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10/06/1992 | FRANCE | N°37115

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 10 juin 1992, 37115


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 septembre 1981 et 6 janvier 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme GENTILINI ET BERTHON, dont le siège social est ..., en sa qualité de mandataire commun d'un groupement d'entreprises conjoints et solidaires ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 1981 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant en premier lieu à l'annulation de la délibération du 12 octobre 1979 par laquelle le cons

eil d'administration du centre hospitalier régional de Poitiers a dé...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 septembre 1981 et 6 janvier 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme GENTILINI ET BERTHON, dont le siège social est ..., en sa qualité de mandataire commun d'un groupement d'entreprises conjoints et solidaires ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 1981 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant en premier lieu à l'annulation de la délibération du 12 octobre 1979 par laquelle le conseil d'administration du centre hospitalier régional de Poitiers a décidé de conserver toutes les sommes dues au groupement en réparation du préjudice subi par le centre hospitalier régional du fait de la résiliation du marché passé avec le groupement d'entreprises, ensemble de la décision du 11 février 1980 par laquelle le directeur départemental de l'action sanitaire et sociale a rejeté la réclamation du groupement dirigée contre cette décision, en deuxième lieu ordonne la main-levée de l'opposition pratiquée par le centre hospitalier régional de Poitiers entre les mains du Crédit Lyonnais au titre des cautions sur le marché, en troisième lieu condamne le centre hospitalier régional à payer au groupement une somme de 1,5 millions de francs à titre de provision, en quatrième lieu désigne un expert à l'effet d'établir les comptes entre les parties,
2°) d'annuler les décisions litigieuses du conseil d'administration et du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, de condamner le centre hospitalier régional de Poitiers à verser à la S.A. GENTILINI ET BERTHON une provision de 760 402,44 F, de désigner un expert afin d'établir les comptes entre les parties, de dire que les sommes restant dues porteront intérêts et que ceux-ci seront capitalisés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 76-88 du 21 janvier 1976 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Marimbert, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société anonyme GENTILINI ET BERTHON et de Me Garaud, avocat du centre hospitalier régional de Poitiers,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux passés pour le compte des collectivités locales et de leurs établissements publics, dans sa rédaction résultant de l'annexe I de la circulaire du 1er février 1967, applicable au marché conclu le 15 novembre 1973 entre le centre hospitalier régional de Poitiers et un groupement d'entreprises conjointes et solidaires dont la socité requérante était le mandataire commun : "1. Lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas soit aux dispositions du marché, soit aux ordres de service qui lui sont donnés par le représentant légal du maître de l'ouvrage ou par son délégué, le représentant légal le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé par une décision qui lui est notifiée par un ordre de service. (...). 5. De toute manière, le représentant légal du maître de l'ouvrage rend compte des opérations à l'assemblée délibérante, qui peut, selon les circonstances, soit ordonner une adjudication à la folle enchère de l'entrepreneur, soit prononcer la résiliation pure et simple du marché, soit prescrire la continuation de la régie. (...). 7. Les excédents de dépenses qui résultent de la régie ou du nouveau marché sont prélevés sur les sommes qui peuvent être dues à l'entrepreneur ou, à défaut, sur son cautionnement, sans préjudice des droits à exercer contre lui en cas d'insuffisance".
Considérant qu'à la suite de la mise en règlement judiciaire de quatre des entreprises appartenant au groupement, le centre hospitalier régional de Poitiers a mis en demeure le groupement de satisfaire aux dispositions du marché et, devant sa carence, a prononcé la résiliation dudit marché par décision en date du 7 mars 1978 ; qu'il a ensuite passé un nouveau marché avec une autre société à l'effet d'achever les travaux entrepris par le groupement ; que par délibération en date du 12 octobre 1979, le conseil d'administration du centre hospitalier régional a décidé que celui-ci conserverait par devers lui les sommes restant dues au groupement au titre des travaux exécutés, en se fondant sur les dispositions susénoncées de l'article 35-7 du cahier des clauses administratives générales ; que le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Vienne, saisi d'une réclamation contre cette délibération, en a confirmé les termes le 11 février 1980 ;
Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 12 octobre 1979 et la décision du 11 février 1980 :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de ces actes, la société requérante se borne à soutenir qu'ils procèdent d'une méconnaissance des stipulations du cahier des clauses administratives générales incorporées aux obligations contractuelles réciproques du centre hospitalier régional et du groupement d'entreprises, sans invoquer aucun vice propre à l'encontre de la délibération ou de la décision ; qu'elle n'est pas recevable à demander ainsi l'annulation pour excès de pouvoir de ces actes en se fondant exclusivement sur la violation du contrat ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi des sommes restant dues au groupement au titre des travaux exécutés :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le centre hospitalier régional a entendu fonder ses décisions sur les dispositions susrappelées de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales, annexée à la circulaire du 14 février 1967, qui était seul applicable au marché passé avec le groupement ; que la résiliation prononcée le 9 mars 1978 doit être regardée dans les circonstances de l'espèce comme une résiliation pure et simple au regard des dispositions de l'article 35-5, et non pas comme la décision d'ordonner une adjudication à la folle enchère de l'entrepreneur ; qu'elle a eu pour effet de mettre fin aux liens contractuels qui unissaient le centre hospitalier régional et le groupement et de faire par voie de conséquence obstacle à ce que le centre hospitalier régional mette à la charge du groupement les conséquences onéreuses du marché passé ultérieurement avec la société SPIE-Batignolles en mettant en oeuvre les dispositions de l'article 35-7, qui sont sans application au cas de résiliation pure et simple ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional soit condamné à lui verser les sommes qui restaient dues au titre des travaux exécutés par le groupement avant la résiliation du marché et qu'il a indûment retenues par devers lui ;
Considérant que le décompte établi à la demande du centre hospitalier régional fait apparaître que le coût des travaux effectués par le groupement s'élève à 19 231 857,02 F ; que la société requérante soutient sans être contredite que le groupement a perçu du centre hospitalier régional une somme de 18 471 494,58 F ; qu'elle s'établit pas en revanche le bien-fondé des créances dont elle excipe au titre d'études et de travaux qui n'auraient pas été intégrées dans le décompte ; que dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier régional une somme de 760 402,44 F, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise réclamée par la société GENTILINI ET BERTHON ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société requérante a droit aux intérêts au taux légal de la somme mise à la charge du centre hospitalier régional à compter, ainsi qu'elle le demande, de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif, soit le 16 avril 1980 ;
Sur la capitalisation :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 6 janvier 1982 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le centre hospitalier régional de Poitiers est condamné à verser à la S.A. GENTILINI ET BERTHON, en sa qualité de mandataire commun du groupement d'entreprises attributaire du marché du 15 novembre 1973, la somme de 760 402,44 F, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 1980. Les intérêts échus le 6 janvier 1982 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers endate du 8 juillet 1981 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. GENTILINI ET BERTHON est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. GENTILINI ET BERTHON, au centre hospitalier régional de Poitiers et au ministre de la santé et de l'action humanitaire.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 37115
Date de la décision : 10/06/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RESILIATION - Possibilité pour le maître de l'ouvrage d'effectuer des prélèvements - après résiliation - sur les sommes dues à l'entrepreneur au titre des travaux exécutés - Conditions - Adjudication à la folle enchère de l'entrepreneur ou continuation de la régie - Absence en l'espèce - Résiliation pure et simple du contrat - Marchés de travaux passés pour le compte des collectivités locales et de leurs établissements publics (article 35 du cahier des clauses administratives générales dans sa rédaction résultant de l'annexe 1 de la circulaire du 1er février 1967).

