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11/06/1993 | FRANCE | N°95510

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 11 juin 1993, 95510


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 23 février 1988, 4 novembre 1988 et 22 décembre 1988, présentés pour Mme X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 février 1988 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de Grenoble du 2 juillet 1984 procédant à la reconstitution de sa carrière ;
2°) d'annuler ledit arreté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser un rapp

el de traitement correspondant à la reconstitution de sa carrière jusqu'au 11è...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 23 février 1988, 4 novembre 1988 et 22 décembre 1988, présentés pour Mme X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 février 1988 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de Grenoble du 2 juillet 1984 procédant à la reconstitution de sa carrière ;
2°) d'annuler ledit arreté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser un rappel de traitement correspondant à la reconstitution de sa carrière jusqu'au 11ème échelon avec application de la valeur du point d'indice de rémunération en vigueur à la date de la liquidation de ce rappel de traitement ainsi qu'une indemnité en réparation du préjudice qu'elle a subi, d'un montant de 50 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 51-1197 du 15 octobre 1951 portant statut du personnel des cadres militaires féminins ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Roger-Lacan, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de Mme Madeleine X...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 2 juillet 1984 du recteur de l'académie de Grenoble :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 27 du décret du 15 octobre 1951 susvisé : "Les services accomplis dans les corps militaires féminins créés depuis juin 1940 sont des services militaires à tous points de vue" ;
Considérant que par l'arrêté attaqué du 2 juillet 1984, le recteur de l'académie de Grenoble a procédé à la reconstitution de la carrière de Mme X... en ne prenant en compte que des services d'enseignement effectués par la requérante antérieurement à sa titularisation ; que le recteur s'est fondé sur la circonstance que la matérialité des services militaires accomplis par Mme X... du 20 août 1944 au 25 février 1945 n'avait été établie que par un état signalétique du 14 février 1980 pour limiter la prise en compte de ces services au calcul de l'ancienneté finale de Mme X... et de ses droits à la retraite, sans les intégrer à la reconstitution de sa carrière ; qu'il ressort de la disposition législative précitée que cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les services militaires en cause fûssent pris en compte dans la reconstitution de la carrière de l'intéressée, à compter de la date de sa titularisation ; qu'il suit de là que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit sur ce point ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment au regard de la comparaison des notes obtenues par la requérante avec celles d'autres agents de même catégorie justifiant d'une ancienneté comparable à la sienne, que Mme X... soit fondée à soutenir que le refus de la faire bénéficier d'avancements aux choix plus favorables que ceux qui lui ont été accordés dans le cadre de la reconstitution de sa carrière soit entaché d'une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est seulement fondée à soutenir que l'arrêté susvisé du 2 juillet 1984 du recteur de l'académie de Grenoble est entaché d'erreur de droit en tant qu'il ne prend pas en compte les services militaires accomplis par elle et à demander, par ces motifs, son annulation et celle du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 10 février 1988 rejetant ses conclusions dirigées contre lui ;
Sur les conclusions pécuniaires :
Considérant, d'une part, que si Mme X... a droit à un rappel de rémunération correspondant à la perte de traitements qu'elle a subie du fait de l'absence de prise en compte dans le déroulement de sa carrière de certains de ses services militaires, ainsi que des services d'intérimaire et de suppléants qu'elle a effectués antérieurement à sa titularisation, elle n'est en revanche pas fondée à demander que ce rappel soit calculé sur le fondement d'un reclassement au 11ème échelon de son corps, dès lors que ses prétentions au bénéfice d'un avancement au choix plus favorable doivent être rejetées ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ni à exiger que ce rappel soit liquidé par référence à la valeur du point d'indice de rémunérations en vigueur au moment de cette liquidation ;
Considérant qu'il y a lieu de renvoyer Mme X... devant l'administration afin qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière et à la liquidation du rappel de rémunération correspondant auquel elle a droit sur les bases ci-dessus définies ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que Mme X... a demandé à l'administration, dès 1980, de procéder à la reconstitution de sa carrière afin que soient pris en compte ses services d'intérimaire et de suppléant, ainsi que ceux de ses services militaires qui ne l'avaient pas été lors de sa titularisation ; que pour établir la réalité de ces derniers services, l'administration militaire a procédé, à la demande de Mme X..., à une enquête qui s'est déroulée antérieurement à 1980 ; que l'arrêté reconstituant la carrière de Mme X... n'a été pris que le 2 juillet 1984 ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce délai présentait un caractère anormalement long et était constitutif d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ; qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation due au titre du préjudice subi par l'intéressée par suite de ce retard en l'estimant à 10 000 F ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Grenoble du 10 février 1988, ensemble l'arrêté du recteur de l'académie de Grenoble du 2 juillet 1984 sont annulés en tant qu'ils ne prennent pas en compte dans la reconstitution de la carrière de Mme X... des services militaires accomplis par elle du 20 août 1944 au 25 février 1945.
Article 2 : Mme X... est renvoyée devant l'administration afin qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière et à la liquidation du rappel de rémunération qui lui est dû sur les bases définies par la présente décision.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à Mme X... la somme de 10 000 F, en réparation du préjudice occasionné par le retard fautif apporté à la reconstitution de sa carrière, et la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et auministre de l'éducation nationale.


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