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23/07/1993 | FRANCE | N°123149

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 23 juillet 1993, 123149


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 11 février 1991 et 11 juin 1991, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 4 décembre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon l'a condamnée à verser à M. Auclair la somme de 427 752,52 F avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 1986, en réparation du préjudice subi par lui en ra

ison de sa révocation ;
2°) rejette les conclusions aux fins d'indemn...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 11 février 1991 et 11 juin 1991, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 4 décembre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon l'a condamnée à verser à M. Auclair la somme de 427 752,52 F avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 1986, en réparation du préjudice subi par lui en raison de sa révocation ;
2°) rejette les conclusions aux fins d'indemnité présentées par M. Auclair ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 74-362 du 2 mai 1974 ;
Vu l'arrêté ministériel du 13 novembre 1973 homologuant le statut du personnel administratif de l'Assemblée permanente des Chambres de commerce et d'industrie, des Chambres régionales de commerce et d'industrie et des Chambres de commerce et d'industrie ;
Vu le décret n° 67-766 du 30 juillet 1963 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Girardot, Auditeur,
- les observations de Me Cossa, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT et de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de M. Jean-Louis X...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la décision en date du 14 novembre 1979 du président de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT licenciant M. Auclair a été annulée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand dont le jugement a été confirmé par le Conseil d'Etat le 19 juin 1985 ; que, sur la demande de M. Auclair à laquelle il a partiellement fait droit, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la Chambre de commerce et d'industrie à verser à l'intéressé, la somme de 100 000 F assortie des intérêts de droit ; que la cour administrative d'appel de Lyon, saisie par M. Auclair, par la voie de l'appel principal, et par la Chambre de commerce et d'industrie, par la voie du recours incident, a porté cette somme à 427 752,52 F ;
Considérant que, la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit aux conclusions de M. Auclair en se fondant sur ce que la commission administrative paritaire n'ayant pas été consultée, M. Auclair n'aurait pu faire valoir les dispositions du statut du personnel des Chambres de commerce et d'industrie arrêté par le ministre du commerce et de l'artisanat le 13 novembre 1973, lui ouvrant droit, en cas de maladie, à percevoir son traitement pendant la durée de son congé ; que, selon l'article 32 de ce statut, le droit au versement intégral du traitement déduction faite des prestations versées à l'intéressé par des organismes sociaux au profit des agents atteints de l'une des affections prévues par le décret du 6 février 1969 susvisé, ne peuvent s'exercer que pendant une période n'excédant pas trois ans ; que, si l'affection dont est atteint M. Auclair figure bien au nombre de celles qu'énumère le décret susmentionné, M. Auclair ne pouvait prétendre, sur le fondement des dispositions qui précèdent, qu'au versement des traitements qu'il aurait pu percevoir entre le 15 novembre 1979 et le 15 novembre 1982 ; qu'en condamnant la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT à verser à M. Auclair les salaires correspondant à la période du 16 novembre 1982 au 31 décembre 1985 alors qu'il n'avait accompli aucun service, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que, dès lors, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 4 décembre 1990 ;
Sur les conclusions de M. Auclair tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "I. - Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT qui n'est pas, devant le juge de cassation, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. Auclair la somme qu'il demande au titre des frais irrépétibles ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que le Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 statue sur les conclusions présentées par M. Auclair et par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Sur les conclusions présentées par M. Auclair et par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT devant la cour administrative d'appel de Lyon :
Considérant que si les conclusions de la requête de M. Auclair n'ont pas été présentées devant le Conseil d'Etat par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, cette circonstance est sans influence sur la régularité de la procédure devant la cour administrative d'appel de Lyon à laquelle ces conclusions ont été transmises par ordonnance du président de la quatrième sous-section de la section du Contentieux du Conseil d'Etat ; que, dès lors, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT n'est pas fondée à leur opposer une fin de non-recevoir ;

Considérant que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT a fait connaître le 30 mars 1987 à M. Auclair, par l'intermédiaire de son conseil, qu'elle entendait transiger sur la demande d'indemnisation adressée par M. Auclair ; que cette décision a confirmé la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de 4 mois sur une première demande adressée par M. Auclair le 25 novembre 1986 ; que, par suite, à la date à laquelle le tribunal administratif a statué sur la demande enregistrée le 26 novembre 1986, confirmée le 23 octobre 1987, le contentieux avait été lié et les délais de recours contentieux n'étaient pas expirés ; que, dès lors, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a irrégulièrement écarté la fin de non-recevoir qu'elle opposait auxdites conclusions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ;
Considérant que le président de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT, qui ne pouvait ignorer l'état de santé de M. Auclair, l'a révoqué sans consulter la commission locale paritaire ; que, suivant l'article 33 du statut du personnel administratif des Chambres de commerce et d'industrie, cet avis devait obligatoirement être recueilli préalablement à une mesure de licenciement prise tant pour faute de l'intéressé qu'en raison de son inaptitude physique ; que, par suite, la faute ainsi commise a privé M. Auclair de la possibilité de faire valoir qu'il pouvait bénéficier des dispositions statutaires applicables aux agents inaptes physiquement à remplir leurs fonctions ;

Considérant qu'en l'absence de service fait, M. Auclair ne peut utilement prétendre au versement des salaires et indemnités qu'il aurait perçus entre la date de sa révocation et celle de la décision du Conseil d'Etat confirmant l'illégalité de la procédure engagée à son encontre, déduction faite du montant des indemnités journalières, de la pension d'invalidité et des salaires perçus pendant cette période ; qu'il a seulement droit au versement de son traitement intégral déduction faite des prestations sociales pendant une période ne pouvant excéder 3 ans ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de l'entier préjudice causé à M. Auclair par l'irrégularité de son licenciement en fixant à la somme de 100 000 F l'indemnité à laquelle il peut prétendre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que ni M. Auclair, par la voie de l'appel principal, ni la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT par la voie du recours incident, ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT à verser à M. Auclair la somme de 100 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que, dans un mémoire en réplique enregistré le 14 juin 1989, M. Auclair a demandé que le point de départ du calcul des intérêts soit fixé au 5 décembre 1986 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande et de réformer en conséquence le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Sur les conclusions de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT tendant à l'application des dispositions de l'article 1° du décret du 2 septembre 1988 :

Considérant que le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 81-647 du 10 juillet 1991, les conclusions doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Auclair à payer à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT la somme qu'elle demande au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 4 décembre 1990 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT et les conclusions de M. Auclair tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, présentés devant le Conseil d'Etat, juge de cassation, sont rejetés.
Article 3 : La somme de 100 000 F que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT a été condamnée à verser à M. Auclair par le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 mai 1988 portera intérêts à compter du 5 décembre 1986.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 mai 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel principal présentées par M. Auclair, les conclusions d'appel incident présentées par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT et le surplus de la requête présentée par M. Auclair devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MONTLUCON-GANNAT, à M. Auclair et au ministre des entreprises et du développement économique, chargé des petites et moyennes entreprises et du commerce et de l'artisanat.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 123149
Date de la décision : 23/07/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITE.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - PREJUDICE MATERIEL SUBI PAR DES AGENTS PUBLICS.


Références :

Décret 69-132 du 06 février 1969
Décret 88-907 du 02 septembre 1988
Décret 91-1266 du 19 décembre 1991
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 1993, n° 123149
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Girardot
Rapporteur public ?: Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:123149.19930723
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