Vu le jugement, enregistré le 10 décembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur les demandes du département de la Saône-et-Loire tendant à l'annulation de quarante-six décisions par lesquelles la commission départementale d'éducation spéciale de ce département a décidé de maintenir des personnes handicapées dans un établissement d'éducation spéciale, d'une part, et du préfet de la Saône-et-Loire tendant à l'annulation des délibérations du conseil général de la Saône-et-Loire des 28 novembre 1989 et 21 janvier 1992 relatives aux modalités de prises en charge des frais liés au maintien de personnes handicapées dans un établissement d'éducation spéciale, d'autre part, a décidé, par application de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de ces demandes au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions de savoir :
1°) si le I bis ajouté à l'article 6 de la loi du 30 juin 1975 par la loi du 13 janvier 1989 a pour effet de mettre les frais d'hébergement, d'éducation et de soins liés au maintien d'une personne handicapée dans un établissement d'éducation spéciale à la charge d'un seul ou de plusieurs organismes ou collectivités y compris l'Etat et, dans cette dernière hypothèse, si la charge financière doit être répartie compte tenu de la première décision d'orientation de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ou compte tenu de toute autre décision ultérieure prise par défaut ;
2°) ce qu'il faut entendre par "décision conjointe de la commission départementale d'éducation spéciale et de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel" et si une telle décision revêt un caractère propre de nature à justifier qu'il soit dérogé aux règles de compétence juridictionnelle fixées par l'article 6 de la loi du 30 juin 1975 et l'article L.323-11 du code du travail ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Schneider, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Le I bis inséré dans la loi du 30 juin 1975 par l'article 22 de la loi du 13 janvier 1989 dispose que : "Lorsqu'une personne handicapée placée dans un établissement d'éducation spéciale ne peut être immédiatement admise dans un établissement pour adulte désigné par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ... ce placement peut être prolongé au-delà de l'âge de vingt ans ou, si l'âge limite pour lequel l'établissement est agréé est supérieur, au-delà de cet âge dans l'attente d'une solution adaptée, par une décision conjointe de la commission départementale d'éducation spéciale et de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ... Cette décision s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais d'hébergement et de soins dans l'établissement désigné par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ..." ;
Il résulte, en premier lieu, de ces dispositions que la décision par laquelle une personne handicapée peut être maintenue dans un établissement d'éducation spéciale est, non une décision de la commission d'éducation spéciale prise sur avis de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, mais une décision adoptée en termes identiques par chacune de ces deux commissions. Cette décision peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale.
Il résulte, en deuxième lieu, de ces mêmes dispositions que les frais d'hébergement, d'une part, et les frais de soins, d'autre part, à l'exclusion de tous autres frais, effectivement occasionnés par le maintien d'une personne handicapée dans un établissement d'éducation spéciale doivent être supportés par la ou les personnes morales qui auraient été normalement compétentes pour prendre en charge les frais de même nature entraînés par le placement de cette personne dans la catégorie d'établissements vers laquelle elle a été orientée par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel. Il suit de là que ces frais ne peuvent ni en totalité ni en partie être mis à la charge de l'Etat, auquel ni l'article 35 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ni aucune autre disposition ne donne compétence pour prendre en charge des frais d'hébergement ou de soins à raison du placement d'une personne handicapée dans un établissement pour adultes handicapés.
En troisième lieu, ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition n'imposent aux commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, dans le cas des personnes handicapées qui, à la date de leur entrée en vigueur, avaient déjà fait l'objet d'une mesure d'orientation vers une catégorie d'établissements ayant vocation à les accueillir compte tenu de la nature et de la gravité de leur handicap, d'orienter ces personnes, même à titre provisoire, vers une autre catégorie d'établissements d'accueil préalablement à l'intervention de la décision les autorisant à demeurer provisoirement dans un établissement d'éducation spéciale. Il en résulte que le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, en imposant auxdites commissions, par sa circulaire du 18 mai 1989, d'orienter vers une autre catégorie d'établissements pour adultes les personnes qui avaient été antérieurement orientées vers un établissement de travail protégé, a ajouté une prescription nouvelle qui est entachée d'incompétence.
Le présent avis sera notifié au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au président du tribunal administratif de Dijon, au conseil général de la Saône-et-Loire et au préfet de Saône-et-Loire et sera publié au Journal officiel de la République Française.