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28/12/1992 | FRANCE | N°140250

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 28 décembre 1992, 140250


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 août 1992 et 4 septembre 1992, présentés pour M. Jean Y..., demeurant Résidence le Maroni, n° 4 Quartier Saint-Joseph à Bastia Haute-Corse (20600) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 1992 dans le troisième canton de Bastia ;
2°) d'annuler ces opérations électorales et

l'élection de M. Z... ;
3°) de condamner M. Z... à lui verser une somme ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 août 1992 et 4 septembre 1992, présentés pour M. Jean Y..., demeurant Résidence le Maroni, n° 4 Quartier Saint-Joseph à Bastia Haute-Corse (20600) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 1992 dans le troisième canton de Bastia ;
2°) d'annuler ces opérations électorales et l'élection de M. Z... ;
3°) de condamner M. Z... à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 92-77 du 22 janvier 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Laroque, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Jean Y... et de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Jacques Z...,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la protestation présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Bastia :
Sur le grief relatif à la propagande électorale :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un tract, comportant des accusations graves à l'encontre d'un service administratif de la mairie de Bastia, a été distribué à l'entrée des bureaux de vote en fin de matinée le jour du vote ; que, toutefois, ce document, qui émanait d'ailleurs d'un groupement non représenté au second tour des élections dans le canton de Bastia III, ne mettait en cause ni directement ni indirectement les candidats à l'élection du conseiller général de ce canton ; que sa distribution n'a pas eu dans les circonstances de l'espèce le caractère d'une manoeuvre susceptible d'influencer le vote des électeurs ;
Sur les griefs relatifs à la composition des bureaux de vote :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 42 du code électoral : "Chaque bureau de vote est composé d'un président, d'au moins quatre assesseurs et d'un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune ..." ; que, d'une part, si, en méconnaissance de ces dispositions et de l'article R. 44 du code électoral, les deux bureaux de vote du canton de Bastia III n'ont été composés, en sus du président, que de deux assesseurs pendant la durée du scrutin, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance ait été le fait d'une manoeuvre ni qu'elle ait pu aoir une influence sur la sincérité des résultats de l'élection ; que, d'autre part, la désignation en qualité de secrétaire du bureau de vote "Bourse du travail" d'une personne qui ne figurait pas sur les listes électorales de la commune de Bastia, en violation des dispositions de l'article R. 42 précité, n'a pas constitué, en l'espèce, une irrégularité susceptible de vicier le scrutin ;
Sur les griefs relatifs aux procurations :

Considérant que si M. Y... fait état de l'irrégularité de procurations, dont les mandants n'auraient rempli aucune des conditions exigées par l'article L. 71 du code électoral, ses allégations ne sont assorties d'aucun commencement de justification ; que le grief tiré de ce que les autorités de justice ou de police signataires de trois procurations auraient reconnu ne pas les avoir établies manque en fait ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article R. 75 du code électoral : "Chaque procuration est établie sur un imprimé comportant deux volets et un talon. Les deux volets sont signés par le mandant ..." ; qu'il résulte de l'instruction que les volets de certaines procurations annexées à la liste électorale ne comportent pas la signature du mandant, nécessaire à son identification ; que les quatre votes auxquels a donné lieu l'utilisation de ces procurations sont irréguliers ; qu'il en est de même de deux votes effectués au moyen de procurations qui n'étaient pas valables pour le deuxième tour de scrutin ; qu'il y a lieu en conséquence de retrancher six voix du nombre de suffrages exprimés et du nombre de voix obtenu par M. Z..., le candidat élu ;
Sur les griefs relatifs au déroulement du vote :
Considérant, en premier lieu, que le grief tiré de l'irrégularité de certaines des signatures apposées sur la liste d'émargement a été invoqué après l'expiration du délai de protestation prévu à l'article R.113 du code électoral ; qu'il n'est, dès lors, pas recevable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté qu'un électeur a été admis à voter au bureau de vote du "Petit lycée" alors qu'il n'était pas inscrit sur les listes électorales de la circonscription ; qu'il y a lieu, en conséquence, de déduire une voix du nombre des suffrages exprimés et de celui des voix obtenues par M. Z... ;

