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12/07/1993 | FRANCE | N°77421

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 12 juillet 1993, 77421


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 avril 1986 et 7 août 1986, présentés pour M. Jean X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement du 22 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Association foncière de remembrement de Vaiges à lui verser une indemnité de 100 000 F ;
2°) condamne ladite association à lui verser l'indemnité précitée avec les intérêts au jour de sa demande à l'associat

ion et la capitalisation de ces intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 avril 1986 et 7 août 1986, présentés pour M. Jean X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement du 22 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Association foncière de remembrement de Vaiges à lui verser une indemnité de 100 000 F ;
2°) condamne ladite association à lui verser l'indemnité précitée avec les intérêts au jour de sa demande à l'association et la capitalisation de ces intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962, notamment son article 10 ;
Vu le décret n° 63-393 du 10 avril 1963 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-706 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de M. Jean X...,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que des terres ont été prélevées sur le domaine agricole de M. X... pour la construction de l'autoroute A 11, au cours d'une opération de remembrement effectuée en application des dispositions de l'article 10 de la loi du 8 août 1962 ; que, pour compenser la valeur de ce prélèvement opéré sur la propriété du requérant, des terres d'une valeur de productivité équivalente ont été attribuées à M. X... ; que, toutefois, celui-ci a demandé à l'association foncière de remembrement de Vaiges de présenter à la société Cofiroute, maître de l'ouvrage et, en cas de refus, au juge de l'expropriation, une demande d'indemnité correspondant à la dépréciation alléguée de sa propriété, coupée en deux parties par l'emprise de l'autoroute ; que l'association foncière a refusé de donner suite à cette demande, au motif qu'aucune indemnité d'expropriation ne pouvait être réclamée en l'espèce, du fait de la compensation des terres prélevées par l'attribution de terres d'une valeur de productivité équivalente ;
Considérant que l'article 6 du décret du 10 avril 1963 pris pour l'application des dispositions précitées de l'article 10 de la loi du 8 août 1962 dispose que les indemnités versées dans le cas d'une procédure conjointe d'expropriation et de remembrement rural sont calculées selon les règles du code de l'expropriation ; qu'en vertu de l'article 13-13 de ce code, ces indemnités doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;
Considérant que 'article 5 du décret du 10 avril 1963 pris pour l'application des dispositions de l'article 10 de la loi du 8 août 1962, dispose que lorsqu'est engagée une procédure conjointe d'expropriation en vue de la construction d'une autoroute et de remembrement foncier des terrains concernés par l'expropriation, chaque propriétaire de parcelles incluses dans le périmètre de remembrement subit, sur l'ensemble de son apport un prélèvement proportionnel à la valeur de l'apport et tel que le total des prélèvements soit égal à la valeur d'apport des terrains situés sur l'emprise de l'autoroute et inclus dans le périmètre de remembrement ; que l'article 6 du même décret ajoute que les prélèvements ainsi opérés sont reportés sur l'emprise de l'autoroute, que les terrains inclus dans cette emprise deviennent, lors du transfert de propriété prévu à l'article 30 du code rural, la propriété de l'association foncière et que celle-ci doit céder ces terrains au maître de l'ouvrage ; que le même article 6 précise que les indemnités d'expropriation calculées selon les règles applicables en la matière et afférentes aux différents droits exercés sur les terrains compris dans l'emprise de l'ouvrage public, qu'ils soient ou non exercés par le propriétaire sont, dues à l'association foncière et qu'à défaut d'accord amiable entre le maître de l'ouvrage et l'association, le montant des indemnités est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation saisie par la partie la plus diligente ; que l'article 7 dispose enfin que l'association foncière répartit les indemnités reçues, entre le titulaire des divers droits exercés sur les terrains inclus dans le périmètre du remembrement et que la répartition se fait proportionnellement à la valeur en productivité réelle de ces terrains ;

Considérant que même si les droits à indemnisation de propriétaires expropriés que l'association foncière de remembrement est chargée par les dispositions précitées d'exercer pour le compte des propriétaires auprès du concessionnaire et le cas échéant du juge de l'expropriation, sont régis par le droit privé, la mission de représentation des propriétaires ainsi confiée à l'association foncière a le caractère d'une mission de service public et que les fautes commises par l'association dans l'exercice de cette mission constituent des fautes de service dont il appartient au juge administratif de réparer les conséquences dommageables ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'indemnités présentée par M. X... au motif qu'il n'appartient pas au juge administratif de statuer sur une telle demande qui ne met en jeu que des rapports de droit privé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Nantes ;
Considérant qu'au cas d'espèce, une société d'aménagement foncier et rural, propriétaire de terrains situés dans le périmètre du remembrement, faisant une application anticipée du décret du 10 mars 1981 qui a complété l'article 3 du décret du 10 avril 1963, a fait à l'association foncière apport des terrains qu'elle possédait, afin de compenser le prélèvement opéré sur les terres remembrées, pour l'assiette de l'autoroute, de sorte que les propriétaires et, en particulier M. X..., ont retrouvé après remembrement, l'équivalent en valeur de productivité réelle, des superficies de terres agricoles qu'ils avaient apportées dans l'opération de remembrement ; qu'en outre, le concessionnaire de l'autoroute a rétabli les liaisons de terres situées de part et d'autre de l'ouvrage, dans des conditions dont il a été jugé, par une décision du 4 mars 1988 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur une précédente requête de M. X..., qu'elles assuraient une exploitation normale des terres ; que, dans ces circonstances, l'association foncière n'était pas tenue d'exercer contre le concessionnaire aux lieu et place de M. BOULINIERE et dans les conditions prévues par les dispositions précitées du décret du 10 avril 1963, une action en indemnisation des biens expropriés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en s'abstenant d'agir auprès de la société Cofiroute et du juge de l'expropriation pour obtenir le versement d'une indemnité en faveur de M. X..., l'association foncière de remembrement de Vaiges n'a pas commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'ainsi la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nantes doit être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 22 janvier 1986 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. X..., ensemble le surplus des conclusions de sa requête, sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à l'association foncière de remembrement de Vaiges et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 77421
Date de la décision : 12/07/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - REMEMBREMENT FONCIER AGRICOLE - GENERALITES - ARTICLE 10 DE LA LOI COMPLEMENTAIRE D'ORIENTATION AGRICOLE DU 8 AOUT 1962 (REALISATION D'UN "GRAND OUVRAGE PUBLIC").

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS - TRAVAUX PUBLICS DE VOIRIE.


Références :

Code de l'expropriation 13-13
Code rural 30
Décret 63-393 du 10 avril 1963 art. 6, art. 5
Décret 81-221 du 10 mars 1981
Loi 62-933 du 08 août 1962 art. 10


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 1993, n° 77421
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Philippe Boucher
Rapporteur public ?: Legal

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:77421.19930712
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