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23/06/1993 | FRANCE | N°111569

France | France, Conseil d'État, 10/ 7 ssr, 23 juin 1993, 111569


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 novembre 1989 et 19 mars 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS (S.I.C.E.R.), dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 août 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la S.I.C.E.R. tendant à l'annulation des arrêtés des 11 avril et 24 octobre

1985 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a transféré à l'Etat ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 novembre 1989 et 19 mars 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS (S.I.C.E.R.), dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 août 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la S.I.C.E.R. tendant à l'annulation des arrêtés des 11 avril et 24 octobre 1985 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a transféré à l'Etat la propriété d'installations érigées par la S.I.C.E.R. sur le domaine public maritime, ensemble du rejet implicite du recours gracieux dirigé contre ces deux arrêtés ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces deux arrêtés, ensemble le rejet implicite du recours gracieux dirigé contre eux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ronteix, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir tirée du désistement d'office :
Considérant que, dans sa requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 novembre 1989, la société requérante a exprimé l'intention de produire un mémoire complémentaire ; que le délai dont elle disposait à cet effet était de quatre mois, en vertu de l'article 53-3 du décret modifié du 30 juillet 1963 et expirait le samedi 17 mars 1990 à minuit ; que son mémoire complémentaire enregistré le lundi 19 mars 1990 n'était donc pas tardif ; que dès lors la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS (S.I.C.E.R.) ne peut être regardée comme s'étant désistée ;
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la S.I.C.E.R. :
Considérant que la S.I.C.E.R., titulaire initiale de l'autorisation d'occupation temporaire, avait construit sur le domaine public portuaire les bâtiments et installations dont elle revendique la propriété et que les arrêtés attaqués transfèrent à l'Etat ; qu'elle avait intérêt et donc qualité pour en demander l'annulation ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué est suffisamment motivé et a statué sur l'ensemble des conclusions de la S.I.C.E.R. ;
Sur la légalité des arrêtés du préfet du Pas-de-Calais :
Considérant que, par arrêté du 4 avril 1973 renouvelé le 1er septembre 1976, le préfet du Pas-de-alais a accordé à la S.I.C.E.R. l'autorisation d'occuper temporairement diverses parcelles du domaine public dans le port de Boulogne ; que cette société a édifié sur ces parcelles des bâtiments et ateliers affectés à son activité de réparation navale ; que, sans qu'elle ait à aucun moment demandé l'autorisation de sous-louer le terrain, elle a sollicité le transfert pur et simple de cette autorisation d'occupation à la Société nouvelle industrielle de constructions et réparations (SNICER) ; que ce transfert a été prononcé par arrêté du préfet en date du 18 octobre 1977 ; qu'elle est toutefois restée propriétaire des ateliers, désormais occupés par le nouveau titulaire de l'autorisation ; que l'arrêté attaqué retire l'autorisation dont bénéficiait la S.N.S.I.C.E.R., pour non-respect des prescriptions techniques et défaut de paiement des redevances d'occupation ; qu'aux termes du dernier alinéa de son article 2 "les installations édifiées sur la parcelle objet de l'autorisation temporaire sont devenues propriété de l'Etat sans autre forme de procédure ni versement d'indemnité ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 des autorisations temporaires susrappelés : "L'autorisation accordée pourra toujours être retirée à la première réquisition de l'administration ... En cas de retrait de l'autorisation ... le permissionnaire devra remettre les lieux en leur état primitif notamment en enlevant ses installations ... dans le délai qui lui sera imparti par l'administration ... Toutefois si, à la demande du permissionnaire, l'administration accepte exceptionnellement que des installations ... ne soient pas enlevées, celles-ci deviendront la propriété de l'Etat, sans que ce dernier soit tenu au versement de quelque indemnité que ce soit à ce titre" ;
Considérant qu'à la suite du retrait par l'administration de l'autorisation accordée à la S.N.S.I.C.E.R., les bâtiments et ateliers édifiés par la requérante sur le domaine public sur la base d'une autorisation précaire et révocable à tout moment et dont elle était restée jusqu'alors propriétaire, alors même que l'autorisation d'occupation avait été transférée à un tiers, sont devenus propriété de l'Etat par l'effet des dispositions susrappelées dès lors qu'ils n'avaient pas été démolis pour remettre les lieux en leur état primitif comme le prévoyait l'arrêté d'autorisation d'occupation ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'administration ait été informée par l'une ou l'autre de ces sociétés de ce que les bâtiments, initialement destinés à être cédés à la S.N.S.I.C.E.R., soient restés propriété de la S.I.C.E.R. ; qu'ainsi, avant de prononcer le retrait de l'arrêté d'occupation temporaire qui avait nécessairement pour effet de transférer à l'Etat la propriété des bâtiments et qui n'est pas contraire à l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal de grande instance de Boulogne condamnant la S.N.S.I.C.E.R. à verser un loyer à la S.I.C.E.R. pour ces bâtiments, le préfet n'était pas tenu d'informer la S.I.C.E.R. de son intention ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant, en revanche, que le préfet du Pas-de-Calais n'a pu légalement décider par ses arrêtés des 11 avril et 24 octobre 1985 que le retrait de l'autorisation d'occupation temporaire et le transfert de la propriété des installations édifiées sur le domaine public à l'Etat prenaient effet au 19 juillet 1983 ; qu'il a en effet donné à ces décisions une portée rétroactive illégale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS (S.I.C.E.R.) n'est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Lille qu'en tant qu'il a refusé de reconnaître la rétroactivité illégale dont sont entachés les arrêtés des 11 avril et 24 octobre 1985 ;

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 31 août 1989 est annulé en tant qu'il rejette la demande de la S.I.C.E.R. tendant à l'annulation des arrêtés des 11 avril et 24 octobre 1985 transférant à l'Etat la propriété d'installations érigées par la S.I.C.E.R. sur le domaine public maritime, ensemble du rejet implicite du recours gracieux dirigé contre ces arrêtés, en tant que cette demande et ce recours portent sur la période antérieure à la notification de ces arrêtés.
Article 2 : Les arrêtés des 11 avril et 24 octobre 1985 sont annulés en tant qu'ils portent sur la période antérieure à leur notification à la société nouvelle S.I.C.E.R., ensemble le rejet implicite du recours gracieux en tant qu'il porte sur cette période.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTIONS ET REPARATIONS et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 10/ 7 ssr
Numéro d'arrêt : 111569
Date de la décision : 23/06/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - RETROACTIVITE - RETROACTIVITE ILLEGALE.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - AUTORISATIONS UNILATERALES.

PROCEDURE - INCIDENTS - DESISTEMENT.


Références :

Décret 63-766 du 30 juillet 1963 art. 53-3


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 1993, n° 111569
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Ronteix
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:111569.19930623
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