Considérant, en troisième lieu, que, si une observation inscrite au procès-verbal du bureau de vote du "Petit lycée" mentionne que "des électeurs ne sont pas passés dans l'isoloir", le grief qui est repris par M. Y... n'est assorti d'aucune précision permettant d'apprécier la réalité et les effets de cette irrégularité ; qu'en revanche il ressort du rapport établi par la commission de contrôle des opérations de vote que quatre électeurs, en méconnaissance de l'article L.62 du code électoral, ne sont pas passés par l'isoloir dans le bureau de vote de la "Bourse du travail" ; qu'en outre un électeur a voté aux lieu et place de sa mère, pourtant présente dans le bureau de vote et en mesure de voter elle-même ; que, dès lors, cinq voix doivent être tenues pour irrégulières et être retranchées à ce titre des suffrages exprimés et des voix obtenues par M. Z... ;
Sur les griefs relatifs au décompte des suffrages :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de dépouillement respectivement 571 et 185 bulletins ont été trouvés dans les urnes de chacun des deux bureaux de vote du canton, alors que le nombre des émargements n'est que de 569 au bureau du "Petit lycée", et de 184 au bureau de la "Bourse du travail" et non de 185, comme il est indiqué au procès-verbal ; que la liste d'émargement faisant seule foi, il y a lieu, en conséquence, de retrancher encore trois voix au nombre des suffrages exprimés et à celui des voix attribuées au candidat élu ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du code électoral les bulletins blancs ou nuls "sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau. Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion. Si l'annexion n'a pas été faite, cette circonstance n'entraîne l'annulation des opérations qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin" ; que M. Y..., qui présidait le bureau de vote du "Petit lycée", et qui, en outre, a signé le procès-verbal de recensement général des votes, n'apporte aucun élément de nature à démontrer, en l'absence notamment de toute observation sur ce point aux procès-verbaux, que certains des 49 bulletins qui ont été déclarés non valables auraient été annulés à tort ; qu'il ne fait état d'aucune autre circonstance susceptible d'établir que le défaut d'annexion des bulletins blancs et nuls au procès-verbal, pour regrettable qu'il ait été, ait eu pour but ou pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; que le grief tiré de la violation de l'article L. 66 du code électoral doit, dès lors, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'au total quinze voix doivent être retranchées du nombre des suffrages exprimés et de celui des voix obtenues par M. Z... ; que celui-ci, après cette déduction, conserve avec 356 voix une avance de 20 voix sur le candidat battu, M. X..., et a donc été à bon droit proclamé élu ; que M. Y... n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa protestation contre les résultats des opérations électorales dans le canton de Bastia III ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " - Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. Z... qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à M. Z... et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 140250
Date de la décision : 28/12/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTIONS - ELECTIONS AU CONSEIL GENERAL - CAMPAGNE ET PROPAGANDE ELECTORALES - PROPAGANDE ELECTORALE - TRACTS.

ELECTIONS - ELECTIONS AU CONSEIL GENERAL - OPERATIONS ELECTORALES - BUREAUX DE VOTE.

ELECTIONS - ELECTIONS AU CONSEIL GENERAL - OPERATIONS ELECTORALES - VOTE PAR PROCURATION.

ELECTIONS - ELECTIONS AU CONSEIL GENERAL - OPERATIONS ELECTORALES - DEPOUILLEMENT.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - CONSEQUENCES TIREES PAR LE JUGE DES IRREGULARITES - NOUVEAU DECOMPTE DES VOIX.


Références :

Code électoral R42, R44, L71, R75, R113, L62, L66
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 1992, n° 140250
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laroque
Rapporteur public ?: de Froment

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:140250.19921228
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