39-04-02 L'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux passés pour le compte des collectivités locales et de leurs établissements publics, dans sa rédaction résultant de l'annexe I de la circulaire du 1er février 1967, applicable au marché conclu le 15 novembre 1973 entre le centre hospitalier régional de Poitiers et un groupement d'entreprises conjointes et solidaires dont la société requérante était le mandataire commun, dispose que "1. Lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas soit aux dispositions du marché, soit aux ordres de service qui lui sont donnés par le représentant légal du maître de l'ouvrage ou par son délégué, le représentant légal le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé par une décision qui lui est notifiée par un ordre de service (...). 5. De toute manière, le représentant légal du maître de l'ouvrage rend compte des opérations à l'assemblée délibérante, qui peut, selon les circonstances, soit ordonner une adjudication à la folle enchère de l'entrepreneur, soit prononcer la résiliation pure et simple du marché, soit prescrire la continuation de la régie (...). 7. Les excédents de dépenses qui résultent de la régie ou du nouveau marché sont prélevés sur les sommes qui peuvent être dues à l'entrepreneur ou, à défaut, sur son cautionnement, sans préjudice des droits à exercer contre lui en cas d'insuffisance". A la suite de la mise en règlement judiciaire de quatre des entreprises appartenant au groupement, le centre hospitalier régional de Poitiers a mis en demeure le groupement de satisfaire aux dispositions du marché et, devant sa carence, a prononcé la résiliation dudit marché par décision en date du 7 mars 1978. Il a ensuite passé un nouveau marché avec une autre société à l'effet d'achever les travaux entrepris par le groupement. Par délibération en date du 12 octobre 1979, le conseil d'administration du centre hospitalier régional a décidé que celui-ci conserverait par devers lui les sommes restant dues au groupement au titre des travaux exécutés, en se fondant sur les dispositions précitées de l'article 35-7 du cahier des clauses administratives générales.

39-04-02 Le centre hospitalier régional a entendu fonder ses décisions sur les dispositions susrappelées de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales annexé à la circulaire du 14 février 1967, qui était seul applicable au marché passé avec le groupement. La résiliation prononcée le 9 mars 1978 doit être regardée dans les circonstances de l'espèce comme une résiliation pure et simple au regard des dispositions de l'article 35-5, et non pas comme la décision d'ordonner une adjudication à la folle enchère de l'entrepreneur. Elle a eu pour effet de mettre fin aux liens contractuels qui unissaient le centre hospitalier régional et le groupement et de faire par voie de conséquences obstacle à ce que le centre hospitalier régional mette à la charge du groupement les conséquences onéreuses du marché passé ultérieurement avec la société Spie-Batignolles en mettant en oeuvre les dispositions de l'article 35-7, qui sont sans application au cas de résiliation pure et simple. La société requérante est en conséquence fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional soit condamné à lui verser les sommes qui restaient dues au titre des travaux exécutés par le groupement avant la résiliation du marché et qu'il a indûment retenues par devers lui.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 1992, n° 37115
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Marimbert
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:37115.19920610
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