa période de stage ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la réparation qui est due à M. Y... du fait de son licenciement irrégulier, pour l'ensemble des préjudices qu'il a subis depuis le 23 août 1986 jusqu'au 15 juin 1987 en lui allouant une indemnité de 50 892 F ;
Considérant que la somme de 50 892 F portera intérêts à compter du 19 juillet 1989, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de Nantes de la requête n° 89-1560 ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la VILLE D'ANGERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 9 janvier 1989 et a accordé une indemnité à M. Y... ; que celui-ci est fondé, par la voie du recours incident, à demander que cette indemnité soit portée à 50 892 F avec les intérêts tels que précisés ci-dessus ;
Article 1er : L'indemnité que le tribunal administratif deNantes par son jugement du 16 novembre 1989 a condamné la VILLE D'ANGERS à verser à M. Y... est portée à 50 892 F ; cette somme portera intérêts à compter du 19 juillet 1989.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 novembre 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présentedécision.
Article 3 : La requête de la VILLE D'ANGERS et le surplus des conclusions du recours incident de M. Y... sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la VILLE D'ANGERS, à M. Y... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


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