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22/09/1993 | FRANCE | N°91582

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 22 septembre 1993, 91582


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 1987, présentée pour Mlle Françoise Y..., demeurant ... ; Mlle Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 28 août 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 25 novembre 1983, 9 avril 1984 par lesquels le ministre de l'éducation nationale l'a successivement suspendue de ses fonctions de professeur certifié au collège Jean Jaurès de Calais puis réintégrée dans lesdites fonction

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Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 1987, présentée pour Mlle Françoise Y..., demeurant ... ; Mlle Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 28 août 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 25 novembre 1983, 9 avril 1984 par lesquels le ministre de l'éducation nationale l'a successivement suspendue de ses fonctions de professeur certifié au collège Jean Jaurès de Calais puis réintégrée dans lesdites fonctions et déchargée de hautes fonctions d'enseignement jusqu'au terme de l'année scolaire 1983 et a rejeté, d'autre part, sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à la réparation du préjudice causé par l'arrêté du 25 juillet 1984 la mutant dans un autre établissement ;
2°) annule les arrêtés des 25 novembre 1983 et 9 avril 1984 ;
3°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 100 000 F au titre du préjudice qu'elle a subi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 85-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Colmou, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de Mlle Françoise Y...,
- les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrrêté du 25 novembre 1983 :
Considérant que Mlle Y... ne conteste pas que lesdites conclusions ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille les a rejetées comme irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 avril 1984 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : "Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement ... Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé ... est rétabli dans sa situation" ;
Considérant que par l'arrêté susmentionné en date du 25 novembre 1983, le ministre de l'éducation nationale a prononcé la suspension des fonctions de Mlle Y..., professeur certifié affecté au collège Jean Z... à Calais contre laquelle une procédure disciplinaire a été engagée ; que par son arrêté susmentionné en date du 9 avril 1984, ledit ministre l'a, d'une part, réintégrée dans lesdites fonctions àcompter du 25 mars 1984, d'autre part, déchargée, à compter de cette même date et jusqu'au terme de l'année scolaire 1983-1984, de tout service d'enseignement, enfin annoncé une décision ultérieure prononçant sa mutation ; qu'une telle décision, alors que l'intéressée n'avait pas reçu d'autre service que celui d'assurer un enseignement, doit être regardée comme prolongeant au-délà de quatre mois prévu par les dispositions précitées la mesure de suspension dont elle avait été l'objet, dans l'attente d'une sanction disciplinaire ; qu'elle méconnaît lesdites dispositions ;

Considérant qu'il suit de là que Mlle Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions susmentionnées ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Lille le 6 décembre 1984, le ministre de l'éducation nationale a conclu au rejet au fond de la demande d'indemnité formé par Mlle Y... ; qu'ainsi cette demande était recevable ;
Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient Mlle Y..., l'arrêté du ministre de l'éducation nationale en date du 25 novembre 1983 prononçant sa suspension ne méconnaît pas par elle-même la limitation à quatre mois de la durée de la suspension prise par l'article 30 précité de la loi du 13 juillet 1983 ;
Considérant, d'autre part, que si une procédure disciplinaire a été ouverte à l'encontre de Mlle Y... ainsi qu'il a été dit ci-dessus et si la commission administrative paritaire compétente a émis un avis favorable à ce que soit prononcée à son encontre la sanction du déplacement d'office, le ministre de l'éducation nationale ne s'est pas rangé à cet avis et par son arrêté du 25 juillet 1984 a prononcé, dans l'intérêt du service, la mutation de l'intéressée au lycée Pierre de X... à Calais ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que l'intéressée aurait été l'objet d'une sanction disciplinaire illégale doivent être écartés ; que la circonstance que l'administration aurait illégalement refusé de lui communiquer le procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire est sans influence sur la légalité de la mutation contestée ; que Mlle Y... a eu communication de son dossier ; qu'il ressort des pièces du dossier que de nombreux incidents étaient survenus au cours des enseignements dont elle était chargée et que les rapports existants entre elle et le reste de la communauté éducative s'étaient durablement détériorés ; qu'en estimant que dans ces circonstances une mutation dans l'intérêt du service de Mlle Y... dans un autre établissement était seule de nature à assurer le bon fonctionnement du collège Jean Jaurès de Calais, le ministre de l'éducation nationale n'a pas fondé sa décision sur une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il suit de là que la seule décision illégale constituant une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat est l'arrêté en date du 9 avril 1984 annulé par la présente décision ; que cet arrêté a eu pour seul effet de priver Mlle Y... du droit d'effectuer un service d'enseignement conforme à ses obligations statutaires du 25 mars 1984, date d'expiration de la période légale de suspension, jusqu'au terme de l'année scolaire 1983-1984 ; que Mlle Y..., qui n'invoque aucune incidence de cette décision illégale sur la rémunération qu'elle a perçue et ne précise aucunement les troubles qu'elle aurait entraînés sur ses conditions d'existence, ne peut prétendre qu'à la réparation d'un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 1 000 F ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les conclusions de Mlle Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 1 du décret du 2 septembre 1988 doivent être interprétées comme tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'aux termes de cet article : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ..." ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mlle Y... la somme de 3 225 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 28 août 1987 est annulé en tant que par ledit jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de Mlle Y... tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'éducation nationale en date du 9 avril 1984, et a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice.
Article 2 : L'arrêté du ministre de l'éducation nationale en date du 9 avril 1984 est annulé.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mlle Y... la sommede 1 000 F et une somme de 3 225 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Y... etau ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 91582
Date de la décision : 22/09/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRE - PERSONNEL ENSEIGNANT - PROFESSEURS.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - SUSPENSION.


Références :

Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1
Loi 85-634 du 13 juillet 1983 art. 30
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 22 sep. 1993, n° 91582
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Colmou
Rapporteur public ?: Kessler

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:91582.19930922
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