Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 7 juin 1991, présentée par la S.A.R.L. "Le bistrot aixois", dont le siège social est ... et représentée par son gérant en exercice ; la S.A.R.L. "Le bistrot aixois" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 24 février 1989 par laquelle le préfet délégué pour la police à Marseille a ordonné la fermeture pour une durée de six mois du débit de boissons "Le bistrot Aixois" ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de dire et juger que M. Jean-Marc Y... a bénéficié d'un non-lieu pour le délit d'association de malfaiteurs et d'une relaxe pour le délit de faux et usage de faux afférents à sa prétendue qualité de prête-nom de M. Raymond X... ;
4°) de dire et juger que M. Jean-Marc Y... n'a pas été poursuivi pour la détention d'un passeport italien vierge ;
5°) de dire et juger qu'un appel est actuellement devant la cour administrative d'appel d'Aix-en-Provence en ce qui concerne la condamnation de M. Y... pour le délit de détention d'arme ;
6°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme, notamment son article L.62 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 24 février 1989 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.62 du code des débits de boissons et des mesures de lutte contre l'alcoolisme : "la fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par arrêté préfectoral pour une durée n'excédant pas six mois, soit à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements, soit en vue de préserver l'ordre, la santé ou la moralité publics" ;
Considérant que par l'arrêté attaqué, le préfet délégué pour la police à Marseille a, sur le fondement des dispositions précitées, ordonné la fermeture pour une durée de six mois du débit de boissons "Le bistrot Aixois" à Aix-en-Provence au triple motif que le gérant actuel n'est qu'un prête nom offert à R.M., malfaiteur de haut niveau, fiché au grand banditisme, que l'établissement sert de lieu de rendez-vous à des délinquants d'habitude et qu'une arme de première catégorie approvisionnée de 14 cartouches et un passeport italien vierge ont été découverts dans les dépendances" ; que cette décision est suffisamment motivée ;
Considérant que si le grief tiré de ce que l'établissement sert de rendez-vous à des délinquants d'habitude n'est pas corroboré par les pièces du dossier, les deux autres motifs sur lesquels repose l'arrêté attaqué sont établis par ces mêmes pièces ; que les faits établis, ainsi relevés sont de nature à justifier la fermeture provisoire d'un débit de boissons, en vue de préserver l'ordre ; que s'il n'avait retenu que les deux motifs susénoncés, qui suffisaient par eux-mêmes à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, une fermeture administrative d'une durée de six mois, le préfet délégué pour la police aurait pris la même décision ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A.R.L. Le bistrot aixois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions relatives aux procédures pénales dont est ou a été l'objet M. Jean-Marc Y..., gérant de la S.A.R.L. LE bistrot aixois :
Considérant que le jugement des infractions pénales citées par la société requérante relève de la compétence de l'autorité judiciaire ; qu'ainsi, lesdites conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75, I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991, "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ..." ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, soit condamné à payer à la S.A.R.L. Le bistrot aixois la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Les conclusions de la requête de la S.A.R.L. Le bistrot aixois, relatives à diverses procédures pénales sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A.R.L. Le bistrot aixois est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. Le bistrot aixois et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.