La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/1992 | FRANCE | N°69632

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 07 décembre 1992, 69632


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 18 juin 1985 et 16 octobre 1985, présentés pour la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE, société anonyme dont le siège social est situé ..., représentée par le président de son conseil d'administration en exercice ; la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 17 avril 1985 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et du budget lui a infligé une sanction pécuniaire de 250 000 F pour infraction à l'article 50, 1er

alinéa, de l'ordonnance du 30 juin 1945 et lui a enjoint de mettre un...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 18 juin 1985 et 16 octobre 1985, présentés pour la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE, société anonyme dont le siège social est situé ..., représentée par le président de son conseil d'administration en exercice ; la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 17 avril 1985 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et du budget lui a infligé une sanction pécuniaire de 250 000 F pour infraction à l'article 50, 1er alinéa, de l'ordonnance du 30 juin 1945 et lui a enjoint de mettre un terme à des pratiques repréhensibles en matière de concurrence ;
2°) de la décharger de cette somme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les ordonnances n° 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Vu la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 77-1189 du 25 octobre 1977 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Hirsch, Auditeur,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE,
- les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence :
Considérant que le directeur général de la concurrence et de la consommation avait reçu délégation du ministre de l'économie, des finances et du budget pour signer en son nom dans la limite de ses attributions, tous actes à l'exclusion des décrets ; que cette délégation pouvait légalement s'appliquer aux décisions du ministre prévues par l'article 53 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 nonobstant la circonstance que le directeur général de la concurrence et de la consommation exerce les fonctions de commissaire du gouvernement auprès de la commission de la concurrence ;
Sur la procédure :
Considérant, en premier lieu, qu'en annexant à la décision attaquée l'avis de la commission de la concurrence dont il déclarait reprendre à son compte les considérants et le dispositif, le ministre de l'économie a, contrairement à ce que soutient la requête, suffisamment motivé sa décision ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 susvisée et notamment de son article 52 que la loi autorise la commission de la concurrence à examiner globalement le fonctionnement d'un marché, à analyser et à apprécier conjointement le comportement des diverses entreprises sur ce marché ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le ministre n'aurait pas procédé à un examen particulier de chaque affaire, est en tout état de cause inopérant ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 19 du décret susvisé du 25 octobre 1977 dispose que "la commission ne peut valablement délibérer que si elle comprend au moins ... trois (membres) en section" ; que la section qui a rendu son avis le 28 février 1985 était composée de son président et de deux autres membres ; que, par suite, elle a délibéré dans une composition régulière ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aucune disposition de la loi et du décret susvisés des 19 juillet et 25 octobre 1977 n'impose que les exemplaires du rapport présenté devant la commission de la concurrence soient datés et signés ; qu'au surplus, ledit rapport est suffisamment daté et l'identité de son auteur n'est pas contestée ; qu'aucune disposition n'oblige le commissaire du gouvernement à présenter des observations devant la commission ;
Considérant, en cinquième lieu, que si l'auteur du rapport présenté à la commission a décrit dans un livre publié en 1983 des pratiques anticoncurrentielles de la nature de celles que le ministre a retenues dans sa décision, sans indiquer d'ailleurs la branche de production concernée, cette circonstance n'était pas de nature à priver les entreprises des garanties d'impartialité qu'elles étaient en droit d'attendre du rapporteur, dès lors notamment que celui-ci n'avait à aucun moment pris position sur la réalité des infractions susceptibles d'être relevées à l'encontre de chacune d'entre elles ;
Considérant, enfin, que les agents du ministre des finances ont procédé à la visite de locaux privés ouverts au public et à la saisie de documents conformément aux règles fixées par l'article 16 de l'ordonnance n° 45-1484 du 20 juin 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la sanction qui lui a été infligée a été prise à la suite d'une procédure irrégulière ;
Au fond :
Considérant que, pour infliger à la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE une sanction pécuniaire de 250 000 F, le ministre de l'économie, des finances et du budget a retenu à son encontre sa participation à une entente en vue de fixer les taux et le calendrier des hausses moyennes de prix des produits en carton ondulé non standardisés et à une entente en vue de préserver les marchés de certaines entreprises désignées comme "leaders" pour certains clients ; que, pour retenir le premier de ces griefs, la commission, dont le ministre a adopté l'avis, ne s'est pas fondée sur la présence des représentants de la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE à la réunion précédant celle du 17 janvier 1980, ni à celles des 21 mai 1980 et 9 décembre 1981 mais à celles des 23 juillet 1981, 7 juillet 1982 et 25 janvier 1983, auxquelles la société requérante ne conteste pas avoir été représentée ; qu'il résulte de l'instruction que ces rencontres n'ont pas eu pour seul objet de permettre l'échange d'informations sur l'évolution des coûts de fabrication dans l'industrie du carton ondulé, mais de conduire les entreprises à appliquer des hausses de prix identiques ; que, pour retenir le second grief, le ministre ne s'est pas fondé sur la participation de la société requérante à la réunion qui s'est tenue à Royaumont les 2 et 3 février 1982 mais sur, notamment, d'autres réunions et des pièces nombreuses saisies entre les mains des représentants de la société requérante ou la mentionnant comme "leader" pour certains clients ; qu'ainsi la matérialité des deux griefs retenus est établie ;

Considérant que si les pratiques concertées incriminées n'ont pas toujours en fait conduit les entreprises de la branche du carton ondulé à unifier leur politique de prix et n'ont pas, notamment pour les sociétés Menigault, eu pour résultat de figer leur part du marché, elles ont eu pour objet de restreindre le libre jeu de la concurrence, et sont ainsi contraires aux dispositions de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sans être justifiées par le développement du progrès technique ;
Considérant, enfin, qu'eu égard à la gravité des faits reprochés et au chiffre d'affaires de la société requérante la sanction de 250 000 F qui lui a été infligée ne présente pas de caractère excessif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 17 avril 1985 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et du budget, lui a ingligé une sanction pécuniaire de 250 000 F et lui a enjoint de mettre fin aux pratiques relevées contre elle ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MENIGAULT BRETAGNE et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 69632
Date de la décision : 07/12/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DEFENSE DE LA CONCURRENCE - REPRESSION DES PRATIQUES ANTI-CONCURRENTIELLES - COMMISSION DE LA CONCURRENCE.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DEFENSE DE LA CONCURRENCE - REPRESSION DES PRATIQUES ANTI-CONCURRENTIELLES - POUVOIRS DU MINISTRE - SANCTION PECUNIAIRE.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DEFENSE DE LA CONCURRENCE - REPRESSION DES PRATIQUES ANTI-CONCURRENTIELLES - POUVOIRS DU MINISTRE - INJONCTIONS.


Références :

Décret 77-1189 du 25 octobre 1977 art. 19
Loi 77-806 du 19 juillet 1977
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 art. 53, art. 52, art. 50
Ordonnance 45-1484 du 20 juin 1945 art. 16

Cf. Décisions identiques du même jour, rôle 266 : n° 69634 Société Ménigault Centre et Ouest, n° 69633 Société Ménigault Normandie, n° 69635 Société Minguet et Thomas.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 1992, n° 69632
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Hirsch
Rapporteur public ?: Kessler

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:69632.19921207
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award